Dispose-t-on des capacités pour concevoir et opérer des piles chauffantes RTG pour nos futures missions d'exploration spatiale en Europe ? L'ESA a engagé Tractebel (groupe ENGIE) pour évaluer la possibilité de produire du plutonium 238 en quantité suffisante pour les véhicules à venir.
Pas question de s'emballer cependant, c'est un long processus…
2.21 Gigowatts !
Dites, vous ne sauriez pas produire du Plutonium 238 ? De préférence de bonne qualité, et sous une forme finale de palets de hockey que l'on pourrait stocker de façon sécurisée… ? En substance, c'est pour répondre à cette question que l'ESA a engagé Tractebel (groupe ENGIE) et ses partenaires, Orano et le centre de recherche SCK CEN.
La méthode, elle, n'est pas secrète, mais le processus industriel pour obtenir des quantités significatives de Pu 238 est complexe et coûteux à mettre en place. L'idée ici est de bombarder du Neptunium 237 fourni par l'usine de retraitement de la Hague dans un processus dit de « capture neutronique » pour produire du Plutonium 238 (procédé qui prendrait place à la centrale de Mol en Belgique).
Le club des piles radioisotopiques
Seuls les États-Unis, la Russie et la Chine ont aujourd'hui les capacités de production et une chaîne industrielle complète qui leur permet d'envisager des missions spatiales futures avec des piles radioactives RTG. La chaleur du Plutonium 238 y est convertie en électricité, ce qui fournit une source stable et efficace pour des durées longues : il n'y a qu'environ 15 % de perte de rendement en 20 ans avec le Pu 238… Et si un jour de telles piles peuvent être produites avec de l'Americium 241, la fenêtre sera ouverte pour des durées triplées, voire quadruplées.
Des options intéressantes pour des missions lointaines, mais aussi pour la (re)conquête lunaire, notre satellite ayant la désagréable habitude d'avoir la majorité de ses régions à l'ombre pour des périodes de deux semaines. La Chine y utilise par ailleurs des RHU (Radioisotope Heater Unit) qui ne génèrent pas d'électricité mais gardent les instruments et ordinateurs de ses véhicules au chaud.
Les affaires sont les affaires
Ce n'est pas la première fois que l'ESA s'intéresse à ces technologies, mais c'est en s'adressant aux industriels – pour disposer d'une réponse concrète et d'un agenda réaliste – que l'agence européenne pourra construire une proposition solide pour des missions qui prendront place d'ici la fin de la décennie, voire le début de la suivante (il est notamment question d'un véhicule lunaire européen). C'est aussi la clé pour obtenir l'aval des états membres lors d'une prochaine session ministérielle… Car un tel sujet, pour placer l'Europe au niveau des USA ou de la Chine, nécessitera un investissement conséquent. Les panneaux solaires sont aussi parfois préférés aux piles RTG à cause de leur coût !
Enfin, sait-on jamais, peut-être l'ESA pourrait-elle s'engager dans une filière très rentable : les États-Unis tentent eux aussi de relancer leur filière depuis plusieurs années, à cause de multiples missions nécessitant cette technologie. Il pourrait y avoir un marché de niche à capter.
Source : Tractebel