En conférence hier pour présenter ses vœux et les objectifs 2022, le directeur de l'ESA Josef Aschbacher a livré une présentation assez orientée vers l'astronautique. Entre la sélection en cours, la prolongation de l'ISS et les futures missions lunaires, le regain d'activité pour le domaine n'est pas passé inaperçu.
Jusqu'à des capacités habitées pour les lanceurs européens ? L'idée fait son chemin…
Du budget, des satellites et… des astronautes
Malgré les effets de la pandémie sur ses États membres, l'Agence spatiale européenne (ESA) se porte bien. Elle dispose pour l'année 2022 d'un budget qui a bondi de 10 % par rapport à l'année dernière, et qui traduit de nouvelles ambitions. Il y a bien sûr (poste très important) les missions au service de l'Union européenne, Galileo et Copernicus, programmes auxquels l'ESA contribue sur le plan scientifique et technique.
L'observation de la Terre, à travers différents satellites et nouveaux capteurs pour suivre le changement climatique tenait aussi une bonne place, non seulement parce que cela représente presque un quart du budget (1,6 milliard d'euros) mais aussi car c'était l'ancien poste de l'actuel directeur ! L'ESA propose d'ailleurs différentes initiatives sur le sujet…
Si la présentation brossait un portrait des projets de l'agence, l'astronautique a été mise en avant pour 2022, à travers les projets actuels et futurs. Un choix intéressant !
Bien choisir pour son avenir
Qui dit astronautes, dit sélection européenne en cours ! L'ESA poursuit le « tri » de ses candidatures, dont le nombre et la pertinence ont surpris les évaluateurs. Ils ont finalement eu à départager 23 307 dossiers, ce qui après étude des dossiers, de premiers entretiens, des tests psychologiques, cognitifs et de personnalité, a mené à la fin de la « phase 1 » à retenir 1 362 dossiers.
Comme il n'y a que quatre à six places à attribuer, le processus prendra une bonne partie de l'année, avec des allers-retours à Cologne, des évaluations médicales, des tests en groupe, le tout avant la dernière phase et les entretiens individuels devant jury. Deux dossiers sur cinq sont des femmes, ce qui montre que l'appel des astronautes à plus de mixité des genres a mené à des candidatures intéressantes. Enfin, 29 personnes font actuellement partie de l'initiative « parastronautes » de l'ESA, qui vise à évaluer les possibilités pour des candidats atteints de différents handicaps à travailler dans l'espace. Les réponses fin 2022 !
Sur l'ISS d'abord…
L'année sera d'ailleurs bien remplie pour les astronautes déjà en poste ! L'Allemand Matthias Maurer est actuellement sur l'ISS pour sa première mission longue de six mois, tandis que l'Italienne Samantha Cristoforetti décollera pour le remplacer dès le mois d'avril, elle aussi pour une rotation longue.
Cela représente des dizaines d'expériences scientifiques européennes à envoyer (mais aussi à ramener), et de nombreux supports des équipes au sol pour assurer les rotations. En effet, ces astronautes, il faut les accompagner lors de leur préparation, mais aussi après leur vol (Thomas Pesquet est encore en période de rééducation). On attendra cette année le nom de l'heureux élu pour une mission en 2023, sur Soyouz ou l'un des véhicules américains, Tim Peake et Andreas Mogensen étant les seuls « vétérans » à ne pas encore avoir de deuxième mission.
…Et plus loin ensuite !
Plus généralement, l'ESA cherche à étendre son empreinte astronautique. En augmentant la taille de son contingent, mais aussi en s'impliquant de façon continue dans les grands projets de son temps. L'ISS en est un bon exemple, et Joseph Aschbacher a confirmé qu'il attendait des pays membres un soutien pour que l'ESA s'engage à son tour à rester sur la station internationale jusqu'à 2030.
L'autre projet d'envergure concerne le soutien au programme américain Artemis, avec l'implication importante de l'ESA pour différents modules de la future station lunaire habitée Gateway, ainsi que le module de service de la capsule Orion (le vol inaugural, actuellement prévu au mois d'avril, représente beaucoup de travail et de grosses responsabilités pour les Européens). L'ESA disposera de sièges pour les futures missions (au moins trois), mais souhaite aussi participer aux opérations au sol avec des moyens robotisés. Une volonté qui représentera de nouvelles opportunités pour les astronautes !
Un véhicule habité européen : développera ? Développera pas ?
Enfin, à travers la situation compliquée autour des lanceurs que traverse l'Europe (Ariane 6 n'est plus attendue qu'à la fin de l'année au mieux, Vega C se fait attendre, les petits lanceurs soutenus par l'Allemagne arrivent sur le marché), l'ESA s'interroge sur les capacités futures. En effet, sur le papier en 2030, Chine, Russie et États-Unis disposeront de lanceurs lourds capables d'envoyer des astronautes vers la Lune, et au moins quatre nations (et plus d'entreprises) pourront envoyer des gens en orbite basse… Mais pas l'ESA.
En cela, J. Aschbacher souhaite pousser les États à dépenser plus, autour de 600 millions d'euros par an, pour que les Européens puissent disposer d'un « accès autonome à l'orbite », sans payer des fortunes à SpaceX, par exemple. Le débat n'est pas tranché aujourd'hui, notamment sur le bien fondé d'un tel investissement au moment où les programmes scientifiques (les sondes d'exploration notamment) ont du mal à trouver des financements ambitieux. Mais le directeur en parle…
Source : ESA