Titan observée à différentes bandes de fréquences par le télescope James Webb © NASA / ESA / CSA / A. Pagan (STScI). Science : Webb Titan GTO Team
Titan observée à différentes bandes de fréquences par le télescope James Webb © NASA / ESA / CSA / A. Pagan (STScI). Science : Webb Titan GTO Team

Pour ses premières images de la lune Titan, le télescope infrarouge James Webb y détecte… des nuages ! Cet événement peu commun a mené une équipe d’astronomes à confirmer les résultats avec le télescope terrestre Keck à Hawaii. Les images et les données récupérées seront intéressantes pour les futures missions.

Notamment pour Dragonfly, qui consistera en un grand multicoptère prévu pour 2027.

À travers l’atmosphère pour voir des nuages

La surface de Titan est peu visible, et pour l’œil humain, elle ne l’est pas du tout : il s’agit de la seule lune de notre Système solaire à être entourée d’une très épaisse atmosphère, principalement composée de méthane et de CO2. Mais ce « paradis des hydrocarbures » a déjà été visité, en particulier lors de la mission Cassini. Il n'empêche que pour voir à travers les nuages, il faut soit un radar, soit utiliser une bande de fréquences qui ne les montre pas, comme l’infrarouge.

Et cela tombe assez bien, puisque l’humanité dispose depuis cet été d’un tout nouveau télescope spatial avec d’extraordinaires capteurs infrarouges ! Le télescope James Webb a pris ses premières photographies de Titan le 4 novembre, et les résultats initiaux dépassaient (une nouvelle fois) les espoirs des astrophysiciens qui en avaient fait la demande. Non seulement les principales caractéristiques de la surface de Titan étaient visibles, mais en plus, l’équipe a immédiatement identifié ce qui semblait être… un nuage !

Tranche de Keck

Les nuages sont relativement rares dans l’atmosphère de Titan, même si le phénomène a déjà été observé, en particulier au cours de campagnes de longue durée. Ils n’apparaissent que près de l’équateur et dans l’hémisphère Nord, à la fin de l’été, lorsque le Soleil réchauffe la zone.

Après la détection d’un deuxième nuage, l’équipe qui analyse les données (y compris Sébastien Rodriguez, chercheur à l’université Paris Cité) s’est tournée vers les spécialistes des nuages titanesques… à Hawaii. En effet, le télescope Keck dispose d’un instrument nommé NIRC2, mis en service en 2015, qui fonctionne en proche infrarouge. Pour éviter qu’il soit perturbé par l’atmosphère terrestre, il met en jeu des déformations optiques générées sur son miroir (optique adaptative), ce qui permet une résolution excellente, très proche de ce que le JWST venait d’obtenir.

Le soir suivant la réception des clichés du James Webb, les équipes ont pu obtenir un créneau d’observation (là aussi, c’est relativement rarissime) à Hawaii. Et dans les heures qui ont suivi, le Keck a confirmé l’observation de nuages sur Titan.

L'image du télescope Keck (à droite) paraît plus résolue, mais il faut faire attention, le traitement des couleurs n'est pas exactement le même que pour le JWST © NASA / ESA / CSA / W. M. Keck Observatory / A. Pagan (STScI). Science : Webb Titan GTO Team
L'image du télescope Keck (à droite) paraît plus résolue, mais il faut faire attention, le traitement des couleurs n'est pas exactement le même que pour le JWST © NASA / ESA / CSA / W. M. Keck Observatory / A. Pagan (STScI). Science : Webb Titan GTO Team

Le JWST ne déçoit toujours pas

Avec ces deux observations parallèles, les perspectives sont nombreuses pour l’étude de Titan. D’abord, son atmosphère sera mieux comprise grâce aux instruments du JWST. Pour information, NIRCam, qui a produit la plus « belle » image, n’est pas le seul à avoir pris des photos, il y a aussi les autres spectres.

Ensuite, il s'agit là d'une nouvelle opportunité pour observer et comprendre les nuages de Titan, qui permettent de valider des modèles atmosphériques de la lune de Saturne. Cette tâche est plus importante qu’il n'y paraît, en particulier pour la NASA qui compte envoyer sur place un robot volant à 8 rotors dans moins d’une décennie (décollage en 2027).

Enfin, les doubles observations du genre permettent d’affiner les données et de mieux étalonner les mesures futures, que ce soit au sol ou dans l’espace. Et puis, pour nous, c’est (sans surprise) très joli.

Source : NASA