De la première dévoilée par Joe Biden depuis la Maison Blanche hier soir aux suivantes déchiffrées en direct ce 12 juillet dans l'après-midi, la première sélection d'images du télescope James Webb est fascinante. Elle montre surtout les capacités extraordinaires de ces nouveaux instruments pour comprendre l'univers.
Ces clichés vont émerveiller une nouvelle génération d'astronomes petits et grands !
Observer l'Univers comme nous ne l'avions jamais vu. La promesse était belle, aujourd'hui, elle est tenue. Certes, les capteurs du télescope James Webb fonctionnent dans l'infrarouge proche et moyen, il nous montre donc par définition ce que nous ne pourrions jamais « voir ». Mais l'adaptation de ces clichés à nos yeux respecte des codes scientifiques, il ne s'agit pas d'une licence artistique. Et la résolution elle, nous fait entrer dans une nouvelle dimension. Après l'émerveillement de Hubble qui se poursuit depuis les années 90, l'astronomie spatiale est bien entrée dans une nouvelle ère avec James Webb. Le résultat de 20 années d'attente et de travail pour des équipes qui peuvent, enfin, savourer le parfum d'une mission accomplie. Place à la science, donc. Et même pour nous, qui ne sommes pas astrophysiciens, place à la découverte, à une nouvelle lumière sur notre univers. Et au rêve, un peu…
SMACS 0723, le premier champ profond du Webb
Ce cliché, qui est celui dévoilé par le président américain dans la nuit, est en effet saisissant. Il faut observer, au centre, le groupe de galaxies qui se situe 4.6 milliards d'années-lumière de notre planète… Et dont la masse génère un effet de lentille gravitationnelle pour découvrir, en périphérie, des galaxies très peu visibles. Ces dernières (notamment celles en rouge) ont émis leur lumière il y a plus de 13 milliards d'années. Le cliché, sur lequel des milliers de galaxies de toutes formes et tailles sont visibles, n'aura nécessité que 12.5h d'exposition ! Et si cela vous semble long, sachez que pour le Hubble Extra Deep Field, le télescope avait eu besoin de collecter la lumière durant 22 jours d'exposition cumulée ! La surface couverte par ce cliché profond de SMACS 0723 est équivalente à celle que représente un grain de riz tenu par un adulte à bout de bras sur le ciel de nuit… Comme l'ont dit les responsables scientifiques de la mission en fin d'après-midi « nous faisons des découvertes avec cette image alors qu'on n'a même pas vraiment essayé ». Prometteur !
WASP 96b, dans l'atmosphère d'une exoplanète géante
L'observation du spectre atmosphérique infrarouge des exoplanètes est l'un des thèmes majeurs pour le télescope Webb, comme nous le précisait Pierre-Olivier Lagage (l'un des responsables de l'instrument MIRI) il y a quelques mois. Il n'est donc pas étonnant de retrouver le spectre de WASP-96b, une géante gazeuse à 1150 années-lumière de la Terre… Qui est immédiatement devenu le plus détaillé jamais obtenu pour une exoplanète. Selon l'équipe scientifique, on y retrouve d'ores et déjà la preuve qu'il y a bien des molécules d'eau sur cette géante (ce qui avait été prouvé par Hubble en 2013), mais aussi des indices qui montrent qu'il y a une atmosphère avec d'épais nuages.
La nébuleuse de l'anneau austral, version magnifiée
Dans cette nébuleuse NGC 3132, on retrouve un duo d'étoiles, et des détails… Qui n'avaient jamais pu être magnifiés jusqu'ici. La structure du nuage de gaz éjecté lorsque l'une des deux est passée au stade de la naine blanche, sa complexité, l'extraordinaire tapisserie de galaxies qui se cache derrière la nébuleuse, le cliché est d'une beauté saisissante. Il permet aussi d'appréhender les différences entre les instruments du télescope, avec un duo présenté qui montre les résultats collectés par l'instrument NIRCam ainsi que par MIRI. Les deux ont leurs différences et vont permettre des découvertes particulières !
La Quintette de Stephan, plongée au cœur des galaxies
Là encore, les galaxies en interaction, ce lent télescopage à des échelles dépassant l'entendement, se livrent en détails inédits. Lorsque Hubble en révélait les délicats détails, cette fois le cliché du Webb permet d'aller jusqu'à observer les étoiles, les millions de points qui constituent ces clusters. Les scientifiques peuvent maintenant étudier les ondes de choc de cette collision, mais aussi la composition des nuages de gaz qui s'effilochent vers l'infini, et leur origine. L'image elle-même est disponible avec une résolution inédite, agrégat de 150 millions de pixels grâce à 1000 clichés du JWST et travaillés ensemble. Et là encore, les instruments permettent des mises en abîme différentes, en particulier dans les régions riches en gaz et en poussière entourant le trou noir supermassif au centre d'une de ces galaxies.
La nébuleuse de la Carène, plongée en poésie
Pour « finir » (car après tout, ce n'est qu'un début), les capteurs se sont tournés vers la nurserie d'étoiles NGC 3324, dans la nébuleuse de la Carène. L'occasion de montrer avec quelle facilité et quel contraste ce nouveau télescope peut montrer la lumière des jeunes étoiles à travers ce nuage de poussière stellaire. Capturer les premiers instants des étoiles sera l'un des sujets d'étude majeur pour le James Webb. La poussée de gaz et de poussière au bord de cette « falaise » génère des effondrements, qui peuvent donner naissance aux étoiles. De quoi répondre à plusieurs questions majeures de l'astrophysique moderne, comme ce qui détermine le nombre d'étoiles à se former dans une certaine région, ou avec quelle masse elles peuvent « naitre ». Le télescope Webb permettra aussi de les recenser et de quantifier l'influence d'une région avec des étoiles très jeunes et très énergétiques. Enfin, il ne faudrait pas oublier la puissance visuelle d'un tel cliché…
Source : ESA