© Netflix
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L'auteur français fait équipe avec Netflix pour son nouveau long-métrage, une comédie de science-fiction grinçante qui se demande qui des êtres vivants ou des machines possèdent le plus d'humanité…

Kernel Panic

En 2045, l'intelligence artificielle est partout et les robots domestiques sont présents dans chaque maison. Quand une révolte d'androïdes, appelés les Yonyx, éclate, une famille recomposée et leur voisine envahissante vont se voir enfermés chez eux par les machines soucieuses de les protéger.

Cela faisait bien longtemps que l'on n'avait pas croisé Jean-Pierre Jeunet. Le metteur en scène du Fabuleux destin d'Amélie Poulain, d'Alien, la Resurrection ou encore de La cité des enfants perdus n'avait pas tourné depuis 2013 et c'est grâce à Netflix que le cinéaste français a pu mettre en route son nouveau projet, Bigbug.

Cette comédie futuriste a en effet, de l'aveu même de son auteur, été refusée par toutes les sociétés de productions françaises qui ne souhaitaient pas s'embarquer sur un projet « risqué » de science-fiction à la française mettant en scène des robots.

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Le service de streaming vidéo n'a quant à lui pas tergiversé, bien content de signer un nouveau nom reconnu à l'international, donnant un rapide feu vert et un contrôle artistique total à Jean-Pierre Jeunet.

Quand la domotique attaque

Dès les premières secondes, on comprend rapidement que l'on a affaire à une vision d'artiste, qui ne s'embarrasse pas des conventions de son époque. Le futur selon Jeunet est plutôt rétrofuturiste et s'inspire très nettement des concepts des années 50 et 60 pour imaginer un monde de demain rempli de meubles pop aux couleurs flashy, de néons du sol au plafond et d'appareils électroniques qui font bip-bip à chacune de leurs actions.

Le contraste à l'image est saisissant, entre un décor très coloré, délicieusement désuet, et une image numérique d'une netteté et d'une précision saisissante. Les effets visuels sont également dans cet entre-deux, avec de rares plans de l'extérieur de la maison pas totalement maitrisés, à l'animation parfois un peu raide mais qui nous a semblé parfaitement volontaire, collant au look et au ton du film.

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Jean-Pierre Jeunet modifie également sa manière de travailler l'image et abandonne une photographie tirant nettement vers le jaune pour quelque chose de plus naturel et de plus coloré. Le metteur en scène ne renie pas pour autant ses marottes et ajoute à son film une touche de steampunk à travers le robot Einstein, formé d'une tête de bois avec des yeux et une moustache en pièces mécaniques. Les machines sont d'ailleurs pour la plupart de vrais appareils conçus pour les besoins du tournage, ce qui renforce l'immersion pour le spectateur.

Le cœur dans la machine

Bigbug est avant tout une comédie satirique qui, si elle traite de l'intelligence artificielle, cherche d'abord à mettre les spectateurs face aux pires travers de l'être humain. Nos héros sont paresseux, égoïstes, lâches et, surtout, obnubilés jour et nuit par le sexe, ne pensant qu'à copuler entre eux ou avec un androïde dédié à la tâche, même en plein cœur d'une invasion de robots fascistes.

Le casting est tout simplement impeccable, d'Elsa Zylberstein en maîtresse de maison totalement dépassée par les événements et ses émotions, à Stéphane De Groodt, toujours excellent dans la veulerie, sans oublier Isabelle Nanty, parfaite voisine frustrée et intrusive.

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Face à eux, Monique (Claude Perron), Einstein (doublé par André Dussolier), le robot pour enfants Tom et le brave nettoyeur Award assistent à l'affligeant spectacle, tout en essayant de protéger leurs maîtres malgré eux.

On aurait alors pu s'attendre à une attaque en règle contre les développements de l'intelligence artificielle et la dépendance de plus en plus grande des humains aux machines. Cet aspect est certes abordé par le film mais avec une certaine subtilité, dans un propos qui s'inspire assez nettement d'un certain Wall-e, des studios Pixar, une influence d'ailleurs revendiquée par le metteur en scène.

Dans Bigbug, les intelligences artificielles ne sont pas forcément maléfiques ou dangereuses, mais peuvent au contraire s'attacher aux humains, essayer de les comprendre et même de les aimer. Cet apprentissage permet au film de proposer quelques scènes très amusantes, parfois un peu dérangeantes aussi, et de passer du rire franc au malaise en quelques secondes.

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Anomalie systémique

Jeunet n'a pas son pareil pour renouveler constamment sa réalisation et filmer le moindre recoin de son unique décor. Toutefois il n'échappe malheureusement pas à un ventre mou en plein milieu du récit, lequel vient plomber son deuxième acte, avant que le rythme reprenne très rapidement jusqu'au final.

On est également dubitatifs face à quelques effets de montage un peu abrupts, principalement des fondus au noir positionnés de façon très étrange, sans réelle justification. Pour un film aussi pointilleux sur son univers visuel, c'est ennuyeux.

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Bigbug n'est clairement pas inoubliable, car si l'angle et le ton choisi n'appartiennent qu'à leur auteur, le fond est vu et revu, et n'a pas grand chose à dire de plus que bon nombre d'œuvres de SF avant lui.

Pourtant, malgré ses menus défauts, Bigbug a le mérite de ne ressembler esthétiquement à aucun autre film proposé par Netflix et de se démarquer de l'ensemble des productions de la plateforme de streaming.

Jean-Pierre Jeunet et ses équipes ont à cœur de ne pas se contenter d'un simple téléfilm de plus, et proposent du vrai et du beau cinéma, qui aurait très bien pu trouver sa place sur grand écran. Nous vous conseillons donc vivement de vous laisser tenter par cette œuvre singulière, qui nous a beaucoup plu, en espérant ne pas avoir à attendre dix ans de plus pour le prochain long-métrage du cinéaste.

Bigbug est disponible depuis le vendredi 11 février sur Netflix.