Morbius

Sony Pictures n'en a pas fini avec l'univers Spider-Man et présente ainsi Morbius, un spin-off mettant en scène l'un des méchants iconiques du Tisseur de toiles.

Bat Drame

Michael Morbius est un scientifique atteint d'une maladie rare du sang. Déterminé à trouver un traitement pour lui et toutes les personnes atteintes de cette pathologie, il s'injecte un produit expérimental qui le transforme en vampire.

Voilà enfin Morbius ! Comme d'autres, le film a subi de plein fouet la pandémie de COVID-19 et la fermeture des salles : il s'est ainsi vu reporté un nombre incalculable de fois depuis 2020, à tel point que l'on a cru à un moment que Sony Pictures allait abandonner son long-métrage à une plateforme de streaming. C'était bien mal connaître le studio qui souhaite surfer le plus possible sur le succès gigantesque de Spider-Man : No Way Home… sans trop se fatiguer.

On aurait pu aussi penser que la production allait profiter de ces multiples retards pour peaufiner un film dont les différentes bandes-annonces faisaient peur à voir. La première séquence se charge de prouver le contraire. Filmée sur fond vert avec une incrustation qui agresse la rétine sans attendre, cette première scène mettant en scène Michael Morbius donne le ton du reste de la séance.

© Sony Pictures
© Sony Pictures

Vampire en pire

Morbius ne cherche jamais à être un beau film, ni à impressionner le spectateur par quelques séquences à la technique solide. Les décors sont génériques au possible, alternant entre des laboratoires gris, des prisons grises et des ruelles grises. Morbius se rêve peut-être en grand film horrifique, marchant dans les pas des Dracula d'antan, mais sa photographie se contente d'osciller entre des teintes de bleu, gris (encore) et marron, à tel point qu'il est bien difficile de distinguer quoique ce soit dans les scènes d'action.

Le réalisateur Daniel Espinosa semble ne jamais vouloir s'embêter à donner un quelconque cachet à son métrage et ressort même du formol l'effet bullet-time de Matrix pour des ralentis ringards et hideux qui ne font que mettre en lumière la pauvreté pitoyable des effets visuels.

Il n'y absolument rien à sauver dans Morbius sur le plan visuel, même pas dans les scènes plus calmes, dont les cadres sont totalement génériques quand ils ne sont pas ratés, avec une profondeur de champ inexistante et un montage qui peine à cacher les stigmates d'un film charcuté en post-production. Et si vous ne nous croyez pas, nous vous conseillons vivement de visionner, après le film, les bandes-annonces qui montrent une grande quantité de plans et de séquences finalement abandonnés en cours de route.

Navet à la crème d'ail

Morbius partage donc beaucoup de choses avec Venom et sa suite tout aussi laide. Mais ce nouveau film du Spider-Verse de Sony Pictures réussit l'exploit de sacrément réhabiliter les deux métrages consacrés au symbiote. En effet, même si les Venom restent de bien mauvais films, ils avaient au moins le bon goût d'être drôles, au 36e degré, ne serait-ce que pour la prestation hallucinée d'un Tom Hardy en roue libre. Morbius, non.

On attendait beaucoup de Jared Leto, qui nous a déjà régalés ce mois-ci dans WeCrashed, la série Apple TV+ consacrée au fondateur de la start-up WeWork, après avoir outrepassé les limites du bon goût avec son interprétation désastreuse du Joker dans Suicide Squad et Zack Snyder's Justice League.

© Sony Pictures

Malheureusement, l'acteur doit avoir pris le rôle du vampire au pied de la lettre et semble mort à l'intérieur, éteint d'un bout à l'autre du film. Son seul mince moment de gloire reste cette scène, d'une bêtise sans nom, où Morbius, après avoir vidé de leur sang une demi-douzaine de marins, ôte sa chemise sans aucune autre raison apparente que celle de nous dévoiler longuement sa musculature parfaitement dessinée. Le reste du temps, le pauvre Jared subit un maquillage qui le fait ressembler davantage à un Michael Jackson en fin de carrière qu'à une créature terrifiante.

« Il n'y a rien à sauver dans Morbius, qui se montre d'un cynisme absolu envers les fans de comics »

Tout le reste du casting semble d'ailleurs s'ennuyer poliment et attendre son cachet, à l'exception de Matt Smith (The Crown) dans le rôle de l'antagoniste de notre anti-héros. Face à la pauvreté de son personnage, il multiplie les grimaces et les postures grotesques, pour le plaisir coupable des spectateurs.

On passera rapidement, enfin, sur le scénario du film, presque inexistant. Morbius ne cherche jamais à créer des enjeux ou une dramaturgie et expédie son récit à un rythme effréné, ne prenant jamais le temps de s'arrêter sur la psychologie de son vampire de héros.

© Sony Pictures

Michael Morbius découvre ses pouvoirs en deux minutes chrono et nous les explique en voix-off pour pouvoir passer à autre chose. L'embryon de romance avec sa collègue Martine est plus froid qu'une feuille d'impôts. Le fameux troisième acte est quant à lui réduit à peau de chagrin avec un combat final expédié d'un coup de balais et coupé brutalement. C'est terminé, générique, vous pouvez rentrer chez vous.

Ah non, évidemment, Marvel oblige, Morbius nous propose deux scènes post-génériques qui vont probablement rendre fous les exégètes du MCU. Nous ne rentrerons évidemment pas dans le détail mais sachez juste que si Morbius est mauvais, ces deux mini-séquences sont tout simplement honteuses, montrent les vraies intentions de Sony et sa vision des fans, davantage considérés comme des abrutis prêts à avaler n'importe quel caméo que comme des spectateurs doués d'un minimum de matière grise pour réfléchir plus de quinze secondes aux connexions entre les différents films et à leur logique.

© Sony Pictures

On peut légitimement se plaindre de la formule Marvel Studios, déclinée à l'infini depuis bientôt 15 ans. Il n'empêche, après avoir vu ce Morbius, on ne peut que saluer l'expérience des équipes de Disney qui réussissent à chaque projet à faire palpiter le coeur des fans grâce à quelques séquences d'action sorties tout droit d'un comic-book, des surprises toujours pertinentes pour la construction du MCU et des personnages attachants, qui ont le mérite d'exister à l'écran.

Sony Pictures ne cherche jamais à faire plaisir à ses spectateurs, seulement à capitaliser sur les quelques marques qui lui reste et sur des vagues promesses d'univers partagés, pour mieux les dépouiller année après année.

On souhaite vivement que les fans de comics prennent conscience du cynisme absolu qui sous-tend cet univers Marvel alternatif et boudent Morbius en masse. Ils méritent mieux que ça, vous méritez mieux que ça.

Morbius est dans les salles de cinéma depuis le mercredi 30 mars 2022.