© Marvel Studios
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Pour ce premier film Marvel de 2022, le studio nous présente la nouvelle aventure en solo de Doctor Strange. Le programme, ambitieux, est de jouer avec les possibilités infinies du Multivers. Pari réussi ? Réponse dans cette critique !

Accompagnez la lecture de cet article avec la musique du film :

En Multivers et contre tous

Dans ce 28e film du Marvel Cinematic Universe, Doctor Strange doit protéger America Chavez, une jeune fille capable de voyager dans les arcanes du Multivers. Or, passer entre les différentes réalités est un jeu dangereux aux terribles conséquences.

La Phase 4 du Marvel Cinematic Universe est singulière à plus d'un titre. L'écurie des super-héros Disney semble profiter de ces quelques années de transition pour expérimenter, adapter la formule qui a fait le succès des Avengers et prendre quelques risques pour surprendre les fans inconditionnels comme les spectateurs occasionnels.

Les séries WandaVision, Loki ou Moon Knight sur Disney+, mais aussi Les Eternels il y a seulement quelques mois, nous ont déjà montré que Marvel Studios souhaitait étendre son univers jusque là très formaté et explorer toutes les possibilités offertes par Stan Lee et les auteurs ayant officié dans la Maison des Idées depuis plus de 60 ans.

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Avec Doctor Strange and the Multiverse of Madness, l'omnipotent producteur de Marvel, Kevin Feige, avait annoncé que le studio se préparait à produire son premier film d'horreur. Il embauchait alors rien de moins que Sam Raimi, le réalisateur génial de la trilogie Spider-Man des années 2000 mais aussi de la trilogie culte Evil Dead. Reste que, tout aussi doué soit le monsieur, on pouvait légitimement craindre qu'il soit écrasé par un cahier des charges pachydermique et bridé dans sa créativité.

Que nenni, il lui a suffit de dix minutes pour nous prouver le contraire.

Raimiraculeux

Si nous ne devions vous donner qu'une seule raison de voir Doctor Strange and the Multiverse of Madness, c'est pour son esthétique, qui donne enfin un vrai souffle d'air frais au MCU. Sam Raimi s'amuse à dynamiter discrètement la mécanique bien huilée des films de la saga et à imposer sa patte, l'air de rien, à travers quelques plans et effets de montage caractéristiques de sa mise en scène. Les idées visuelles se comptent par dizaines dans les scènes d'action qui profitent à plein de son sens du rythme et de sa fantaisie. Parmi elles, nous avons été scotchés par une séquence « musicale » tout bonnement stupéfiante, à la fin du film.

La dimension horrifique, largement mise en avant dans la promotion du film, est étonnamment très présente, alors qu'on ne voyait là qu'un effet d'annonce. Là encore Sam Raimi exploite avec gourmandise toutes les largesses de son scénario : le film n'est jamais vraiment terrifiant mais il détonne par sa noirceur, ses hommages au gothique et sa violence graphique, surprenante dans l'univers policé de Marvel Studios.

L'humour un peu gras typique de la saga est ici logiquement mis en sourdine, le réalisateur préférant miser sur un comique de situation et quelques rares bons mots pour détendre une atmosphère bien lourde, sans jamais désamorcer la montée en puissance du scénario.

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Tout n'est pas parfait bien sûr, et comme souvent avec les films du MCU, certains effets visuels laissent parfois franchement à désirer, notamment les incrustations souvent baveuses et visibles à l'oeil nu. Sam Raimi semble également avoir été parfois limité par un tournage en studio particulièrement compliqué, en raison de la pandémie, et un moment de bravoure explosif souffre ainsi d'un découpage brouillon assez inhabituel pour le metteur en scène.

« Avec Doctor Strange and the Multiverse of Madness, Marvel livre l'un de ses meilleurs films et profite à plein de la créativité de Sam Raimi. »

On ne va toutefois pas faire la fine bouche devant ce spectacle jubilatoire qui, après l'apéritif Spider-Man : No Way Home, met enfin les pieds dans le plat en nous donnant à voir quelques unes des dimensions du Multivers, sans jamais oublier d'offrir quelques délicieuses friandises aux fans de la franchise, comme autant de promesses pour l'avenir du MCU.

« Viens voir le Docteur, non n’aies pas peur »

Tout roller coaster qu'il est, Doctor Strange and the Multiverse of Madness n'oublie jamais de se reconnecter à son personnage principal, qui n'avait pas été aussi développé et approfondi depuis son premier film titre, il y a déjà six ans. Michael Waldron, le scénariste déjà à l'oeuvre sur la série Loki, en a parfaitement conscience et réussit ici un remarquable travail d'équilibriste, malgré une production chaotique et de multiples réécritures.

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Le récit ne perd jamais de vue ses enjeux et les dilemmes qui traversent l'ex-Sorcier Suprême ainsi que Wanda Maximoff, probablement l'un des plus beaux personnages de la saga Marvel, interprété magnifiquement par Elizabeth Olsen. Par sa performance tout en intensité, elle parvient à voler la vedette à Benedict Cumberbatch, pourtant débordant de charisme, dans chacune de leurs scènes en commun.

Soucieux de mêler l'intime et le spectaculaire, on pardonnera au film quelques dialogues sur-explicatifs qui ralentissent à de très rares occasions un scénario pourtant mené tambour battant et sans bouts de gras. Sam Raimi boucle d'ailleurs son récit en deux heures montre en main, signant l'un des films les plus courts du MCU, et s'évitant au passage les habituels ventre-mous auxquels les blockbusters modernes nous ont malheureusement habitués.

Si vous n'êtes pas un exégète de l'univers Marvel, pas d'inquiétude, Doctor Strange and the Multiverse of Madness reste accessible à tout le monde. Certaines références aux séries TV pourront peut-être vous passer sous le nez, mais cela ne nuira pas votre compréhension du film. Il faudra en revanche avoir vu les longs-métrages les plus récents, en gros ceux situés après Avengers : Endgame, puisqu'après 28 longs-métrages, Marvel Studios ne cherche plus à perdre le temps de réintroduire ses personnages et les évènements marquants des précédentes phases.

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Marvel Studios nous avait promis beaucoup avec Doctor Strange and the Multiverse of Madness et ne déçoit presque jamais. Mieux encore, la franchise, loin de se reposer sur ses lauriers, livre l'un de ses meilleurs films et profite à plein de la créativité d'un Sam Raimi visiblement libre de mener sa barque comme il l'entend, malgré les contraintes et les impératifs du studio.

On aurait pu penser que la recette magique du MCU ne s'épuise fatalement après 12 années de domination sans partage sur le box-office et la pop culture mondiale. Avec ce 28e film, Marvel Studios semble au contraire vouloir écrire une nouvelle page de son histoire, à l'encre rouge sang.

Doctor Strange and the Multiverse of Madness est en salles depuis le mercredi 4 mai 2022