Au carrefour du PC portable et de la tablette, on pourrait bien trouver désormais l'ultrabook, un concept inauguré par Intel qui consiste en réalité à mettre au point des ordinateurs portables fins, autonomes, rapides et... abordables pour le commun des mortels. Avant d'entrer dans le vif de cette annonce, il convient toutefois de rappeler dans quel contexte elle a été formulée.
Deux architectures, un marché, quelles possibilités ?
Pour Intel, prendre la parole au Computex revêt toujours un caractère particulier : le fondeur ne s'adresse pas en premier lieu à la presse, mais à ses partenaires locaux, les Asus, MSI, Foxconn, Gigbayte et consorts qui tous, ou presque, ont construit leurs affaires autour de l'univers x86. D'abord par le biais des composants, cartes graphiques et cartes mères, puis par l'intermédiaire de produits finis comme des ordinateurs portables.
Le contexte de cette édition 2011 n'est pas non plus anodin. Bien que les études ne livrent pas des résultats particulièrement alarmants, les médias n'ont en effet de cesse de mettre en exergue la montée en puissance des produits nomades, au premier rang desquels on trouve les smartphones et les tablettes, tout en soulignant la menace que représentent ces nouveaux venus pour la vénérable industrie du PC, dont Intel est l'un des fers de lance. Taïwan a d'ailleurs rapidement pris le pli de ces nouveaux marchés, comme en témoignent les nombreuses tablettes présentées lors de ce Computex, ou le succès de marques telles que HTC, même si l'industrie informatique locale repose encore presque exclusivement sur les actifs de l'univers PC.
Au Computex, c'est à Sean Maloney, vice président exécutif d'Intel, qu'a échu la mission de développer le premier la réponse du numéro un mondial des semiconducteurs à ces suppositions, dans un contexte d'autant plus tendu que de son côté, ARM affiche un optimisme sans faille quant à son importance à venir dans l'univers de la mobilité. Dans un premier temps, Maloney a bien pris soin de rappeler que l'avenir était sans nuages du côté des ventes globales de PC dans le monde, dopées par la demande insatiable des pays dits émergents tels que la Chine, le Brésil ou l'Inde, fantastiques réservoirs de croissance pour l'industrie toute entière. Une fois ces éléments mis en lumière, il ne reste à impulser une véritable vision au marché, ce qui en entreprise comme en économie, est un rôle qui revient au leader.
Ultrabook : l'ultraportable haut de gamme à la portée de tous ?
Pour Intel, la direction à suivre ne fait guère de doute. Le fondeur indique même avoir déjà modifié ses feuilles de route en conséquence. Cette direction, ce serait celle de l'Ultrabook, une appellation dont on ne sait pas encore si elle a simplement vocation à marquer les esprits ou à devenir une véritable dénomination commerciale.
Derrière ce nom réside en réalité un concept relativement simple : un ordinateur portable de dimensions réduites, particulièrement fin, doté de fonctions de type démarrage rapide ou sortie de veille instantanée, ne pesant guère plus d'un kilogramme et ne faisant pas de compromis sur les performances. Manque une cerise à ce gâteau, qui fait bien évidemment penser à des machines de type MacBook Air ou Samsung Séries 9 : un prix abordable, qui ne fasse pas de l'Ultrabook un portable élitiste mais un PC accessible à tous.
Annoncé la veille, l'UX21 d'Asus serait l'un des premiers représentants de cette nouvelle famille de PC. Jonney Shih, CEO d'Asus, a d'ailleurs rejoint Sean Maloney sur scène pour expliquer à quel point « chez Asus, nous sommes très en phase avec les perspectives d'Intel pour l'Ultrabook ».
« Nos clients exigent en effet de bénéficier rapidement d'une expérience informatique sans compromis, pour un design léger et très portable qui corresponde à leurs besoins. Transformer le PC en un terminal ultra-mince et ultra-réactif bouleversera leur approche de l'ordinateur », a-t-il encore déclaré.
Sur le plan technique, Intel promet de substantielles avancées censées servir l'avènement de l'Ultrabook. La plus importante d'entre elles réside dans la récente mise au point des transistors en trois dimensions, dits tri-gate qui seront inaugurés en 2012 avec l'avènement des processeurs Ivy Bridge. Ces derniers devraient en effet faciliter l'augmentation de la finesse de gravure (22 nm pour Ivy Bridge) tout en permettant une réduction de 30 à 40% de la consommation électrique des puces.
Pour ce qui est des usages, Intel affirme également son intention de miser sur l'USB 3.0 ainsi que sur sa technologie Thunderbolt. Le fondeur a par ailleurs promis, démonstration à l'appui, l'arrivée prochaine d'une fonction de mise en veille profonde ne nécessitant plus la moindre alimentation électrique, avec un système qui se relance en cinq secondes. L'autonomie d'un ordinateur portable en veille deviendrait alors virtuellement illimitée. Enfin, Intel a évoqué, là encore avec une démonstration en direct, une autre technologie baptisée Smart Connect, qui permet à un PC en veille de tout de même régulièrement se « réveiller » pour permettre aux applications lancées sur la machine d'aller vérifier si de nouvelles informations sont disponibles en ligne. Ainsi, votre client mail vous afficherait, dès la sortie de veille du PC, les messages reçus pendant votre absence.
Tablettes et netbooks ne sont pas oubliés... jusqu'à ce qu'un processeur les réunisse
Tout à la promotion de ce nouveau concept, Intel n'oublie cependant pas les impératifs du marché. Sean Maloney a ainsi pris soin de rappeler que les ingénieurs maison planchaient actuellement sur Cedar Trail, la prochaine génération des processeurs Atom (sur laquelle nous reviendrons prochainement), ainsi que sur Medfield, la famille de puces destinées aux tablettes, qui selon lui devrait débarquer dans des produits finaux, capables de faire fonctionner indifféremment Windows, Android ou Meego, d'ici six à neuf mois (à droite, Maloney présente un prototype de tablette Medfield équipé d'Android 3.0).
Intel a également confirmé que le développement de la famille Atom allait s'intensifier, avec un cycle qui passera de deux ans à un an seulement, de façon à rapidement intégrer les dernières avancées technologiques et augmenter la finesse de gravure. Du côté du PC traditionnel, Ivy Bridge, déclinaison en 22 nm de l'actuel Sandy Bridge, est quant à elle censée laisser la place dès 2013 à l'architecture Haswell qui, aux côtés de la famille Atom, doit permettre à Intel d'équiper tous les produits informatiques actuels et à venir.
ARM, le concurrent à abattre ?
Le discours d'Intel est séduisant, et l'on sait que le fondeur dispose des moyens techniques, humains et financiers nécessaires à ses ambitions. D'aucuns se souviennent toutefois des velléités passées d'Intel dans le domaine de la mobilité, qui toutes n'ont pas été couronnées de succès. Après tout, qui parle encore de MID aujourd'hui ?
En attendant de voir si l'Ultrabook porte ses fruits, l'attention se porte aujourd'hui sur les tablettes, à Taïwan comme dans le reste de la sphère informatique et sur ce terrain, Intel court pour l'instant loin derrière ARM, en dépit des quelques produits qui sont aujourd'hui équipés d'une puce Oak Trail (Z670) ou d'un Atom. Mooly Eden, vice président d'Intel en charge de la division PC Client, a suite à une autre présentation dédiée à l'Ultrabook été interpellé sur le sujet mardi après-midi lors d'une séance de questions réponses avec la presse.
« Oui, nous sommes en retard, aujourd'hui beaucoup de tablettes ne sont pas équipées d'un Intel, mais on y consacre beaucoup d'efforts », a-t-il déclaré mardi. « Il n'y a pas de raison qu'on ne se positionne pas. Nous avons les meilleurs transistors, les meilleures technologies et l'on y consacre beaucoup d'efforts ».
« ARM est définitivement un concurrent sérieux. Ils vont sans doute tenter de monter vers les ordinateurs portables, nous tentons d'aller sur leur terrain : nous verrons bien qui va gagner. Une chose est sure, cette compétition sera finalement bonne pour le marché », a-t-il encore ajouté. Que le meilleur gagne ?