Ce constat n'empêche pas les entreprises, et pas seulement les laboratoires pharmaceutiques ou les spécialistes des couches pour adultes, de se frotter les mains, car le marché des vieillards, ça peut rapporter.
Le premier opérateur de télécommunications mobiles japonais, NTT Docomo, en sait quelque chose, qui a présenté récemment à Tokyo le premier mobile multifonctionnel (smartphone) spécialement conçu pour les surnommés « seniors ». Il est vrai que les besoins existent, comme l'a constaté de visu le mangaka J.P. Nishi, lequel a pris pitié d'un vieillard japonais aperçu sur un quai de métro en train de s'escrimer à utiliser son iPhone. De retour devant sa table à dessin et son ordinateur, J.P. Nishi s'est toutefois consolé en lisant les innombrables tweets d'une grand-mère manifestement très à l'aise avec son clavier ! (histoire vraie)
NTT Docomo proposait depuis des années des modèles de téléphones traditionnels pour les plus de 60 ans, mais c'est la première fois qu'est conçu pour ce public un appareil à large écran tactile, sans pavé numérique en dur, inspiré de l'iPhone d'Apple, mais doté de maintes particularités, et capable d'être enrichi de multiples applications à télécharger.
Appelé Rakuraku Sumaho (smartphone facile d'emploi), cet appareil, fabriqué par le groupe nippon Fujitsu, affiche sur son écran des menus, touches et claviers plus gros et lisibles que les modèles classiques de smartphone.
Les personnes âgées ayant tendance à être plus hésitantes ou à trembler, au risque de frôler l'écran par inadvertance, ce Rakuraku Sumaho exige une pression plus forte pour prendre en compte les commandes. De surcroît, la pression est accompagnée d'un signal renvoyé au doigt donnant la même sensation que celle perçue lorsqu'on enfonce réellement un bouton.
Sur l'écran d'accueil de ce modèle figurent en outre trois boutons d'appel direct (pour joindre la famille, les services d'urgence, etc.). Toutes les actions (pour l'envoi de message, le visionnage d'images, l'écoute de musique, la prise de photos, etc.) sont d'accès simplifié et le tout est accompagné de services spéciaux utiles pour les personnes âgées.
Ce téléphone, qui tourne sous le système d'exploitation Android 4.0 de Google, n'est pas dépourvu des fonctions qui font la particularité des smartphones japonais. Il est étanche, intègre les porte-monnaie électroniques / tickets de train sans contact (osaifu keitai, via une puce Felica de Sony) ou encore la réception TV numérique terrestre mobile (One seg). Il est aussi compatible avec le service de messages vocaux pour les proches, prestation gratuite activée en cas de catastrophes naturelles (fréquentes au Japon). De même est-il suscpetible de recevoir les alertes anticipées adressées quelques secondes avant la survenue de fortes secousses telluriques là où se trouve le porteur.
Ce téléphone pour personnes âgées intègre aussi iBodymo, un ensemble d'applications associées notamment à un podomètre pour mesurer l'activité physique, effectuer des contrôles de poids et d'alimentation, prodiguer des conseils diététiques, etc. Il peut aussi faire appel au « concierge vocal », un noveau service de recherches d'information basé sur des questions posées naturellement à haute-voix (« à quelle heure passe le prochain train rapide pour la gare de Tachiaigawa?. Quelle est la date de naissance du réalisateur de hana-bi ? »), interrogations auxquels un personnage en forme de mouton répond par synthèse vocale en quelques secondes.
En outre, ce Raku raku smartphone peut bien entendu être enrichi de nombreuses applications à télécharger sur la place de marché Android proposée par NTT Docomo, où elles présentées en japonais, testées (pour éliminer celles porteuses de virus et autres bizarreries de mauvais goût) et mieux triées, le tout afin de répondre aux exigences des clients japonais.
Par ailleurs, NTT Docomo a aussi présenté le même jour un nouveau modèle de mobile spécial enfant. Bien que la population infantile soit en voie de régression au Japon, il en reste encore quelques millions et ces clients en herbe sont d'autant meilleurs à prendre qu'ils seront les gros consommateurs de demain, quasi nés avec un keitai dans la main.
Le modèle HW-01D est réellement conçu pour les petits (vraisemblablement à partir de 5-6 ans). Ses fonctions sont limitées mais bien pensées pour rassurer les parents. L'appareil permet en effet juste d'appeler ou d'envoyer un SMS vers quatre numéros de téléphone pré-enregistrés. A destination des autres, c'est impossible, ce qui permet d'éviter qu'un enfant ne soit tenté de téléphoner à une personne malintentionnée qui lui aurait donné son numéro. Le Kid's keitai est aussi muni d'une alarme qui se déclenche en tirant sur un cordon prévu à cet effet. Si elle est sollicitée, simultanément un message est adressée à une personne (la mère par exemple).
L'emplacement de la batterie est verrouillé par une vis particulière, afin d'éviter que quelqu'un n'enlève ladite batterie pour stopper l'alarme. Porteur d'une puce GPS et étanche, ce mobile peut être localisé à distance par les parents.
Comme un tel produit peut ausi convenir à des personnes très âgées ou atteintes de maladies invalidantes (Alzheimer), il peut être configuré en mode « enfant » ou « adulte ».
Ces nouveaux appareils de NTT Docomo, qui ne seront disponibles qu'en juillet ou août, ont été annoncés en même temps que toute la « collection été 2012 », laquelle ne compte plus que des smartphones, ce qui signifie que le pionnier et numéro un nippon du secteur veut que ses quelque 60 millions d'abonnés au Japon se convertissent rapidement à cette catagorie de mobiles associés à des formules d'abonnement plus lucratives et qui incitent davantage à des usages très diversifiés.
A noter aussi que l'un des deux principaux rivaux de NTT Docomo au Japon, le groupe KDDI, a aussi présenté la même semaine sa collection estivale qui intègre 6 smartphones, lequels viennent s'ajouter à un nombre déjà conséquent, parmi lesquels figurent l'iPhone 4S d'Apple qui fait défaut à NTT Docomo. Le deuxième concurrent, Softbank, qui propose aussi l'iPhone 4S, prévoit de présenter sa nouvelle gamme d'appareils le mardi 29 mai.
Dans les trois cas, les modèles proposés au public japonais sont en très grande proportion conçus par des fabricants nippons sur des spécifications définies par les opérateurs.
Les groupes sud-coréens Samsung Electronics et LG, de même que le taiwanais HTC, se plient aussi en partie aux desiderata de NTT Docomo, KDDI et Softbank en modifiant des modèles existant par ailleurs, pour les adapter aux besoins particuliers des « plus pointilleux clients de la planète que sont les Japonais ».