Manga camera est une application pour iPhone proposée par la société nippone Supersoftware. Ce petit programme gratuit « transforme en vignette de manga tout ce que vous prenez en photo, que ce soit un objet, une personne, un paysage, n'importe quoi », explique le développeur. Et c'est vrai! Tests à l'appui, c'est, pour le profane, très impressionnant. Pour le professionnel en revanche, cela n'a rien d'exceptionnel: « il y a belle lurette que l'on peut transformer une photo en dessin via des filtres fournis avec des logiciels pour ordinateur comme Photoshop (Adobe) », explique notre collaborateur mangaka J.P. Nishi (qui publie aussi sous son vrai nom, Taku Nishimura). « De plus, ce n'est pas vraiment une touche manga. Il est sans doute possible de faire beaucoup mieux avec d'autres paramétrages de filtres », estime-t-il jugeant néanmoins le concept « intéressant et marrant ».
Pour autant, si parfait que cela puisse être un jour, les mangaka, eux, ne s'en serviront sans doute pas, car leur travail et leur plaisir est de dessiner et d'apporter une touche particulière. Ce type d'application, qui donne aussi la possibilité de publier immédiatement le résultat sur Twitter ou Facebook, n'inquiète donc pas les managaka de métier. Manga Camera se contente d'amuser les amateurs, et ça suffit largement à populariser cette application en Asie et à faire parler d'elle aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Non seulement les photos prises sont mangaïsées en une seconde, mais en plus une vingtaine de fonds spéciaux avec onomatopées sont fournis. Il paraît même que pour les prochaines versions les décors proposés seront créés par des mangaka de renom.
En attendant une variante de Manga Camera à venir pour smartphone Androïd, les possesseurs d'appareils fonctionnant sous ce système d'exploitation de Google peuvent se consoler avec d'autres applications. En effet, le filon des mini-programmes qui transforment des photos en vignettes au style bande dessinée est en fait très exploité. Manga Camera n'est donc qu'un logiciel parmi une multitude d'autres, même si c'est sans nul doute le plus connu. « Manga-fu seisakusho » (l'atelier de fabrication façon manga) n'en est cependant pas très loin en termes de rendu et Mangakit est plus malléable (plus de combinaison image/onomatopées/fonds possibles).
« Gogogo dododo jojo no kimyo na camera », allusion au manga Jojo de Hirohiko Araki, se limite pour sa part à ajouter des onomatopées en gros caractères sur les photos, tandis que « Yuru Kyame » y superpose des bulles, des personnages ou des objets.
Marrante aussi est « yonkoma manga maker », une application qui permet de créer automatiquement, sans rien dessiner, un manga en quatre vignette dont le sens se trouve surtout dans les bulles composées des textes saisis par l'auteur. Les images, elles, se choisissent dans la bibliothèque fournie.
Dans un genre un peu différent, des développeurs ont profité du fait que le mangaka Shuho Sato, auteur de la série « Black Jack ni yoroshiku » (« Say hello to Black Jack »), autorise tout le monde à réutiliser gratuitement les images et héros de ce manga médical.
Ainsi trouve-t-on dans la boutique d'applications Google « Black Jack ni yoroshiku camera », et « Black Jack ni yoroshiku serifu camera », deux applications qui mixent des vignettes, bulles, personnages ou onomatopées tirées du manga de Sato avec des photos prises par l'utilisateur.
De plus, les 13 tomes de « Black Jack ni yoroshiku », un manga qui raconte l'histoire d'un jeune médecin pris en étau entre son idéal et la réalité du monde médical, sont offerts pour zéro yen en téléchargement sur PC et terminaux mobiles, au grand dam de l'éditeur. Cette initiative de l'auteur suscite un débat sur la bonne façon de concilier le marché du manga sur papier et les éditions numériques. Car si le milieu du manga est parvenu dans les précédentes décennies à transformer en alliés les rivaux potentiels qu'étaient le cinéma, la télévision ou les jeux vidéos, il n'a pas encore trouvé le bon schéma avec Internet qui mange le lectorat des magazines et ouvrages imprimés.
Certains auteurs, comme Naoki Urasawa (20th Century Boys, Pluto, Monster, etc...), refusent carrément la publication de leurs mangas en ligne, arguant qu'ils n'ont pas été dessinés pour être vus sur écran, qui plus est vignette par vignette (et non en pleine page) dans le cas d'un mobile. D'autres mangaka proposent leurs oeuvres de façon payante et en lien avec leur éditeur, et utilisent avec enthousiasme des outils de communication avec leurs lecteurs.
Takehiko Inoue (Slam Dunk, Vagabond, Real) nous confient par exemple souvent via Twitter les difficultés qu'il rencontre dans l'élaboration des histoires. Mari Yamazaki (Thermae Romae), elle, raconte des épisodes de sa vie de patachon entre Tokyo, Rome et Chicago, en passant parfois par Paris ou Toronto.
Pendant ce temps, les éditeurs de magazines, eux, cherchent toujours la bonne recette, tâtonnent, font des essais. Ainsi, depuis quelques semaines et pour plusieurs mois a priori, le périodique Gekkan Spirits, dérivé mensuel de l'hebdomadaire Big Comic Spirits, est-il offert gratuitement par Shogakukan en version numérique pour mobiles nippons.
A signaler aussi pour terminer plusieurs applications comme « Manga meigen » qui répertorient les répliques les plus connues de personnages de manga, ou encore Comic Meter qui permet d'enregistrer le nombre de tomes lus d'une série, en puisant dans une base de données. Il est en effet parfois difficile de se souvenir quels volumes ont été lus dans des sagas qui en comptent plus de 60 !