Mark Zuckerberg, dans une vidéo diffusée par le Youtubeur @ Marques Brownlee
Mark Zuckerberg, dans une vidéo diffusée par le Youtubeur @ Marques Brownlee

Invité à s'exprimer devant le Congrès américain, Tim Kendall, le tout premier directeur de la monétisation du réseau social, a dressé un portrait peu flatteur de son ancien employeur, et clamé sa « honte ».

Chez Facebook, Tim Kendall n'était pas le premier venu. Invité à s'exprimer jeudi dernier devant le Comité de l'énergie et du commerce, l'une des nombreuses sous-entités du Congrès américain, celui qui fut directeur de la monétisation auprès de Mark Zuckerberg a expliqué à quel point il fut déçu du rôle qui était le sien au sein de la firme californienne, et des conséquences de la politique menée par la plateforme sur ses centaines de millions d'utilisateurs.

Facebook et Big Tobacco, même combat, même renforcement de l'addiction ?

Pensant contribuer à la construction du modèle commercial de l'entreprise au moment de son recrutement, Tim Kendall a vite déchanté et s'est rapidement aperçu que les bénéfices passeraient au-dessus de tout et que le but de Facebook serait de « capter toute l'attention humainement possible ».

Le tableau peu idyllique est bien plus fourni que cela encore. Kendall est même allé jusqu'à comparer Facebook à une entreprise issue d'une industrie nocive pour la santé… physique des consommateurs : l'industrie du tabac.

« Nous n'avons pas simplement créé quelque chose d'utile et d'amusant », explique l'ancien collaborateur. « Nous avons pris une page de la stratégie de Big Tobacco », avec l'intention de « rendre notre offre aussi addictive (que le tabac), dès le départ ».

Pour soutenir la comparaison entre l'industrie de tabac et Facebook, Tim Kendall fournit une image assez précise de ce qui les unit, rappelant que pour rendre la nicotine encore plus puissante et addictive, l'industrie a ajouté du sucre et du menthol aux cigarettes, « pour que vous puissiez retenir la fumée dans vos poumons sur de plus longues périodes ».

Les ingrédients réunis sur la même plateforme pour « jeter les bases d'une crise de santé mentale » chez les adolescents

Qu'est-ce que Facebook a pu ajouter à sa recette initiale pour devenir si addictif ? « Les mises à jour de statut, les tags sur les photos et les "J'aime", qui ont fait de la réputation quelque chose de primordial et jeté les bases d'une crise de santé mentale chez les jeunes », synthétise l'ancien dirigeant, dont le constat est pour le moins accablant.

L'aspect nocif de Facebook ne s'arrête pas là. Aux yeux de Tim Kendall, la désinformation, les théories du complot et les fausses informations, dont Facebook tente de se débarrasser - avec plus ou moins de succès - agissent « comme les bronchodilatateurs du tabac, qui aident la fumée à couvrir une plus grande surface des poumons ». Mais cela ne suffisait pas.

Il a fallu alors renforcer l'engagement des utilisateurs du réseau social et augmenter le temps passé sur la plateforme. Les contenus haineux ou violents sont ainsi à Facebook ce que l'ammoniac est au tabac (puisqu'il facilite l'absorption de la nicotine et maintient voire renforce la dépendance des fumeurs). « Les réseaux sociaux s'attaquent aux parties les plus primaires de votre cerveau. L'algorithme maximise votre attention en vous frappant à plusieurs reprises avec du contenu qui déclenche vos émotions les plus fortes », comprenez ainsi la rage, la violence, la haine, donc. Ce qui pousse ainsi à réagir, à interagir, a expliqué Tim Kendall. « Ces algorithmes ont fait ressortir le pire en nous ».

Les « regrets » de Kendall, qui appelle à réglementer

Alors forcément, certains diront qu'il est facile de critiquer après avoir contribué à faire du géant Facebook ce qu'il est aujourd'hui. Et même si le principal intéressé en a parfaitement conscience et admet avoir « une certaine responsabilité », se pose alors la question de ce que propose Tim Kendall pour changer les choses. « Sans responsabilisation des plateformes, nous ne pouvons que nous attendre à ce que le problème continue et empire », a-t-il déclaré devant le sous-comité du Congrès, pariant que « plus les plateformes continuent d'accroître notre dépendance et nous rendent vulnérables, plus nous serons déprimés et anxieux ».

Au-delà de faire part de ses regrets aux représentants américains, Tim Kendall essaie de sensibiliser et invite les consommateurs et utilisateurs du monde entier à faire preuve de prudence. Il n'est pas le premier à le faire. « Ces services nous rendent malades, nous divisent. Il est temps de prendre en considération les dégâts et de mettre en place les mesures nécessaires pour nous protéger ». Le message semble en tout cas être passé…