Open Graph, où Facebook comme toile de fond du Web
Le fer de lance de la nouvelle stratégie de Zuckerberg se résume en deux mots : Open Graph, un nouvel outil permettant d'interagir avec un profil ou une page Facebook depuis un site tiers. Successeur des interfaces Facebook Connect, il permettrait selon le jeune CEO de faire de chaque page, contenu, vidéo ou photo du Web le maillon d'une chaine sociale dont Facebook serait bien sûr le liant.
Pour l'internaute, comment se manifestera cette innovation ? Sur tous les sites qui décideront d'adhérer au schéma Open Graph, l'internaute aura la possibilité de cliquer un bouton « J'aime » pour chaque contenu. Aujourd'hui, lorsque vous consultez un article sur Clubic, vous disposez d'un petit bouton « Partager sur Facebook » qui, si vous l'actionnez, ouvre une fenêtre vous permettant de commenter l'article puis de le poster sur votre profil. Le processus est simple, mais pas autant qu'il pourrait l'être.
Avec Open Graph, l'idée consiste en effet à faire de chaque élément de la page : le titre, une image, une vidéo, ou un article dans son entier, un élément susceptible d'être partagé d'un clic sur le profil du visiteur. Nulle saisie fastidieuse, nulle fenêtre surgissante : comme sur Facebook, un clic sur « J'aime » fait apparaitre une mention sur votre profil.
Quel intérêt pour l'éditeur, l'annonceur, ou de façon générale le créateur de contenus ? A priori, une visibilité étendue sur Facebook, puisque le partage sera facilité. L'essentiel n'est toutefois pas là, mais plutôt dans la capacité de pouvoir exploiter à son tour la liste des gens qui ont « aimé » un contenu... que ce soit chez lui ou ailleurs sur le Web !
A partir de là, il peut imaginer fédérer et animer une communauté, créer des espaces de discussion dédiés, mais aussi proposer à l'utilisateur des sélections de contenus basées sur ses choix passés : une sorte de super ciblage qui marcherait aussi bien pour la publicité que pour une offre éditoriale et qui surtout, serait construit sur l'ensemble des goûts exprimés par l'internaute par le biais de son profil.
« Par exemple, si vous aimez un groupe sur Pandora, cette information peut devenir un élément du Graph, de façon à ce que la prochaine fois que vous visitez un site dédié aux concerts, il soit capable de vous dire quand le groupe que vous aimez viendra près de chez vous », résume Zuckerberg. « Open Graph est en mesure de participer à la création d'un Web plus intelligent, personnalisé, qui tire le meilleur de chaque action effectuée ».
Un site comme Clubic pourrait ainsi imaginer adapter son flux d'actualité aux goûts exprimés par un de ses visiteurs. Il pourrait aussi lui offrir un aperçu de ce qu'ont apprécié sur le site ses contacts Facebook, en partant du principe que ces derniers joueraient un rôle de recommandation tacite. Pour que des volumes critique soient très rapidement atteints, Facebook promet une intégration très simple aux éditeurs de site : quelques lignes de code suffisent pour ajouter le fameux bouton « J'aime » à ses pages.
Après avoir dressé la carte des internautes, puis des nombreuses marques qui ont investi la plateforme, puis encore de toutes les interconnexions qui se sont crées entre ces millions de points, notamment par le biais des affinités (Pages Fan, Groupes, etc.) le réseau entend donc passer la seconde et tisser un véritable « graphique social », s'appuyant sur toutes les interactions de l'utilisateur avec ce qui pourrait incarner une vision du Web sémantique tel qu'en rêvait Tim Berners Lee.
Parmi les premiers partenaires d'Open Graph, on trouve par exemple Microsoft, qui vient de lancer le site Docs.com. Après identification à l'aide de son compte Facebook (dont Microsoft est actionnaire), on accèdera aux fonctionnalités en ligne des éléments de la suite bureautique Office. Il sera dès lors possible de partager d'un clic les documents créés ou consultés avec son réseau. Dailymotion, Wat.tv (TF1), CNN, la boutique en ligne de Levi's ou le Washington Post ont d'ores et déjà annoncé leur intention de tirer parti d'Open Graph.
Dans la logique de l'Open Graph, il ne faudra toutefois pas oublier que ce qui est public sur Facebook pourrait aussi l'être sur l'ensemble des sites partenaires du réseau, même s'il faudra attendre d'observer des implémentations concrètes du dispositif pour mesurer les risques éventuels concernant le respect de la vie privée.
Dans cette relation vendue comme un « gagnant gagnant », il apparait toutefois que le principal bénéficiaire est et restera Facebook qui, de ce fait, se positionne comme un intermédiaire incontournable dans la relation qu'entretiennent marques, sites et médias avec les internautes. Il acquerrait de ce fait une puissance suffisante pour, pourquoi pas, se substituer à bon nombre des outils qui sous-tendent le Web aujourd'hui : après tout - filons la logique jusqu'à son terme - pourquoi passer par un moteur de recherche si Facebook est en mesure de vous délivrer, heure après heure, des informations, contenus, liens, photos, vidéos, en adéquation avec vos centres d'intérêt ? Comme dirait l'autre, il y aura peut-être un jour Internet et... Internet par Facebook.