C'est l'histoire d'un feuilleton sans fin pour l'éditeur français. Une fois encore, de nouveaux témoignages viennent mettre à mal le fonctionnement d'un des studios majeurs d'Ubisoft.
Il s'agit de Nadeo, la structure française à l'origine de la licence Trackmania.
L'opération « reconquête » prendra du temps
Nous devons cette enquête au site Numerama, qui s'était déjà illustré cet été aux côtés du journal Libération sur les révélations concernant les cas de harcèlement au sein de plusieurs studios de l'éditeur Ubisoft. Depuis, la multinationale dirigée par Yves Guillemot a annoncé avoir pris des mesures pour éviter que de tels comportements subsistent dans ses équipes.
Juste avant la diffusion de l'Ubisoft Forward ce jeudi, le P.-D.G. du groupe s'est excusé via une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Il a déclaré ne pas avoir « réussi à protéger les victimes » et que « des mesures nécessaires pour licencier ou sanctionner » les personnes incriminées ont été prises. Hélas, une énième enquête vient mettre un peu plus en lumière le mal qui semble ronger Ubisoft.
Un patron qui sème la terreur
Ainsi, dans son article publié le 10 septembre 2020, Numerama explique avoir recoupé une dizaine des témoignages recueillis auprès d'anciens et d'actuels employés de Nadeo. Ce studio basé à Paris œuvre sur les jeux Trackmania et a été racheté par Ubisoft en 2009. L'enquête dépeint une atmosphère surréaliste et étouffante à cause du comportement d'un homme : le P.-D.G. Florent Castelnérac.
Ce dernier est présenté comme un véritable tyran et magnat du travail. Il n'hésiterait pas à rabaisser ses employés si, par exemple, ils ne venaient pas travailler le week-end ou ne restaient pas au bureau plus de dix heures par jour. Une développeuse confesse : « Je passais ma vie à travailler et ce n’était jamais assez. Il m’a reproché de ne pas lui demander de travailler le week-end afin de m’améliorer ».
Castelnérac mettait vraisemblablement une grosse pression sur ses équipes. Les témoignages mentionnent le fait qu'il pouvait s'acharner sur un employé en lui hurlant dessus pendant des heures. « On l’entendait gueuler dans tout le studio des horreurs du type « c’est pas possible c’est nul tu devrais te barrer ». Ça pouvait durer 30 minutes, une heure… Il régnait un silence religieux dans les bureaux après ».
Les ressources humaines encore complices
Ces humiliations seraient fréquentes chez Nadeo et les salariés n'avaient aucune échappatoire. Bien que racheté par Ubisoft il y a 11 ans, le studio restait tout de même un peu dans son coin. Ainsi, les équipes n'avaient par exemple pas accès aux services RH de l'éditeur pour faire remonter ces comportements. Pire encore, la responsable RH de Nadeo n'aurait pas été d'un grand soutien étant donné sa proximité avec Florent Castelnérac.
« On savait que si on lui parlait, elle allait tout raconter à Florent, et qu’après on aurait droit à un tête-à-tête avec lui. Mais je pense qu’elle avait peur de lui, elle aussi ». D'après Numerama, le patron pouvait même pousser l'humiliation jusqu'à mettre sur la table des sujets familiaux avec des remarques de type, « Est-ce que tu penses que ton père serait fier de toi ? ». Témoignage encore plus accablant, une personne a déclaré : « il a parlé de ma famille, de mes complexes, de ma confiance en moi. À la fin, il m’a fait lire un poème d’une employée qui avait des pensées suicidaires, et il m’a demandé si ça me parlait ».
Le patron se défend
Il ne s'agit là que de quelques exemples tirés de l'article de Numerama (que nous vous recommandons chaudement de lire). Aussi étonnant que cela puisse paraître, Castelnérac a répondu aux questions du site en expliquant n'avoir demandé que rarement à ses équipes de faire des heures supplémentaires ou en prônant « la qualité de la culture du studio ». Pour ce qui est des remontrances en public, il confesse seulement s’intéresser « aux gens, à leur vie, leur avenir, qu’on les encourage ou qu’on leur parle d’eux de manière honnête ».
Enfin, le dirigeant de Nadeo a répondu à toutes les accusations émanant des confessions d'une partie de son équipe. Dans un long post, il dément sans surprise la plupart des arguments des salariés et s'excuse parfois vis-à-vis de certains « quiproquos ». Reste à voir si cette ambiance toxique va changer suite à cette enquête.