Speedball (1988) (Amiga)

Au cours des années 80, l’influence du cinéma sur le jeu vidéo est énorme. Marqués par l’excellent Rollerball de Norman Jewison, de nombreux développeurs se sont mis en tête de créer leur version – ludique – de ce sport futuriste particulièrement violent. La plupart n’ont rendu que des copies passables jusqu’à la sortie – en novembre 1988 – de Speedball.

Aux antipodes de la bataille des téraflops, de la 4K et des 60 fps, NEO•Classics vous propose un retour vers les origines du jeu vidéo. Du titre 2D en gros pixels au moins lointain jeu à la 3D hésitante, cette chronique vous invite à (re)découvrir les pépites vidéoludiques qui ont ouvert le monde au 10ème art...

À l’époque, The Bitmap Brothers est encore inconnu du grand public. Fondé un an auparavant, le studio britannique vient de commercialiser son premier jeu – Xenon – un shoot themp up plein de bonnes idées qui reste toutefois en retrait par rapport aux cadors que l’on peut trouver en salle d’arcade. En novembre 1988, il déclenche un petit séisme en distribuant les versions Atari ST et Amiga de Speedball.

Un séisme qui connaît une réplique bien plus puissante deux ans plus tard, avec la suite… Mais ne brûlons pas les étapes.

Speedball (1988)

Les Bitmap Brothers débarquent

Nous sommes donc en novembre 1988, Ayrton Senna vient de remporter le premier de ses trois titres de champion du monde de F1, George H.W. Bush est élu à la présidence des États-Unis et, plus près de chez nous, un ami vient d’acheter un jeu à la jaquette intrigante qui rappelle le jeu de plateau de Games Workshop, Blood Bowl : un sportif en amure métallique et doté d’un casque à pointes tient une grosse bille d’acier dans la main.

Cette jaquette c’est bien sûr celle de Speedball et le « sport » dont il est question est largement inspiré par le film Rollerball : on y retrouve ses joueurs lourdement équipés, mais aussi ses règles ou plutôt le côté minimaliste de ses règles, qui poussent les joueurs à se mettre joyeusement sur la tronche afin de l’emporter. Exit toutefois l’ovale et les motos, le Speedball se rapproche davantage d’une espèce de handball où le gymnase est remplacé par une arène au sol et aux murs en acier.

Dix joueurs, une bille d'acier, du sang, des larmes... et la victoire ! Speedball sur Amiga (1988)

Deux équipes de quatre joueurs de champ et un gardien sont alors placées l’une en face de l’autre, disposant de trois minutes par mi-temps pour tenter de mettre un maximum de buts. Chaque fois qu’un but est marqué, la grosse bille d’acier qui tient lieu de ballon est replacée dans un « canon » central qui sort à chaque « engagement » pour la distribuer de manière aléatoire… Et c’est tout pour les règles ! Ensuite, aux joueurs de voir comment triompher de l’adversaire.

Dans l’arène, tout se fait à la main, qu’il s’agisse de ramasser la bille d’acier au sol, de la capter en l’air, de la lancer pour effectuer une passe ou de tirer au but. C’est aussi avec les mains que l’on peut décider de filer un bourre-pif à un joueur adverse alors qu’il vient juste de récupérer la bille d’acier ; mais pour se fritter, on peut aussi utiliser les pieds au moyen de magnifiques tacles glissés, qui font perdre un bon paquet « d’énergie » au joueur adverse… Jusqu’à la blessure.

On sent toute la subtilité d'un « sport » aux accents résolument pacifistes. Speedball 2 (1990)

Ice cream ! Ice cream !

Dans Speedball premier du nom, il n’y a pas grand-chose d’autre à signaler. On peut faire des matchs libres, des compétitions de type play-offs ou championnats et… C’est à peu près tout. La précision du gameplay et la qualité de la réalisation ont toutefois convaincu suffisamment de joueurs pour que The Bitmap Brothers se lance immédiatement dans le développement d’une suite qui, elle, marquera durablement les esprits. Il suffit d'ailleurs de lire notre intertitre en partant un peu dans les aigus pour se remémorer de formidables parties.

Deux ans après la sortie de Speedball, le studio propose déjà Speedball 2, sous-titré « Brutal Deluxe ». Le concept est le même, mais Monsieur Plus a rendu visite aux développeurs.

D’abord, une introduction met les joueurs dans l’ambiance : en 2095, la corruption a gangréné le Speedball qui a perdu les faveurs du public. Dans l’espoir de regagner la confiance des spectateurs, le Speedball 2 est lancé… Et cinq ans plus tard, une nouvelle équipe – notre équipe, la Brutal Deluxe – est intégrée à la ligue.

Une introduction sommaire, mais qui n’est pas qu’une simple mise en scène dans la mesure où Speedball 2 propose une véritable gestion d’équipe tout au long de son mode solo. L’arrivée de la Brutal Deluxe et sa progression au sein ligue apportent un côté management qui n’est pas désagréable. On peut entraîner ses joueurs pour les faire progresser sur les points jugés les plus importants, mais on peut aussi lorgner le marché des transferts afin d’acquérir des joueurs vedettes.

Célébration après un but sur Speedball 2 Brutal Deluxe version Amiga (1990)

Des bonus à tire-larigot

Pour faire bonne mesure, de multiples options de configuration sont disponibles, mais le multijoueurs est encore assez limité avec de simples affrontements en 1 vs 1. Reste que c’est sur le terrain que Speedball 2 a marqué les esprits.

En effet, The Bitmap Brothers a repensé la finalité d’un match de Speedball et s’il est toujours question de placer la grosse bille d’acier dans le but adverse, à la fin des deux mi-temps de 90 secondes, le vainqueur n’est pas nécessairement celui qui en a marqué le plus.

Les développeurs ont effectivement imaginé un système de « points » que l’on gagne un peu partout sur le terrain : un but vaut 10 points, mais il suffit de faire rebondir la bille sur des bumpers que l’on retrouve à divers endroits stratégiques de l’arène pour gagner deux points supplémentaires à chaque fois. Mieux, des étoiles placées de part et d’autre de l’arène peuvent être illuminées ou éteintes en lançant la bille d’acier dessus et si toutes sont allumées en même temps, on remporte un gros bonus de points.

Plus de 2 heures de Speedball 2 sur Amiga grâce à Al82 Retrogaming Longplays

Un système de multiplicateur de points est également de la partie et des bonus sont disséminés partout sur le terrain : les joueurs deviennent plus puissants ou plus résistants, ils récupèrent des « points de vie » ou gagnent en vitesse. Tout un tas d’options à ramasser qui changent complètement la manière d’aborder les parties. Ces dernières deviennent plus tactiques alors que la taille du terrain apporte également un surcroît de stratégie tout au long du match.

Pour ne rien gâcher, Speedball 2 gagne nettement en nervosité et cela ne fait que s’accroître avec la montée en puissance de notre équipe qui grimpe, un à un, les échelons de la ligue. Plus rapide, mais aussi plus ouvert et plus précis que Speedball premier du nom, Brutal Deluxe est une merveille de gameplay sublimée par une réalisation – qui fera sourire aujourd’hui – où fourmillaient les détails, et dopée par une ambiance sonore absolument impeccable.

Avant de malheureux revivals, Speedball 2 a été porté sur d'innombrables machines, ici l'Amiga CD32 en 1995

Des revivals et autres remakes peu convaincants

S’il est très difficile d’obtenir des chiffres fiables pour les jeux des années 80 – plus encore lorsqu’il s’agit du marché micro – il est certain que Speedball 2 Brutal Deluxe a remporté un immense succès aussi bien auprès des critiques que du public. Il est d’ailleurs généralement admis qu’il s’agit du plus gros succès du studio The Bitmap Brothers. Pour autant et alors qu’il ne leur avait fallu que deux ans pour passer du premier au second opus, le troisième – Speedball 2100 – s’est fait attendre dix longues années.

Hélas, pour ce nouvel opus « officiel », les développeurs se sont mis en tête d’employer un rendu entièrement en 3D… sur PlayStation. Manque de puissance de la machine ou manque d’expérience des créateurs ? Le fait est que Speedball 2100 n’a ni le rythme ni la vivacité de Brutal Deluxe. Les arènes sont trop petites et le gameplay n’apporte rien de neuf par rapport au second opus. Un triste bilan qui inaugure en réalité une valse de revivals moins inspirés les uns que les autres.

Qu’il s’agisse de Speedball 2 Tournament (2007), de Speedball 2: Evolution (2011) ou du Speedball 2 HD (2013) dirigé par Jon Hare, le résultat varie entre le raté et le pathétique. Seul Empire Interactive a réussi à proposer une éclaircie en 2007 avec sa version pour Xbox Live Arcade : gameplay et réalisation y sont conformes à la version de 1990 pour le plus grand bonheur des fans. Espérons simplement qu’un jour, de talentueux passionnés se penchent à nouveau sur le cas Speedball, la franchise le mérite tellement.

Speedball 2 HD (2013) ou comment faire tellement plus laid, 23 ans après !