Cette semaine nous vous proposons de redécouvrir l'une des licences du jeu de frappe en 3D les plus originales et attachantes que Capcom ait jamais pondu : Rival Schools. Malgré seulement deux opus sortis entre 1996 et 2000, celle-ci demeure parmi les plus populaires du catalogue de l'éditeur et l'espoir de la voir reprendre le chemin des classes est toujours vivace chez les aficionados du genre.
Aux antipodes de la bataille des téraflops, de la 4K et des 60 fps, NEO·Classics vous propose un retour vers les origines du jeu vidéo. Du titre 2D en gros pixels au moins lointain jeu à la 3D hésitante, cette chronique vous invite à (re)découvrir les pépites vidéoludiques qui ont ouvert le monde au 10ème art...
La grande foire de l'empoigne en 3D
Si de nos jours les licences de jeux de combat en 3D toujours en activité se comptent sur les doigts d'une main gantée d'un moufle, l'arrivée de la PlayStation au milieu des années 90 fut synonyme d'explosion du genre. On se souvient évidemment des pionniers Toshinden et Tekken, mais une flopée de prétendants au titre de champion de la castagne "polygonnée" se sont succédés au fil des années. Soul Edge, Dead or Alive, Bloody Roar, Tobal ou encore Bushido Blade naissent à cette glorieuse époque et ont marqué la mémoire de nombreux joueurs.
Et même Capcom, l'empereur de la 2D, s'y est mis ! D'abord avec le fort sympathique Star Gladiator, sorte de rip-off de la licence Star Wars (qui elle s'illustrait par ailleurs avec le calamiteux Masters of Tera Kasi) puis avec le premier volet de la série des Street Fighter EX, avant de lancer un certain Rival Schools (Justice Gakuen au Japon). D'abord sorti sur le système arcade de Sony en 1997, Rival Schools ne tarde pas à être porté sur console de salon, moins d'un an après. Logique, puisque les systèmes d'arcade ZN1 puis ZN2 avaient pour vocation de permettre des portages rapides et fidèles sur la nouvelle coqueluche des ados de l'époque.
Baston dans la cour de récré !
Bien qu'il ne rencontra qu'un succès assez modeste, Rival Schools fit grande impression auprès des passionnés du genre que nous étions. À cette époque, le jeu de baston est encore un genre très populaire et toute nouvelle proposition un peu originale peut assez facilement trouver son public. Or, de l'originalité, Rival Schools en a à revendre !
Capcom a ainsi l'excellente idée d'opter pour un contexte inédit pour un jeu de castagne : la rivalité entre plusieurs lycées de la ville fictive d'Aoharu. Un peu comme si les établissements scolaires Victor Hugo, Louise Michel ou Montaigne décidaient de se fritter pour pimenter un peu l'année scolaire. Sauf qu'en réalité l'embrouille générale est le fait d'une machination perpétrée par un établissement élitiste, une sorte de lycée Saint Louis de Gonzague local, qui n'a rien trouvé de mieux que d'enlever des élèves des autres établissements, provoquant ainsi une guerre ouverte.
Rival Schools joue ainsi à fond la carte du shônen en milieu scolaire, un grand classique du manga et de l'animation japonaise, et en profite pour mettre en place un casting de personnages hauts en couleur qu'on croirait tout droit issu d'un anime à succès. On retrouve ainsi de grands archétypes indémodables : Batsu, impétueux héros au grand coeur ; Kyosuke, le beau gosse mystérieux ; Akira, la beauté froide au look ravageur; Daigo, grand frère d'Akira et boss d'une bande de furyô; et une dizaine d'autres protagonistes aux looks et styles de combat très marqués.
Le casting compte ainsi des sportifs (Roberto le footeux, Shoma le joueur de baseball ou Natsu la volleyeuse), des profs (Hideo le prof de langue, Hayato le prof de sport et Kyoko la prof de chimie) ou encore les lycéennes bagarreuses que sont Sakura (venue de Street Fighter) et Hinata. Une liste non exhaustive mais qui donne déjà une bonne idée de la diversité des profils de combattants.
Tous les coups sont permis
Et une fois dans l'arène, cela se traduit bien évidemment par une exubérance visuelle de chaque instant, dans la plus grande tradition du shônen et du Capcom des années 90. Si les têtes d'affiche du jeu que sont Batsu, Kyosuke ou Akira sont des artistes martiaux confirmés aux techniques de combat assez classiques, une bonne partie des combattants de Rival Schools font la démonstration de styles assez peu conventionnels. En particulier les sportifs qui malmènent leurs adversaires à grand coups de batte de baseball, smash ou de shinai (sabre en lames de bambous venu du kendo).
Mais c'est surtout lorsqu'ils unissent leurs forces que ces profs et lycéens hors du commun assurent le spectacle. En effet, le système de jeu de Rival Schools n'est pas sans rappeler celui des différents "Versus" édités par Capcom, tels que Xmen Vs Street Fighter ou Marvel Super Heroes Vs Street Fighter. Le joueur choisit ainsi deux personnages avant d'entrer dans l'arène et le titre fait la part belle aux combos aériens.
Mais cette filiation avec le système de jeu des "Versus" ne s'arrête pas là. En effet, lorsque leur jauge de Super - baptisée ici Vigor - atteint son deuxième niveau, il est possible de lancer une attaque combinée sollicitant le combattant resté en retrait pour une attaque chorégraphiée aussi redoutable que visuellement délirante. Ces attaques combinées peuvent réunir des profs et élèves de lycées différents mais en associant des combattants d'un même établissement, le résultat est toujours plus flamboyant grâce à des chorégraphies qui leurs sont propres.
Le témoignage d'une époque révolue ?
Le tout est servi par un design très inspiré, notamment celui des personnages signé Shinya Edaki, et une bande-son tonitruante comme Capcom savait si bien les concocter à cette époque. Enfin, ce qui fait également la force de Rival Schools c'est son deuxième disque, malheureusement resté inédit en Europe et aux Etats-Unis. Baptisé "Evolution Disc", celui propose un mode de création de combattant et un mode histoire qui lui est associé, mêlant combats et dating-sim, ainsi que plusieurs mini-jeux assez amusants. Quelle tristesse que celui-ci ne nous soit jamais parvenu !
Bourré d'humour et de références en tous genres, Rival Schools jouit également d'une mise en scène digne d'un anime, en témoigne d'ailleurs l'introduction de la version console, véritable opening de série télévisée porté par une chanson terriblement entrainante. Et tout cela participe à conférer au jeu un immense capital sympathie. Car pour les joueurs qui s'en sont amourachés, le titre de Capcom est en définitive beaucoup plus qu'un simple jeu de baston, c'est un concentré de pop culture japonaise des nineties, un témoignage de l'inventivité folle de cette époque.
En 2000, Rival Schools aura droit à une suite tout aussi mémorable sortie sur Dreamcast. Avec un casting plus conséquent, un répertoire de techniques beaucoup plus fourni et surtout la possibilité de constituer des équipes de trois combattants synonymes d'attaques combinées encore plus folles, ce deuxième volet fait partie des tous meilleurs jeux de combat en 3D de la console de SEGA. Malheureusement l'histoire de la série s'arrêtera là et malgré le souhait de la voir revenir formulé par son producteur de l'époque lors d'une interview, Capcom n'a plus jamais donné de nouvelles d'un potentiel troisième volet. 20 ans qu'on attend ça mais l'espoir ne meurt jamais !