Au début des années 90, les joueurs Nintendo pouvaient jalouser les joueurs SEGA sur quelques licences, à commencer par Sonic bien sûr, mais aussi Streets of Rage ou encore Golden Axe. Pour Streets of Rage, la réponse fut apportée par Capcom, avec Final Fight. Pour l'autre licence (Golden Axe donc), c’est un duo de développeurs français qui a tenté sa chance en 1994, avec un certain Legend…
Aux antipodes de la bataille des téraflops, de la 4K et des 60 fps, NEO•Classics vous propose un retour vers les origines du jeu vidéo. Du titre 2D en gros pixels au moins lointain jeu à la 3D hésitante, cette chronique vous invite à (re)découvrir les pépites vidéoludiques qui ont ouvert le monde au 10ème art...
Legend : le Golden Axe à la française, sur Super Nintendo !
Soyons clairs, non, Legend n’est pas l’adaptation vidéoludique du film de 1985 avec Tom Cruise. Il s’agit d’une création originale, mise au point par deux passionnés du genre beat’em all, à savoir les français d'Arcade Zone, à savoir Lyes Belaidouni et Carlo Perconti.
Visiblement frustré de ne pas voir un titre de la trempe de Golden Axe sur la Super Nintendo, le tandem d’Arcade Zone a décidé de mettre au point ce mystérieux Legend, dont votre serviteur (ça c’est moi) avait fait l’acquisition au milieu des années 90.
En effet, à l’époque, comment ne pas succomber à cette jaquette qui fleure bon la sueur et la testostérone d'Arnold Schwarzenegger époque Conan le Barbare ?
Comment ne pas être instantanément séduit par le petit pitch à l’arrière de la boite qui nous invite à incarner Kaor et Igor, et pénétrer le royaume de Sellech pour affronter une armée du mal, le tout, avec des « graphismes exceptionnels », des « personnages de taille impressionnante » et « une jouabilité digne de l’arcade » ? À cela s’ajoutent quelques screenshots qui ne laissaient alors aucun doute, oui, Legend était bien voué à constituer LE Golden Axe de la Super Nintendo !
Pour la petite histoire, en créant Arcade Zone, Lyes Belaidouni, Carlo Perconti et (plus tard) Gabriel Gary, avaient la ferme ambition de créer le meilleur beat’em all (made in France qui plus est), en s’inspirant des pontes du genre, à savoir Golden Axe bien sûr, mais aussi Knights of the Round ou encore The King of Dragons, tous deux édités par Capcom.
À défaut de disposer de kit de développement officiel (ou même d’un quelconque appui financier), Legend fut créé de manière on ne peut plus artisanale, via Deluxe Paint sur Amiga notamment, et intégralement géré en interne par deux personnes seulement.
« À l'époque nous n'avions pas un kit de développement Nintendo, Carlo avait un lecteur EPROM ! À chaque nouveau test nous étions obligés d'enregistrer le programme sur une EPROM, ensuite de la mettre sur une sorte de cartouche trafiquée. Nous avions fait le pari de développer un jeu de façon non officielle, ce qui était risqué », explique Lyes Belaidouni dans une interview pour 1Up-Games.
Distribué par Sony, Legend ne dispose pas, à l’époque, d’un grand soutien marketing, la faute (entre autres) à un genre « beat’em all » très populaire au début des années 90, mais qui commença peu à peu à décliner, au profit du genre plateforme, nettement plus apprécié. De même, Legend arrive en fin d'année 1994 sur Super Nintendo, quelques mois seulement avant une certaine PlayStation au Japon, et ses jeux « révolutionnaires ».
Ainsi, à l'époque déjà, il était très difficile de dénicher un exemplaire de ce Legend dans les rayons du supermarché du coin. Pour la petite histoire, si le jeu a été commercialisé en Europe et aux Etats-Unis, il n’a en revanche jamais vu le jour au Japon.
Et à jouer ce Legend, c’est bien ou pas ?
Au lancement, difficile de ne pas tomber sous le charme de Legend, le jeu affichant des sprites assez énormes pour l’époque. Et ces paysages plutôt détaillés, avec diverses perspectives, lui assure un effet de profondeur plutôt réussi.
Toutefois, avec ses énormes sprites justement, ses personnages riches en détails et ses décors sur plusieurs plans, Legend nécessite pas mal de ressources et le jeu se révèle relativement lent.
Le test de Legend dans les pages du Joypad de septembre 1994, avec notamment l'avis (très juste) d'un certain Grégoire Hellot (via Abandonware-France)
« Notre grand souci était la limitation hardware de la console et le fait que nous ne pouvions pas mettre plus de 64 sprites sur la même ligne vidéo, alors il fallait trouver les meilleurs compromis. C'était un combat de chaque instant car Lyes continuait de sortir les graphismes à une vitesse fulgurante, toujours plus beaux, toujours plus gros, et je devais trouver le moyen d'afficher tout cela en restant à 60 frames par seconde », explique Carlo Perconti.
Un côté Golden Axe… à la sauce Amiga ?
Côté gameplay, pas de mauvaise surprise, puisque Kaor manie une large épée à deux mains, avec laquelle on prend un malin plaisir à éradiquer les premiers ennemis qui apparaissent à l’écran.
Une petite manipulation permet même d’asséner un coup d’épée dans la direction opposée, pour occire ce lâche qui se préparait à nous attaquer par derrière. Un bouton pour taper, l'autre pour sauter, et une pression sur L (ou R), et c’est un bouclier que dégaine notre héros. Simple et efficace !
Evidemment, comme dans tout bon beat’em all médiéval qui se respecte, la magie est également de la partie, avec des petites fioles que l’on peut utiliser pour lancer une attaque magique qui s’affiche sur tout l’écran.
À noter que l’on peut aussi puiser dans sa jauge de vie pour lancer une attaque spéciale, dont on peut avoir tendance à abuser, notamment face aux boss.
Legend se boucle en deux heures environ, en solo ou en coopération, avec un vrai plaisir les premiers instants, qui tend néanmoins à fléchir au fil des niveaux, la faute à un certain manque de variété.
Visuellement, l’ensemble est plutôt impressionnant pour de la Super Nintendo, mais celles et ceux qui ont du mal avec les jeux « style Amiga » auront (forcément) quelques difficultés à adhérer au look du titre. De même, difficile de ne pas pester face à la lenteur des personnages.…
Au final, si Legend a quelque chose de (très) attachant lors des premières minutes de jeu, force est d’admettre que tout (ennemis/décors) finit par se ressembler, et qu’une certaine lassitude s’installe assez rapidement.
Arcade Zone, un petit jeu et puis s’en va ?
Outre Legend, Arcade Zone a également œuvré sur un certain Iron Commando, toujours sur Super Nintendo. Contrairement à Legend toutefois, ce dernier n’a été commercialisé qu’au Japon, en 1995. Il s’agit là encore d’un beat’em all, plus contemporain cette fois, mais qui reprend de nombreux éléments (sonores notamment) de Legend. Un titre qui n’avait pas vraiment séduit les magazines de l’époque, avec un 20/40 attribué par Famitsu.…
Plus récemment, Arcade Zone a refait (indirectement) parler de lui par l’intermédiaire d’un certain Nightmare Busters. En effet, développé en 1994, le jeu, qui permet d’incarner deux petits leprechauns, avait été annulé (en 1995), avant d’être finalement édité par Super Fighter Team, toujours sur Super Nintendo… en 2013 !
Si Arcade Zone a fermé ses portes en 1997, les fondateurs ont par la suite créé la société Toka, laquelle a proposé divers jeux à la fin des années 90, notamment Burning Road sur PlayStation, mais aussi une nouvelle version de Legend, toujours sur PlayStation, en 1998. Les premiers acheteurs de PlayStation 2 avaient également pu découvrir un jeu signé Toka avec Sky Surfer.
Et vous, aviez-vous connaissance de ce Legend à l'époque ?