Steam et les boutiques officielles des constructeurs de consoles regorgent aujourd’hui de titres bizarres, de concepts invraisemblables et de bizarreries ludiques, souvent vendues à prix mesuré. Si le jeu vidéo a toujours été multiple, il fut une époque où les Objets Vidéoludiques Non Identifiés étaient moins faciles à trouver, du fait de leur maigre tirage et de leur très faible exposition marketing et médiatique. Retour sur quelques-unes de ces étrangetés qui ont marqué - ou non - l’histoire de la première PlayStation.
Aux antipodes de la bataille des téraflops, de la 4K et des 60 fps, NEO•Classics vous propose un retour vers les origines du jeu vidéo. Du titre 2D en gros pixels au moins lointain jeu à la 3D hésitante, cette chronique vous invite à (re)découvrir les pépites vidéoludiques qui ont ouvert le monde au 10e art...
Jeux sortis en Europe
Vib Ribbon
Date de sortie : 30/08/00 en France
Développeur : NanaOn-Sha
Éditeur : Sony
Genre : Jeu musical
Développé par le studio derrière l’excellent PaRappa the Rapper, Vib Ribbon est un jeu musical dans lequel un lapin en fil de fer doit éviter les divers obstacles qui se présentent à lui, en suivant le rythme de la musique. Il se transforme en escargot puis en ver de terre en cas d’échecs répétés, mais peut recouvrer sa forme initiale en pressant les bonnes touches au bon moment. Limpide, mais quand même bien barré pour l’époque.
Commencé comme un projet publicitaire pour la marque Mercedes, le jeu est devenu culte grâce à son aspect visuel complètement dépouillé et surréaliste, mais aussi pour des raisons techniques. Doté de seulement 7 pistes musicales au départ, Vib Ribbon pouvait se charger entièrement dans la RAM de la PlayStation pour permettre au joueur de glisser n’importe quel CD de musique dans sa console, et ainsi créer de nouveaux stages à l’infini, dont certains bien fous ou impossibles en fonction de la piste choisie.
Réhabilité après l’incompréhension polie de la critique et des joueurs au moment de sa sortie, Vib Ribbon a connu une réédition numérique en 2014, fait partie depuis 2012 de la collection permanente de jeux vidéo au MoMa de New York et, en plus d’avoir généré deux suites sur PlayStation 2 sorties uniquement au Japon, a bénéficié d’un hommage dans l’excellent Astro’s Playroom sur PlayStation 5.
Kurushi
Date de sortie : 10/97 en France
Développeur : G-Artists
Éditeur : Sony
Genre : Puzzle
Sous ses airs de puzzle game austère, Kurushi cache un concept diabolique : sur un damier à la taille limitée, le joueur doit se débarrasser de vagues de cubes qui roulent de case en case dans sa direction. Il fait disparaître un bloc en marquant au préalable la case sur laquelle celui-ci arrive, avant de déclencher son pouvoir lorsque le cube visé est dessus. Les cubes gris et verts doivent être absolument éliminés, d’autant que les seconds permettent de faire une réaction en chaîne qui détruit tous les blocs alentour. Les noirs ne doivent pas être touchés, sous peine de pénalité faisant rétrécir la zone de jeu, complexifiant la gestion des vagues suivantes.
Musique orchestrale, rythme mesuré, esthétique dépouillée : Kurushi ne paie pas de mine, mais génère une forme d’obsession typique des excellents puzzle games comme Tetris, Lumines ou Puyo Puyo. Avec sa difficulté parfaitement calibrée, il parvient à transcender son concept répétitif par nature pour hanter les pensées des joueurs, même une fois la console éteinte. Sa version remaniée Kurushi Final prend la forme d’une suite/extension débarrassée de certains bugs qui offre plus de contenu (personnages, modes, musiques différentes). Le concept, particulièrement à l’aise sur PSP et PS Vita via la gamme PlayStation Classics, a été décliné plusieurs fois au Japon mais assez peu chez nous depuis ses sorties initiales sur la première PlayStation.
Incredible Crisis
Date de sortie : 14/12/00 en France
Développeur : Polygon Magic
Éditeur : Titus
Genre : Party-game
S’il est édité par les français de Titus, Incredible Crisis est bien un jeu japonais, et cela se voit. Le concept est assez fou : une famille nippone doit rentrer à temps pour l’anniversaire de la grand-mère, occasionnant de nombreux mini-jeux délirants pour se sortir de leurs situations désespérées. Jeu de rythme pour partir plus tôt du travail, quiz historique pour reprendre connaissance après une chute, braquage de banque loufoque, barque à écoper avant de sauver le monde d’une invasion extraterrestre...
Les situations sont incroyables, la technique complètement pétée et l’esthétique aussi invraisemblable que les mécaniques. Incredible Crisis est un roller coaster de l’absurde particulièrement court et intense : on ose à peine imaginer les séances bouillonnantes de brainstorming où quelques cerveaux malades ont accouché de ce rejeton maboule de Wario Ware, Chérie j’ai rétréci les gosses et Fisher King. Surprenant de la part d’un studio à qui l’on doit la série de survival torturés Galerians, ou encore la borne d’arcade Silent Hill.
No One Can Stop Mister Domino
Date de sortie : septembre 1998
Développeur : ArtDink
Éditeur : ArtDink/JVC/Acclaim
Genre : Puzzle
Développé par ArtDink, studio japonais capable de sortir entre 1 et 6 titres par an depuis 1986, No One Can Stop Mister Domino est l’un des quelques jeux de la structure à avoir passé les frontières japonaises. Mélangeant jeu d’adresse et de plateforme, Mister Domino est un puzzle game qui invite les joueurs à créer les plus longues chaînes de dominos possibles dans des environnements aussi communs qu’un casino, une maison ou des égouts. Proche de l’esprit d’un Katamari Damacy, qui sortira six ans plus tard sur PlayStation 2, le jeu fourmille d’animations absurdes, de situations de jeu invraisemblables et de détails rigolos.
Le concept simple est magnifié par de nombreux obstacles, des cases spéciales pour faire des enchaînements ou encore des personnages mignons bien décidés à vous mettre des bâtons dans les roues. Très court (six niveaux seulement, et cinq personnages différents), le jeu et son surréalisme forcené ont largement divisé la critique à l’époque (25/40 pour Famitsu, 89% sur Consoles et 5/10 sur Joypad). Plus fou et moins radical qu’un Devil Dice, parangon du puzzle game sur PlayStation, No One Can Stop Mister Domino est une sucrerie étonnante que les amateurs de puzzles rétro feraient bien de considérer.
Jeux jamais sortis chez nous
LSD : Dream Emulator
Date de sortie : 22/10/98
Développeur : Asmik Ace Entertainment
Éditeur : Asmik Ace Entertainment
Genre : ?
Difficile de faire plus barré que LSD (pour Lovely Sweet Dream, même si la référence à la drogue de synthèse est évidente), un jeu expérimental basé sur les rêves consignés par l’une des membres de l’équipe de développement pendant plusieurs mois. Il est constitué de saynètes surréalistes un peu cassées qu’il s’agit d’explorer pour en découvrir toutes les surprises. 3D sommaire, bruitages invraisemblables et couleurs agressives : LSD est l’un des jeux vidéo les plus étranges de l’histoire.
Tail of the Sun
Date de sortie : 26/04/96
Développeur : Artdink
Éditeur : Artdink
Genre : Survie
Lui aussi développé par ArtDink, Tail of the Sun est un jeu d’aventure où l’on incarne un homme ou une femme préhistorique chargé(e) de retrouver suffisamment de défenses de mammouths pour atteindre le soleil. Ouvert, sans objectif clair et pourvu de mécaniques qui font aujourd’hui le bonheur des amateurs de survie (sommeil, faim, soif), il a laissé beaucoup de monde sur la touche à l’époque compte tenu de sa technique largement perfectible et de sa maniabilité aléatoire. Tail of the Sun est une sorte de Don’t Starve complètement absurde sorti en 1996.
Engacho!
Date de sortie : 1999
Développeur : NAC Geographic Products Inc
Éditeur : NAC Geographic Products Inc
Genre : Puzzle
Un jeune garçon un brin pleurnichard est la victime de ses petits camarades de classe. Son père souhaite l’endurcir, et le balance dans un monde étrange où chacun de ses bourreaux se transforme en une créature bizarre carrément dégueux : nez proéminent plein de morve, paire de fesse ailée aux sécrétions affreuses, aisselles malodorantes et immense langue dégoulinante doivent absolument être évités dans les niveaux, où il s’agit simplement de se rendre jusqu’à la fin en tour par tour.
Quoique dépouillée, l’esthétique est folle et le thème particulièrement absurde : chaque défaite est synonyme d’humiliation pour le protagoniste principal, qui se voit souiller par la morve, la salive ou l’odeur de son ou ses adversaires du moment. Mais les puzzles restent inventifs et la difficulté bien dosée, avec des combats de boss bien vus où l’on doit profiter des patterns réguliers des déplacements ennemis pour attaquer le père du héros.
Oh No !
Date de sortie : 16/11/2000
Développeur : Asmik Ace Entertainment, Inc
Éditeur : Asmik Ace Entertainment, Inc
Genre : Course
Oh No! est un jeu de course où l’on dirige un groupe de plus en plus large de personnages en slip qui avancent inexorablement dans des environnements « réalistes » comme une rue, une fête foraine ou une plage. De nombreux obstacles se dressent face à eux, et c’est au joueur de manipuler au mieux sa petite troupe pour éviter de perdre des semi-nudistes en chemin. C’est fun, parfaitement et débile et accompagné d’une direction artistique et sonore parfaitement raccord avec le thème. Des mini-jeux de rythme ponctuent la progression pour des chorégraphies truculentes et irrésistibles. Oh No! est une petite dinguerie qui semble avoir largement inspiré l’incroyable Muscle March, sorti en 2009 sur Wii Ware.
Segare Ijiri
Date de sortie : 1999
Développeur : Enix
Éditeur : Enix
Genre : Plateforme/Humour
Accompagnez un adolescent à tête de flèche (!?) vers l’âge adulte dans ce mélange étrange entre jeu de plateforme en scrolling latéral et création de blagues absurdes et régressives. Surréaliste, dépouillé et assez incompréhensible pour les non-japonais, Segare Ijiri est un “kusoge” (mauvais jeu) assumé dont le regretté créateur Akimoto Kitsune s’est fendu d’une suite, en 2002 sur PlayStation 2. Il faut dire que cette bizarrerie ultime a vendu pas moins de 170 000 exemplaires sur PlayStation. Ne manquez pas l’épisode des Oubliés de la Playhistoire sur le sujet, par l’inévitable Florent Gorges.
Bonus : Jingle Cats
Un « jeu » qui se passe de commentaires (vidéo)