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En Bavière, dans le sud-est de l'Allemagne, un mystère entourait les populations de sangliers : ceux-ci présentent depuis des décennies des taux de radioactivité très élevés. Alors que l'incident de Tchernobyl en 1986 a été longtemps pointé du doigt, une nouvelle étude démontre qu'elle n'est pas la seule coupable.

Ces sangliers d'Europe (Sus scrofa) sont tellement radioactifs que leur viande est considérée comme impropre à la consommation. Pendant longtemps, l'origine de cette contamination était plutôt incertaine, mais une étude publiée récemment dans la revue scientifique Environmental Science & Technology vient d'éclaircir la situation. Ces pauvres mammifères subissaient en fait les conséquences des nombreux essais de bombes atomiques ayant eu lieu il y a plus de 60 ans.

Les sangliers bavarois et leur radioactivité persistante

Pendant des décennies, le coupable était évident : l'accident de la centrale de Tchernobyl en 1986 dans la ville de Prypiat, en Ukraine. La théorie tenait debout, car la centrale était située à environ 1 300 kilomètres de la région. La différence avec les autres êtres vivants contaminés, c'est que les populations de sangliers en Bavière ne voyaient pas leur taux de radioactivité diminuer.

Pour expliquer ce paradoxe, les chercheurs se sont penchés sur les essais d'armes atomiques. Organisés principalement par les États-Unis, l'URSS et d'autres puissances nucléaires, ils ont atteint leur apogée dans les années 1960, comme l'atteste le graphique ci-dessous. Parmi ces essais, des centaines ont été réalisés dans l'atmosphère, ce qui a provoqué des retombées radioactives très importantes.

En analysant la viande des sangliers, les chercheurs se sont rendu compte qu'elle contenait du césium radioactif, mais également d'autres isotopes nocifs issus des armes nucléaires. Ceux-ci étaient présents dans des proportions allant parfois jusqu'à 99 %. Certains de ces isotopes, comme le plutonium-239 ou le strontium-90 par exemple, sont bien plus persistants dans l'environnement que le césium. Ceci pourrait expliquer en bonne partie la situation particulière des sangliers en Bavière.

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L'effet d'accumulation des particules radioactives

Une autre particularité du sanglier est son régime alimentaire et son appétence particulière pour les truffes. Ces champignons souterrains de forme globuleuse jouent un rôle très important dans le maintien des taux de radioactivité au sein de leur organisme. Lors de retombées nucléaires, les particules radioactives s'infiltrent lentement (quelques millimètres par an) dans le sol sous l'effet de la pluie et finissent par s'accumuler dans le substrat. Les truffes fructifiant ainsi dans celui-ci finissent par être contaminées également, et les sangliers, en les consommant, le sont aussi. Lorsque vient l'hiver et que la nourriture se raréfie au-dessus du sol en raison des basses températures, les sangliers se rabattent sur ces truffes, ce qui les rend particulièrement vulnérables.

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Cette étude met en lumière l'importance de croiser les différentes sources de contamination lors d'analyses écotoxicologiques. Les sangliers, s'ils étaient en effet victimes de l'incident de Tchernobyl en 1986, souffraient également de conséquences autres qui n'avaient pas été soupçonnées jusqu'alors. Plutôt inquiétant quand on apprend qu'une fissure a été découverte sur un réacteur nucléaire, en France. D'autant que la population des sangliers a déjà eu des impacts négatifs sur la sécurité alimentaire et sur la gestion globale de sangliers en Europe. C'est pourquoi il est nécessaire de se préoccuper des répercussions à long terme des activités nucléaires, qui sont loin d'être de l'histoire ancienne, sur les chaînes trophiques et l'environnement.