Cluster

Lorsqu’ils ont été propulsés dans l’espace au cours de l’été 2000, les quatre satellites de la mission Cluster partaient théoriquement pour une mission de deux ans. Finalement, vingt ans plus tard, ces derniers sillonnent toujours les cieux et leur périple n’est pas près de s’arrêter.

Pourtant, tout avait mal débuté pour la mission Cluster. En 1996, les quatre satellites initiaux du programme élaboré par l’ESA (Agence spatiale européenne) sont détruits au cours de leur lancement confié à Ariane 5. Il faut quatre années pour les reconstruire. Le 16 juillet 2000, une fusée Soyouz-Fregat place deux sondes, Salsa et Samba, en orbite. Si tout se déroule bien pour elles, ce n’est pas le cas pour leurs deux compères Rumba et Tango censées les rejoindre le 9 août. En effet, le lanceur les abandonne sur une mauvaise orbite. « L'ESA était un peu inquiète il y a 20 ans, lors du lancement de la deuxième paire d'engins spatiaux », confie Philippe Escoubet, scientifique du projet Cluster à l'ESA.

Un quatuor de choc

Heureusement, les choses finissent par s’arranger : Rumba et Tango parviennent à rejoindre le point de rendez-vous saines et sauves (grâce à une partie de Soyouz-Fregat et à leurs propres moyens de propulsion). Une chance, puisque la mission Cluster repose sur le travail conjoint des quatre satellites.

En effet, comme l’explique Philippe Escoubet, cette association de quatre satellites constitue la particularité et la force de la mission Cluster : « Cette conception à plusieurs engins spatiaux est la clé du succès de Cluster. En utilisant quatre engins spatiaux au lieu d'un seul, Cluster est capable de mesurer de façon unique plusieurs zones de l'espace - et d'obtenir simultanément plusieurs perspectives sur un événement ou une activité particulière, comme une tempête solaire ».

En outre, Salsa, Samba, Rumba et Tango accordent une grande flexibilité. Au sol, les chercheurs peuvent ajuster la distance entre les quatre engins sur une vaste amplitude allant de 3… à 60 000 kilomètres.

Afin d’offrir des données pertinentes, en plus des caractéristiques mentionnées ci-dessus, les quatre satellites évoluent dans une orbite polaire haute. C’est une autre de leur particularité, puisque la plupart des missions consacrées à l’analyse de la magnétosphère ciblent l'équateur, une zone riche en courants électriques.

L’étude de la magnétosphère terrestre

Vous l'avez donc compris, la mission Cluster a pour objet d’étude la magnétosphère terrestre, un « bouclier » qui contribue à rendre notre planète habitable. Il joue un rôle crucial en protégeant la Terre du vent solaire, un plasma essentiellement composé d’électrons, de protons et d’ions, généré, comme son nom l’indique, par le Soleil. Sur la face de notre planète exposée au Soleil et donc au vent solaire, la magnétosphère s’étend jusqu’à environ 65 000 kilomètres dans l’espace ; sur la face opposée, la partie de la magnétosphère baptisée magnétoqueue s’étire nettement plus : elle atteint 6 300 000 kilomètres.

magnetosphere

Depuis deux décennies, la mission Cluster a permis de nombreuses découvertes. Elle a notamment contribué à l’élaboration d’une carte magnétosphérique mondiale en trois dimensions, fourni des mesures sur l’arc de choc, recueilli des données sur la météo spatiale ou encore aidé aux recherches sur les aurores thêta.

Une contribution importante saluée comme il se doit par Arnaud Masson, scientifique et chargé de projet de la mission Cluster : « Le fait de disposer d'une base de données aussi conséquente a permis de faire un certain nombre de découvertes véritablement révolutionnaires. En surveillant et en enregistrant en permanence la dynamique et les propriétés de la magnétosphère terrestre pendant deux décennies, Cluster a créé de toutes nouvelles opportunités pour les scientifiques de repérer des tendances nouvelles ou à plus long terme sur des échelles spatiales et temporelles différentes ».

Mais pour Philippe Escoubet, la mission Cluster est loin d’être terminée : « Grâce à sa conception unique, sa longue durée de vie et ses capacités avancées, Cluster a révélé une multitude de secrets sur l'environnement de la Terre. Cluster est toujours en plein essor et continuera à nous aider à caractériser les phénomènes que nous voyons autour de nous pour - espérons-le ! - les années à venir ». Alors, rendez-vous pour une nouvelle actu anniversaire à son sujet dans dix ans ?

Source : SpaceDaily