Elle abrite l'une des formations les plus exotiques de notre côté du Système solaire.
On l'appelait 1-Ceres, mais ça c'était avant
Certains débutent l'année par une bonne résolution. En 1801, l'italien Giuseppe Piazzi démarre le 1er janvier ses observations, cherchant une étoile et découvrant… un point qui se déplace. Est-ce une comète ? Non. Une planète ? Non plus, trop petit. Alors quoi ? Après la découverte d'autres corps similaires (et un premier classement parmi les planètes « majeures »), les sociétés astronomiques s'accordent pour une nouvelle famille : les astéroïdes. Etant le premier du lot, et baptisé après la déesse romaine de l'agriculture, Ceres est donc officiellement nommée 1-Ceres, le premier astéroïde.
Deux siècles passent. On découvre que 1-Ceres est un planétoïde (bien sphérique) et que sa taille avoisine les 1 000 km de diamètre. Il n'est pas question de changer son statut, jusqu'à ce qu'éclate la fameuse polémique avec Pluton (on y reviendra), et que la catégorie si décriée de planète naine soit mise en place. Du coup, si Pluton, Eris, Haumea et les autres sont des planètes naines, Ceres aussi ! Exit donc le 1-Ceres (même si ça n'est pas incorrect), et bienvenue à la plus proche des planètes naines.
Planète naine, mystère entier
Ceres mesure donc environ 950 km de diamètre. Elle n'a pas de lune, regroupe à elle seule environ 1/3 de la masse de tous les astéroïdes de la Ceinture située entre Mars et Jupiter… et pourtant elle est moins dense que ses lointaines cousines Pluton ou Eris. La pesanteur à sa surface n'est que de 3% par rapport à celle de la Terre (pas évident pour se faire un tennis), et les journées n'y durent que 9 heures et 4 minutes. Ceres est aussi très sombre, non visible à l'œil nu dans le ciel de nuit.
Les scientifiques s'accordent aujourd'hui pour dire que Ceres a un noyau rocheux (a priori non métallique), entouré par une importante couche de glace, peut-être sous la forme d'un « océan » à haute teneur en saumure. La surface, criblée d'impacts, est inactive. Inactive, vraiment ? Plus les astronomes et scientifiques ont de nouveaux moyens pour observer Ceres, plus on se rend compte d'une anomalie. Il y a quelque chose, sur la surface de la planète naine, de très brillant. Une « tache blanche » que les quelques pixels montrés par Hubble ne permettent pas de comprendre.
Dawn lève le voile sur Ceres
Après une visite de plus d'un an auprès de l'astéroïde Vesta, la petite sonde Dawn de la NASA prend le chemin de Ceres avec ses petits moteurs ioniques. En janvier, la planète naine se dévoile peu à peu sur les imageurs à haute résolution, avant une mise en orbite autour de Ceres le 6 mars. Ceres devient donc la première planète naine observée de près par un véhicule (l'équipe grille la priorité à Pluton de quelques mois). De façon surprenante, le « mystère » de la tâche blanche n'est pas levé rapidement. Ce point étonnamment brillant réfléchit la lumière solaire (et n'en produit pas : il n'est pas visible lorsque cette face est dans l'ombre), mais il faudra plusieurs survols à basse altitude (et des années d'études) pour bien cartographier et comprendre pourquoi le centre d'un cratère est si blanc et brillant. Car ce n'est pas de la glace, mais du sel ! Des dépôts saumâtres alimentés par une poche d'eau formée il y a très longtemps profondément sous le cratère. Arrivée en surface, l'eau se sublime (passe à l'état gazeux) et le sel reste.
Ceres, en trois ans de photographies et d'observations scientifiques, se révèle être plus complexe que ce qui était imaginé. D'abord, elle n'est pas si inactive que ça, car elle possède une minuscule atmosphère (on parle alors d'exosphère) très fine, alimentée par de rares sublimations de glace d'eau. Il y a aussi des cycles saisonniers, de très grands canyons qui « griffent » la surface, résultats du refroidissement lors de la formation de la planète il y a des centaines de millions d'années. On notera aussi la présence d'une montagne dont la création est encore sujette à débat avec ses 4 400 m d'altitude et ses pentes raides (Ahuna Mons), et d'autres spécificités comme un manque de cratères (presque 30% de moins que ce qui était attendu à l'origine) indiquant qu'il y avait jusqu'à une période géologique récente une activité plus importante à la surface.
Ces caractéristiques ne font plus la une aujourd'hui, mais montrent que Ceres est loin d'être le « bloc gelé » imaginé avant d'aller l'explorer. Il vous faudra pourtant prendre votre mal en patience si vous souhaitez voir de nouvelles images : il n'y a aucune mission de prévue dans le coin avant au moins une à deux décennies.
Fun fact : Ceres dispose toujours d'un satellite, même s'il n'est pas « naturel ». A la fin de sa mission le 31 octobre 2018, la sonde Dawn n'a pas été envoyée se crasher sur la surface. D'ici une trentaine d'années, on ne saura même plus exactement sur quelle orbite elle est, car il y a des instabilités autour de Ceres et une très faible attraction.
Notes touristiques :
- Voyage 6/10 : Bien sûr, il est possible de prendre moins de 4 ans pour s'y rendre. Reste qu'il n'est pas facile de freiner lorsqu'on arrive sur place. Un petit survol de Mars sur le trajet ?
- Paysages 6/10 : Même les pentes à 40% sur les bords des cratères ne doivent pas vous effrayer : quelques sauts et vous serez en haut. Par contre, ça devient vite répétitif…
- Habitabilité 5/10 : Etre envoyé aux mines de sel était un temps l'une des pires sentences. Sur Ceres, pas certain que ce soit beaucoup plus agréable. Toutefois il y a de la place et la vue est sympathique, en particulier le ski de fond sur ces grands espaces de régolithe.