Les orbiteurs, les atterrisseurs et bientôt les astronautes iront un jour se poser près du pôle Sud de la Lune. L'une des raisons majeures à cela est la présence de glace d'eau dans des cratères à l'ombre permanente ou sous la surface. Mais y en a-t-il beaucoup ? Est-elle seulement accessible ? Ce n'est pas si simple.
Retourner sur la surface lunaire est l'un des défis techniques (mais aussi un défi politique) de la décennie dans le secteur spatial. Les robots y vont déjà, mais il est aussi question d'astronautes dans un futur proche, et même de bases de vie sur la surface. Et la zone qui polarise les recherches est celle qui entoure le pôle Sud lunaire. On y trouve en effet des cratères plus ou moins profonds qui ne sont jamais éclairés par le Soleil (l'axe de rotation de la Lune ne le permet pas). Les molécules d'eau déposées au sol sur la poussière, sous forme de givre ou de glace, s'y seraient accumulées depuis des milliards d'années.
25 décembre 2023 à 17h00
Les relevés initiaux grâce à différents spectromètres, faits il y a plus d'une décennie, ont montré qu'il existe de larges quantités de glace dans la zone. On ne sait toutefois pas si cette eau est à la surface, juste sous la surface ou disséminée dans l'ensemble de la croûte sous la surface. L'orbiteur sud-coréen Danuri, équipé d'un capteur spécifique appelé ShadowCam, devait observer et quantifier les reflets de glace d'eau dans ces cratères prometteurs, mais il n'a tout simplement rien détecté.
On ne baisse pas les bras
Évidemment, pas question de siffler la fin de la partie pour autant. Lors d'un rassemblement organisé sur le thème des ressources spatiales par l'école des Mines du Colorado, les chercheurs ont expliqué qu'ils attendaient des mesures bien plus fines grâce aux prochaines missions envoyées directement dans la zone de ces cratères dans une ombre dite éternelle. Pour avoir été mesurée avec un instrument et pas un autre, c'est peut-être simplement que cette glace d'eau se situe juste sous la surface.
Reste qu'il ne sera pas simple d'aller vérifier. D'abord parce que même avec les moyens actuels, aucune agence n'a encore tenté le coup. Même la Chine avec Chang'e 6 n'est pas allée récupérer ses échantillons de la face cachée très au sud (41 degrés de latitude). La mission réussie la plus proche était pour l'instant Chandrayaan-3 (Inde, 69 degrés de latitude), et elle était encore bien loin des ombres éternelles.
Creusez, et l'eau jaillira ?
L'un des instruments les plus attendus dans ce contexte sera hongrois, et il est embarqué sur les flancs de la prochaine mission d'Intuitive Machines (prévue pour fin 2024-début 2025) partiellement financée par la NASA. Au cours de celle-ci, si tout se passe bien, l'atterrisseur ira se poser sur les bords du cratère Shackleton, lequel représente l'une des meilleures chances de trouver de la glace d'eau. Et cet atterrisseur (fixe) sera équipé d'un petit robot sauteur, sur lequel on retrouvera un nouveau spectromètre capable de déterminer si oui ou non, il y a de la glace d'eau sur la surface, juste dessous ou pas du tout.
Pas d'eau, pas de moteur...
En réalité, le défi est de taille. Car une partie des promesses de future base lunaire repose sur des technologies dites « ISRU », pour In-Situ Resource Utilization, soit l'usage des matériaux présents sur place pour construire et opérer dans la zone : le régolithe pour faire des habitats et des protections, de l'eau pour récupérer de l'oxygène et de l'hydrogène qui peuvent à leur tour être utilisés en ergols, etc. Si l'eau n'est pas disponible, disons-le crûment, les bases lunaires perdent un argument de poids. Et pourtant, les agences majeures, la Chine en tête, se préparent bien à envoyer de premières briques de bases sur la surface, près du pôle Sud, évidemment. Les missions Chang'e 7 et 8 auront pour but d'explorer une partie de cette zone pour l'agence chinoise.
Les chercheurs étudient aussi une hypothèse un peu plus hybride, celle de la présence de glace d'eau à des proportions telles qu'il faudrait une véritable usine (une Gigafactory, si l'on veut utiliser le terme moderne) capable de miner des centaines de tonnes de sol chaque jour pour en extraire de rares ressources en eau. Un challenge tel qu'il pourrait repousser de loin les possibilités d'installation et d'usage des sols sur place. La réponse aux prochaines mesures ?
Source : SpaceNews