Au cours du 36th Space Symposium, qui se déroulait dans le Colorado du 23 au 26 août, l’administrateur de la NASA, Bill Nelson, a confirmé que l’agence spatiale américaine soutiendrait la Station spatiale internationale (ISS) au cours de la décennie. Mais, à partir de 2030, ce gigantesque laboratoire en orbite basse devrait être remplacé par une ou plusieurs stations spatiales commerciales.
Alors que la fin de l’ISS se profile, les différentes agences spatiales internationales s’agitent pour organiser le futur de l’humanité en orbite terrestre.
Des stations commerciales pour succéder à l’ISS
L’affaire n’est pas nouvelle. Pour pouvoir financer son programme Artemis de retour sur la Lune, mais aussi une éventuelle mission habitée vers Mars, la NASA doit se désengager de l’ISS. Sous l’administration Trump, il était même prévu de cesser le financement de la Station spatiale internationale dès 2025 ! Bien entendu, la station étant internationale par nature, un désengagement unilatéral des USA n’était pas si simple. Il était alors prévu que la partie américaine de la station soit confiée à des acteurs privés à partir de cette date, la NASA devenant alors un client comme un autre pour la conduite ponctuelle d’expériences en orbite basse.
Depuis lors, les choses ont quelque peu évolué. Non seulement l’administration Biden semble moins pressée de se désengager de l’ISS, qui reste un terrain d’expérimentation indispensable pour la future station orbitaire lunaire LOP-G, mais le calendrier prévu sous la présidence de Trump était tout simplement intenable. Pour autant, et Bill Nelson le confirme, l’objectif final n’a pas changé.
Lorsque l’ISS arrivera en fin de vie, d’ici quelques années, la NASA ne prévoit pas d’investir dans une nouvelle station ou de nouveaux modules en orbite basse. Alors occupée avec sa propre station en orbite lunaire, l’agence spatiale américaine comptera sur des acteurs privés pour assurer l’occupation américaine de l’orbite basse. La NASA pourra alors louer des modules, du temps d’occupation et des slots d’amarrage, au même titre que des agences de tourisme spatial ou des centres de recherche par exemple.
L’ISS reste en orbite, mais pour combien de temps ?
Reste à savoir quand aura lieu l’avènement des stations spatiales commerciales ? Bill Nelson s’attend à ce que l’ISS soit occupée jusqu’en 2030 et espère à cette date pouvoir compter sur des laboratoires orbitaux privés. Mais, pour le moment, les jeux ne sont pas faits. Pour l’instant, l’ISS est financée à l'échelle internationale jusqu’au milieu de la décennie. L’administrateur de la NASA n’a jamais caché son souhait d’une extension jusqu’en 2030, et il affirme désormais avoir le soutien de ses partenaires russes pour une telle extension.
En réalité, le Congrès américain doit encore valider ce projet. De même, l’agence russe Roscosmos ne s’est pour l’instant engagée que jusqu’à la fin 2024. Si la récente arrivée de Nauka semble confirmer la volonté de Moscou d’investir encore quelques années supplémentaires dans l’ISS, des rumeurs courent en Russie quant à un possible désengagement de l’ISS à partir de 2025 afin de rejoindre le programme de station spatiale chinoise. Le rejet de la participation russe à la LOP-G et la mise en place d’un programme lunaire conjoint sino-russe pourraient en effet troubler le jeu de Moscou en orbite basse terrestre.
En Europe, la confirmation du soutien à l’ISS ne devrait arriver qu’en 2022. Pour l’instant, le directeur général de l’ESA, Josef Aschbacher, et les responsables de plusieurs agences spatiales nationales ont tous confirmé que l’Europe devrait soutenir une éventuelle prolongation de l’ISS jusqu’en 2030. Au-delà, les pays européens pourraient aussi avoir à choisir entre le maintien des activités en orbite basse et la participation à une station orbitale lunaire. Si plusieurs pays et industriels européens semblent déjà embarqués dans l’aventure LOP-G aux côtés des Américains, cela n’empêche pas Moscou et Pékin de tendre la main vers l’ESA pour leurs propres projets lunaires.
Quelles options commerciales pour l’après-ISS ?
L’avenir de l’ISS est en tout cas assez flou. Si certains modules accuseront leur âge en 2030, d’autres équipements viennent à peine d’être mis en service et pourront encore rester opérationnels un long moment. Et de nouveaux modules, privés cette fois-ci, sont actuellement en cours de construction en France et en Italie pour le compte de la société Axiom. Ce groupe américain devrait en effet amarrer son premier module à l’ISS en 2024. Dans un premier temps, le Segment Axiom servira de base à des opérations commerciales au sein de l’ISS.
Mais quand l’ISS arrivera en fin de vie, ou plus précisément en fin de financements publics, ce Segment Axiom devrait pouvoir se séparer et rester en orbite en tant que station commerciale. La NASA pourrait alors utiliser ce reliquat de l’ISS de manière ponctuelle, selon les souhaits de Bill Nelson. Reste que la nature exacte de ce Segment Axiom, à l’horizon 2030, est également incertain. Selon le succès rencontré par la société privée, Axiom pourrait bien racheter ou récupérer certains des équipements actuels de l’ISS. Il est aussi possible que certains acteurs étatiques souhaitent conserver leur engagement dans l'ISS, et donc l'usage de leurs modules. D'autres acteurs privés pourraient aussi être intéressés par le rachat de certains modules en bon état, tandis que les équipements obsolètes seraient désorbités. On le voit, les possibilités sont nombreuses et l'avenir d'ISS dépendra autant des gouvernements que de l'intérêt commercial pour l'orbite basse.
Ainsi, la future station spatiale commerciale souhaitée par l'administrateur de la NASA pourrait orbiter dans les traces de l'ISS. Difficile en effet de voir un autre acteur privé qu'Axiom prendre le relais en orbite basse. Bigelow Aerospace, qui a déjà déployé un module gonflable sur l’ISS, a cessé toutes ses activités l’année dernière, au plus fort de la pandémie. Orion Space, qui avait de grandes ambitions pour le déploiement de sa propre station, semble aujourd’hui à court d’investisseurs et a virtuellement disparu. Seul le Starship de SpaceX pourrait éventuellement offrir suffisamment de volume pour permettre des expériences de longue durée en orbite basse, sans forcément garantir de présence humaine en permanence. Mais, pour le moment, aucun projet n’a été évoqué en ce sens, ni par la NASA ni par Elon Musk.
Source : Space.com