Le rapport décennal qui va orienter les choix de l’agence spatiale américaine a été publié hier. Ses propositions pour de futures missions dans le Système solaire sont alléchantes, et promettent de belles aventures ! Une plongée fascinante dans les futures missions scientifiques et découvertes…
Mais attention, toutes les propositions ne vont pas pouvoir aboutir.
Les origines, les mondes et la vie
Il aura fallu 18 mois de travail pour compiler des centaines de publications, étudier les propositions, établir des groupes scientifiques à travers tout le pays, et finalement publier le rapport Origin, Worlds and Life. Ce dernier représente un consensus sur les objectifs que les scientifiques américains souhaitent explorer et étudier dans notre Système solaire pour la décennie à venir. Et comme son nom l'indique, il s'oriente autour de grands thèmes pour poser les questions les plus importantes auxquelles les scientifiques souhaitent répondre à travers les missions d'exploration planétaires.
Il succède à Vision and Voyages publié en 2011… dont l’un des sujets phares, le retour d’échantillons depuis la planète Mars, a bel et bien été mis en œuvre depuis : le rover Perseverance est la première brique de la mission commune avec l’ESA, Mars Sample Return. Il ne s’agit donc pas d’un inventaire à la Prévert de ce que souhaiteraient les scientifiques, mais d’un véritable guide des futures propositions des projets d’exploration de la NASA. Et c’est pour cette raison que les 781 pages du rapport (en accès libre sur The National Academies) font beaucoup parler d’elles.
S'appuyer sur les développements actuels…
Compte tenu du temps qu’il faut pour préparer une mission ambitieuse dans le Système solaire, les projets qui figurent en priorité dans le rapport ont peu, ou quasiment aucune chance de décoller dans la décennie à venir, mais comme toujours, il s’agit de démarrer les missions et d’approuver les projets le plus tôt possible pour leur donner le plus de chances.
Les plus ambitieuses sont les « Flagship », dont le plafond budgétaire est uniquement fixé par les politiciens. On y retrouve un support franc et clair des missions déjà en développement, en particulier pour Mars Sample Return (il faudra dans la décennie à venir aller récupérer les échantillons, puis les ramener sur Terre), la sonde Europa Clipper qui décollera en 2024 vers Jupiter et le drone multicoptère Dragonfly qui devrait voler sur Titan, la plus grosse lune de Saturne à l’horizon 2034. Le rapport s’est penché sur les missions suivantes…
… et en proposer d'aussi ambitieux pour la suite !
La mission qui fait le plus parler d’elle, et la mieux notée, est sans doute le projet d’étude de la planète Uranus. Survolée une seule fois en 1986 avec ses lunes, Uranus est la géante gelée la plus accessible et l’une des planètes les moins étudiées pour le moment. Et nonobstant un voyage de 13 ans, une sonde pourrait y freiner pour entrer en orbite et l’étudier ainsi que ses lunes, sans oublier de larguer lors de son arrivée une petite sonde atmosphérique. Un moyen rudimentaire mais très efficace pour étudier la composition et les pressions sur place…
Le rapport décennal donne la meilleure note au projet, mais en propose un autre du même rang, à savoir Encelade Orbilander, une mission qui s’en irait jusqu’en orbite de Saturne, survolerait plusieurs fois Encelade avant de s’y poser et d’y rester pour étudier la lune gelée depuis sa surface. Un objectif éminemment difficile, mais à la hauteur de la récolte scientifique espérée : avec ses geysers composés principalement d’eau, Encelade est l’une des rares candidates du Système solaire pour abriter des formes de vie.
La Lune et Mars, toujours au top
Deux autres missions à des budgets fixes inférieurs font l’objet d’une recommandation particulière. Il y a Endurance-A, qui prend place sur la Lune, avec un grand robot autonome capable de parcourir plusieurs kilomètres par jour et de collecter jusqu’à 120 kg d’échantillons lunaires pour ensuite les livrer soit à un véhicule robotisé… soit à des astronautes pour qu’ils les ramènent sur Terre. Particularité de ce rover très endurant (c’est un peu le nom de la mission aussi) : il traverserait tout le pôle Sud (bassin Aïtken) pour accumuler jusqu’à 2 000 km de trajet !
Mars Life Explorer, quant à elle, vise à se poser sur ou près des calottes polaires martiennes pour étudier les composés des glaces, en étant spécifiquement équipée pour y trouver (ou non) des composés organiques. La mission serait la prochaine opportunité « au sol » après les différents éléments pour ramener des échantillons à l’aube de la décennie 2030.
Alors, je peux vous proposer…
D’autres missions enfin sont citées avec des degrés moindres de priorité, notamment parce qu’elles peuvent répondre aux critères de missions à moindre budget. Elles sont pourtant ambitieuses elles aussi. On y retrouve Centaur Orbiter and Lander (une mission de découverte et de collecte d’échantillons sur une comète entre Jupiter et Saturne), Ceres Sample Return (une mission qui se poserait sur la « tache blanche » de la planète mineure pour en ramener du matériel), Titan Orbiter (un complément à Dragonfly pour l’étude de l’atmosphère de Titan) ou Enceladus Multiple Flybys (au cas où l’atterrisseur serait trop ambitieux, celle-ci volerait au sein des geysers de la lune de Saturne pour étudier des prélèvements), voire Triton Explorer (qui survolerait une seule fois la lune de Neptune). Et il y en a bien d'autres, dont celles qui doivent encore affiner leurs propositions scientifiques pour qu'elles puissent « coller » à la réalité technique.
Enfin, il faut noter que le rapport décennal ne se contente pas de compiler les objectifs scientifiques, mais fait aussi le point sur la réalité budgétaire de ces missions. Sans surprise, Origin, Worlds and Life conclut que les programmes actuels ne sont pas aussi bien financés que prévu… et que souvent, les propositions sont volontairement revues à la baisse avant d’exploser leurs plafonds en cours de développement.
Pour ancrer les projets d’exploration dans la réalité, les comités demandent une enveloppe qui soit à la fois plus large et mieux contrôlée (en lisant entre les lignes, on comprend que le dérapage d’Europa Clipper, qui coûtera des milliards de plus que prévu, est l’un des sujets). Les scientifiques demandent aussi à l'unanimité que la NASA finance mieux ses missions de détection et classification des astéroïdes proches de la Terre.
Alors bientôt, Uranus ?
Reste à savoir lesquelles de ces propositions seront suivies. Elles ne sont pas de nature à contraindre la NASA, qui reste une agence gouvernementale et donc in fine, sous le contrôle d’autorités politiques, mais influent grandement sur les sélections des différents projets à venir. Il ne serait donc pas étonnant de retrouver sous une forme ou une autre, ces très alléchantes missions dans les développements phares de la décennie !
Source : Spacenews