Celui-ci peut-être plus que les autres... © NASA
Celui-ci peut-être plus que les autres... © NASA

Interrogé hier lors d'une commission parlementaire américaine, l'administrateur de la NASA, Bill Nelson, a regretté les dérives des coûts des contrats historiques de l'agence. Un revirement pour cet ex-politicien conquis par la mise en concurrence et les partenariats publics-privés… Et qui appelle à les généraliser.

Les chèques à 10 chiffres pour le programme SLS (et Artemis) sont en ligne de mire.

Convaincre les politiciens

« Nous sommes en train d'abandonner ce système de contrats, qui est une vraie plaie (…) », expliquait hier l'administrateur de la NASA Bill Nelson. Et s'il n'a pas repris la formule d'Emmanuel Macron, la déclaration fait aussi du bruit de l'autre côté de l'Atlantique. Il était interrogé sur les dérapages budgétaires de plusieurs projets majeurs au cours des dernières années, qui handicapent l'agence et son image. Bill Nelson, qui a pris les rênes de l'agence américaine l'an dernier, défendait l'enveloppe budgétaire de 26 milliards que souhaite l'agence pour l'exercice 2023 (qui démarre le 1er novembre) face à une commission spécialisée du Congrès, réunissant sénateurs et représentants… Au sein de laquelle il avait lui-même longtemps siégé.

L'exercice est délicat, mais l'ex-sénateur Nelson s'est appuyé sur les rapports de l'agence, et en particulier sur ceux de l'OIG, un bureau des audits indépendants de l'administration de la NASA. Résultat, à la surprise générale, il a mis en avant les programmes de types publics-privés et les mises en concurrence, et lourdement tancé les contrats traditionnels, nommés « cost-plus ».

Jouer avec le système

Un contrat « cost-plus », qui est le schéma le plus classique pour l'agence américaine, consiste à signer avec une entreprise un accord cadre avec un montant et une date de livraison… Et à couvrir également les dépassements et n'appliquer aucune pénalité en cas de retards. Historiquement, il s'agit de pousser les industriels à remplir leur part du travail et à innover sans craindre les retours de bâton de l'administration, dans un domaine où, il faut l'avouer, personne n'arrive vraiment à livrer à temps. Tout du moins, tel était le concept de départ… Dévoyé depuis ?

Bill Nelson a cité hier le contrat à 383 millions de dollars passé avec l'entreprise Bechtel pour une deuxième tour de lancement dédiée au lanceur SLS. Selon l'administrateur, la firme a remporté le contrat en sous-évaluant tous ses coûts, et profite depuis des années de la structure « cost-plus » pour obtenir plus d'argent et plus de temps… Et la NASA ne peut pas faire grand-chose pour les en empêcher. Les audits de l'OIG ont d'ailleurs pointé les mêmes dérives tout au long de la décennie qui vient de passer pour une ample partie des industriels du projet SLS (Space Launch System), qui a depuis coûté pratiquement 25 milliards de dollars à la NASA…

Retournement de veste

Que Bill Nelson vante les mérites des appels d'offres concurrentiels et des contrats publics-privés en a surpris plus d'un, car lorsqu'il était sénateur, ses positions étaient diamétralement opposées. C'est bien le même Bill Nelson qui critiquait vivement le contrat Commercial Crew, et défendait avec ferveur les contrats passés pour la capsule Orion il y a une décennie !

Bill Nelson n'a finalement pas sa langue dans sa poche. © NASA
Bill Nelson n'a finalement pas sa langue dans sa poche. © NASA

C'est le pragmatisme et le retour d'expérience de l'agence sur ces contrats qui ont donné naissance aux capsules Dragon, permis le retour des vols habités sur le territoire américain ou donné un coup de pouce à l'essor des missions lunaires actuelles, qui a joué pour qu'il change d'avis. L'administrateur de la NASA souhaite maintenant le budget pour un deuxième atterrisseur lunaire afin de ne pas laisser les clés du contrat à SpaceX et son Starship, et met en avant les économies qu'ont permis les contrats fixes (ce qui par exemple implique que c'est Boeing qui prend en charge les coûts additionnels liés à la capsule Starliner depuis 2019).

Il y a donc fort à parier que si le format « cost plus » disparaît un jour, ce sera pour plus de concurrence et de public-privé. Du côté de la défense américaine, le général John Hyten expliquait avant sa retraite l'an dernier que grâce à la mise en concurrence des industriels, il estimait avoir économisé 40 milliards de dollars…

Source : Spacenews