Sur VivaTech, nous sommes allés à la rencontre de Paul Cassé, fondateur de CAPS, une jeune entreprise qui rêve d'envoyer dans les airs de petites capsules volantes, et ce dans les prochaines années.
Trois jeunes physiciens, Paul Cassé, Kevin Laouer et Pierre de Châteaubourg, rencontrés sur les bancs de l’École normale supérieure (« Normale Sup’ »), ont lancé en 2019 leur propre société, CAPS (pour Capsule aérienne pilotée par satellite). Lorsqu’ils ont vu le Solar Impulse faire le premier tour du monde en électrique en 2017, ils se sont lancé un défi : construire leur propre drone de transport.
À VivaTech, Paul Cassé, le président-directeur général de la structure, a accepté de nous présenter l’eVTOL, véhicule à la fois électrique, autonome et monopassager, destiné à devenir une solution de choix sur le futur marché des taxis volants.
L'interview de Paul Cassé, fondateur de CAPS
Clubic : Enormément de gens s'arrêtent devant votre capsule eVTOL... Pouvez-vous la présenter à nos lecteurs ?
Paul Cassé : C'est la première fois, et en exclusivité mondiale, que CAPS révèle au grand public sa capsule aérienne. Il s'agit d'un eVTOL qui a vocation à assurer un service de taxi urbain aérien à la demande, pour pouvoir inclure la périphérie et le centre-ville de Paris dans un rayon de 10 à 15 minutes de trajet.
L'aéronef est entièrement propulsé par énergie électrique, et pensé pour couvrir la surface de toutes les grandes métropoles européennes et mondiales. L'idée est que l'appareil fonctionne de façon complètement autonome en se déplaçant d'un point A à un point B. Le départ et l'arrivée seront de petites stations compactes pour être intégrées facilement dans l'écosystème de nos villes. CAPS doit traverser des « rails aériens » que l'on connaît déjà et qu'on a pu préenregistrer à l'avance dans l'eVTOL.
Avant de rentrer dans les détails techniques, quelles informations pouvez-vous nous donner, notamment sur la taille et le poids de la capsule ?
Nous avons abordé la thématique de la mobilité aérienne urbaine en visant son implantation à grande échelle et de façon durable. Nous sommes convaincus que pour avoir un réel impact et solutionner le challenge de mobilité auquel font face les autorités, la mobilité aérienne électrique a besoin de deux choses : être abordable et discrète. Les personnes n'accepteront jamais le risque inhérent à ces nouvelles mobilités au-dessus de leur tête s'ils n'en ont pas une réelle utilité.
« L'idée est que l'appareil fonctionne de façon complètement autonome, en se déplaçant d'un point A à un point B »
Notre aéronef fait environ 1,20 mètre de diamètre (pour la cabine), 3 mètres de hauteur, et les bras ont un diamètre total de 3 mètres. Cela permet à l'eVTOL d'atterrir et décoller facilement un peu partout en ville. Il est aussi ultra léger : 250 kg à vide. Ce poids lui permet d'évoluer discrètement, en émettant un bruit inférieur au bruit ambiant de la ville ; en d'autres termes il est inaudible pour les usagers citadins.
Quels sont les composants et matériaux utilisés pour atteindre ce poids plume ?
Pour pouvoir atteindre la meilleure densité pour l'appareil, nous utilisons des matériaux de nouvelle génération, de types composite et fibre de carbone, qui vont allier extrême résistance et super légèreté. Ce sont des matériaux beaucoup plus résistants que l'aluminium, pour un poids trois à quatre fois inférieur.
Ensuite, on utilise des batteries lithium-ion qui fournissent aujourd'hui la plus grande densité en matière de stockage énergétique. Nous visons, un jour, à basculer vers une solution à hydrogène. Les technologies existantes ne le permettent pas encore, et pour l'heure, nous bossons sur des solutions d'hybridation, pour passer plus tard au tout hydrogène, ce qui pourra encore augmenter l'autonomie de l'appareil.
« Monoplace, l'aéronef volera en permanence à 100 % de sa capacité et permettra d'accueillir des personnes à mobilité réduite »
Cette capsule se limite-t-elle à un voyageur ?
Oui. Nous avons imaginé un transport monopassager, ce qui nous permet de nous différencier de la concurrence et d'imaginer un véhicule dont l'ergonomie va être compatible avec les usages en ville. Nous avons commencé par une étude à la racine de la mobilité urbaine et avons remarqué que 70 % des trajets quotidiens en ville se font seul, et dans le pire des cas au volant d'une voiture cinq places. On a donc imaginé cet aéronef monoplace qui volera en permanence à 100 % de sa capacité et permettra d'accueillir des personnes à mobilité réduite.
Au niveau de la connectique, est-ce que des choses sont prévues à bord pour le passager ?
Bien sur. L'objectif est que le passager apprécie au maximum son trajet. Toute la grande vitre de devant a vocation à être connectée, à proposer une expérience en réalité augmentée pour apprécier de façon plus détaillée le paysage qui défile. Il y aura la possibilité de passer sa propre playlist de chansons à l'intérieur de l'habitacle, via l'application mobile, par laquelle on pourra aussi commander le trajet, et qui fera le lien entre le passager et la technologie donc.
CAPS présente six hélices. Comment se passeront le décollage et l'atterrissage ? Où en êtes-vous dans le développement, et quand aimeriez-vous démarrer les tests, notamment avec un prototype ?
Nous avons commencé par les simulations informatiques pour définir le design et la calibration de l'appareil. Sur le modèle que vous voyez ici, la cabine est une maquette utilisée pour les expositions, mais le plateau posé sur le dessus est fonctionnel. Il a d'ailleurs déjà effectué ses premiers décollages. L'idée est que le modèle final soit un peu différent de celui-ci, une solution un peu plus ergonomique que nous optimiserons encore au fil du temps.
Celui que l'on présente ici n'est qu'un démonstrateur destiné à prouver nos capacités à intégrer les différentes technologies nécessaires au montage d'un aéronef pour le transport de passagers.
« Nous visons à rejoindre cet écosystème le plus rapidement possible, pour pourquoi pas, faire des démonstrations de notre technologie dès les Jeux olympiques de 2024 »
Vous avez répondu à l'appel d'offres Paris 2024. On imagine que, déjà, c'était un moyen de vous faire connaître. Qu'est-ce que vous en tirez comme bilan et expérience, même si vous ne faites pas partie des trois entreprises retenues ?
L'Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) a élu Paris comme la ville la plus attractive pour la mobilité urbaine aérienne. La ville a lancé un appel à manifestations international pour les premiers services de taxis urbains aériens, qui circuleraient pour les Jeux olympiques de 2024. C'est Airbus, un acteur chinois et une entreprise allemande qui ont été retenus.
Dans trois ans donc, vous verrez les voitures volantes au-dessus de vos têtes. CAPS a bien évidemment répondu à cet appel d'offres. Néanmoins, il fallait être capable de démontrer des premiers tests dès cet été, et notre start-up ne peut pas fournir cette technologie aussi rapidement. Mais nous visons à rejoindre cet écosystème le plus rapidement possible pour, pourquoi pas, faire des démonstrations de notre technologie dès les Jeux de 2024.
Ce que nous en retenons, c'est que malgré l'historique fort de la France, nous sommes aujourd'hui le seul constructeur dans ce domaine. Cela nous donne à la fois une position de leader tout en montrant la complexité de l'environnement local pour développer ce genre de technologie.
Pour aller encore plus loin et encore plus vite, quid du financement. Où en êtes-vous aujourd'hui ? Cherchez-vous à lever de l'argent ?
À date, nous avons levé 100 000 euros de fonds non-dilutifs grâce à des prix à l'innovation, des soutiens de la BPI et l'investissement des fondateurs de l'entreprise, ce qui nous a permis de réaliser ce premier prototype, de créer la société et de mettre en place un réseau de partenaires technologiques.
Aujourd'hui, nous entamons une vague de levée de fonds en amorçage de 6 millions d'euros, nécessaire au financement des trois prochaines années de recherche et développement de CAPS. Cela pourra financer la construction d'un second prototype, pour chercher la certification européenne pour le transport de passagers en ville.