Des mineurs se servent de codes de cartes bancaires, volés et récupérés sur Internet, pour utiliser les trottinettes électriques.
Si l'on suit les règles fixées par chacun des opérateurs, il faut avoir plus de 18 ans et être titulaire d'une carte bancaire pour pouvoir s'offrir une petite balade en trottinette électrique. Sauf que vous pouvez être parfois surpris(e) en voyant déambuler des engins à deux roues en libre-service, pilotés par de jeunes adolescents. Il s'est en réalité mis en place un véritable système permettant aux individus mineurs de passer outre la réglementation.
La vigilance de l'enseignant, qui a découvert le pot aux roses
C'est lors d'un banal cours de sport que le professeur d'EPS d'un collège situé dans l'Est parisien a deviné comment ses élèves parvenaient à payer leurs trajets en trottinette. En voulant savoir ce qui pouvait détourner l'attention de deux collégiens en classe, l'enseignant, qui avait déjà vu ses protégés circuler dans le quartier sur les machines électriques, a compris que ses élèves, tous âgés de moins de 15 ans, utilisaient un moyen frauduleux pour s'amuser.« Là, ils me tendent deux téléphones », indique l'enseignant à nos confrères de Libération. Sur le premier mobile, l'application Lime est ouverte. Sur le second figure un message contenant des suites de numéros ainsi que des informations confidentielles. En réalité, les données correspondent à des numéros de carte bancaire, accompagnés de la date d'expiration et du numéro de vérification de carte, le fameux CVV. Vous le voyez venir ? « Ils utilisent tout simplement des cartes volées pour recharger les trottinettes », regrette le professeur.
Des codes issus du dark web
La question qui mérite une réponse est : comment de jeunes collégiens ont-ils pu avoir accès à ces codes de carte bancaire ? Ces derniers se sont simplement inscrits à une conversation sur la messagerie ICQ, suivie par 11 300 personnes ; une paille ! De cette conversation émergent régulièrement des codes de carte bancaire. « Les messages sont écrits en anglais, il y en a plus de 2 000 par jour. On dit "drop" quand on veut qu'ils envoient des cartes et "dd" [ pour «dead», «mort» en anglais, ndlr ], lorsque la carte ne fonctionne pas », détaille l'un des collégiens.Le système est donc bien rodé. Il faut ensuite faire preuve d'une certaine dextérité pour attraper le code et ne pas laisser son voisin s'en emparer. Le futur voyageur débute avec cinq euros. S'il voit que le code fonctionne, il passe à 10, 15, puis 20 euros. Le montant dépend des cartes bancaires utilisées. « Sur les American Express, on peut payer seulement 5 euros. Les meilleures, ce sont les Mastercard. Quand elles fonctionnent, on peut aller jusqu'à 300, 400 euros », explique le jeune garçon.
La plupart des cartes volées proviendraient des États-Unis. Certaines victimes peu regardantes ne se rendraient même pas compte des mouvements imprévus sur leur compte. Les codes, eux, sont issus du dark web, où ils seraient accessibles contre 100 euros. Une somme directement versée au fournisseur, qui se frotte les mains de profiter de la crédulité de collégiens, bien plus exposés que lui aux retombées de tels actes.
Source : Libération