Il y a ceux qui suivent la transition numérique au fil des avancements, et il y a les indécrottables de la vieille école qui vivent, pensent et rêvent analogique. Et puis il y a ceux qui, entre deux chaises, apprécient la praticité du premier monde tout en affectionnant la véracité du second. Pour ces derniers, et appliqué à de la prise de notes, Wacom propose son Bamboo Spark. Il s'agit tout simplement d'un bloc-notes numérique : l'utilisateur écrit ou croque avec un stylo à encre sur du vrai papier, il appuie sur un bouton et une version numérique de sa réalisation est instantanément sauvegardée et synchronisée sur le téléphone (ou la tablette) et le cloud.
Présentation du Bamboo Spark
Le Bamboo Spark ressemble à un étui pour tablette 10 pouces : une pochette à deux volets, mesurant 25,3 x 20,2 x 2,2 cm. La version Snap-fit pour iPad air 2, capable d'accueillir la tablette d'Apple, en est d'ailleurs un, d'étui, tout comme la version With tablet sleeve, plus permissive sur la nature de l'ardoise. Mais dans tous les cas, les smart folios de Wacom sont différents puisqu'ils abritent un bloc-notes papier et un stylo à encre. Wacom nous a envoyé la troisième version Gadget Pocket, où le volet de gauche est prévu pour accueillir une réserve de papier ou encore un smartphone. Le poids varie en fonction du modèle, entre 535 et 620 grammes.L'extérieur de l'étui est recouvert d'un duo de tissus aux touchers différents : pas de folie textile sur le plan esthétique - on est dans ce qu'on pourrait appeler la « rigueur allemande » - néanmoins Wacom a soigné sa finition. L'intérieur, uni et gris, est tapissé d'un matériau ressemblant à du suède synthétique. Dans la gadget pocket de la deuxième de couverture, une petite patte aimantée permet de caler les éventuelles feuilles volantes. Le stylo se fixe à une découpe dans la reliure par l'attache de son capuchon. L'ensemble se referme à l'aide d'un élastique qui s'amarre à un crochet en plastique.
Ce qui nous intéresse toutefois, c'est le battant de droite qui contient toute l'électronique. A commencer par une batterie (de capacité et d'autonomie inconnues), et donc un port USB pour la recharge et un bouton marche - arrêt. Au centre de la couverture se trouve la zone active sur laquelle on vient loger le bloc-notes au format A5 (21 x 14,8 cm). Cette zone active renferme un maillage de capteurs qui va déterminer la position du stylo par le phénomène de résonance magnétique, le stylo étant pourvu d'un aimant. En dehors de cette spécificité, le stylo est un modèle standard, passif (c'est-à-dire sans batterie), utilisant des recharges d'encre vendues dans le commerce et sur le site du constructeur (Ministar D ISO 12757-2 DOC SWISS). Wacom en livre trois en tout.
Côté bloc-notes, Wacom en fournit un, adapté de 30 pages unies, mais n'importe quel bloc aux bonnes dimensions ira, tant qu'il ne dépasse pas 5 mm d'épaisseur. Cette limitation n'est pas aussi futile qu'il n'y paraît, car les blocs-notes au format A5 ont bien souvent 80 feuilles, et donc dépassent les 5 mm. Auquel cas, il restera les blocs-notes vendus par Wacom, à 7,90 euros les trois (de 30 feuilles chacun).
Le Spark dans la pratique
Pour fonctionner, le Bamboo Spark doit être connecté en Bluetooth à un smartphone (ou une tablette) doté de l'application Wacom Spark (iOS et Android). En l'absence de connexion, le Spark pourra stocker jusqu'à 100 réalisations dans sa mémoire interne. Une réalisation est mémorisée lorsque le Spark a détecté au moins une fois le stylo et que l'utilisateur a appuyé sur le bouton unique de validation, situé sur la reliure.Une fois le texte, croquis ou dessin réceptionné, le smartphone (ou la tablette) va le transmettre sur l'espace de stockage en ligne (5 Go offerts) de Wacom. Les autres appareils disposant de l'application Spark verront alors leur contenu synchronisé. Et pour y accéder depuis un navigateur Web, il suffit de passer par le portail Inkspace de Wacom.
Est-ce efficace ? Oui et non. C'est rapide et diablement simple, assurément. Toutefois, le système souffre de quelques lacunes, dont une, pénalisante pour le dessin : l'absence de prise en charge de la pression. Wacom évoque une sensibilité à 1024 niveaux de pression, mais il ne s'agit que de la détection du stylo, pas du rendu du trait. La version numérique ne restitue qu'une seule épaisseur de trait, en noir sur blanc. C'est du bitmap 1 bit alors qu'on aurait souhaité des niveaux de gris, tant qu'à faire sur 8 bits (256 valeurs). Pour de l'écriture ou du schéma, c'est suffisant, mais pour du dessin, le Bamboo Spark est considérablement limité : les nuances, les détails fins ou encore les ombrages ressortent mal, ou pas du tout.
Par ailleurs, quand on lève la main et qu'on la repose pour reprendre l'écriture (ou le dessin), si jamais le bloc-notes a été bombé et qu'on ne le plaque pas à nouveau exactement pareil, un décalage s'opère dans le positionnement du stylo et donc la numérisation. Si vous pensiez utiliser des feuilles volantes, il faudra être très vigilant.
Enfin, si on valide un croquis en appuyant sur le bouton et qu'on veut le compléter ultérieurement, ça ne pourra pas se faire sur papier mais uniquement sur écran du smartphone ou de la tablette. Autrement dit, il n'y a pas de retour en arrière possible sur papier. Alors qu'il aurait été tout à fait envisageable de demander depuis l'application de reprendre telle ou telle numérisation sur bloc-notes.
Mis à part ces quelques défauts qui ont un impact essentiellement sur le dessin, la numérisation reste bien précise et pratique. Notamment parce que Wacom a pensé à une fonction (encore en bêta) de reconnaissance des caractères. Celle-ci se montre plutôt efficace si on s'applique un minimum sur l'écriture manuscrite.
Par ailleurs, les notes numériques sont éditables, soit en tracés simples sur l'application Bamboo Spark, soit de manière plus aboutie via l'autre application Wacom Paper (colorisation, différents types de stylos, mais beaucoup d'achats intégrés...). Et le Spark enregistre également une chronologie de la réalisation, permettant sur le smartphone via l'option « diviser » de remonter dans le temps. Dommage qu'il n'y ait pas une option d'animation vidéo comme avec la Slate du grenoblois iskn.
Notez enfin que les réalisations peuvent être exportées comme Jpeg, PDF ou fichiers WILL (Wacom Ink Layer Language, un format universel éditable mis au point par Wacom) et partagées à volonté.
Conclusion
Le Bamboo Spark est un produit particulier, pour ne pas dire de niche - ah, on l'a dit. Il constitue une méthode plus « authentique » pour prendre des notes de manière numérique. Ceux qui ne seraient pas conquis par l'usage d'un stylet sur une phablette ou une tablette, c'est-à-dire directement sur écran tactile, trouveront peut-être là un compromis séduisant, alliant le confort du papier et de l'encre à la commodité du cloud. Le Bamboo Spark est un folio bien fini, au fonctionnement efficace (pour des notes), simple et rapide.Ceci étant dit, si le concept est méritant, sa concrétisation demeure imparfaite. L'absence d'analogie entre la pression exercée et le rendu de la numérisation pénalise fortement la pratique du dessin. Ou en tout cas de dessins nuancés. La numérisation est ici binaire : une seule épaisseur de trait noir pour n'importe quel signal détecté, et si pas de signal, pas de trait. Une gestion des niveaux de gris aurait changé la donne, d'autant que Wacom annonce détecter 1024 niveaux de pression. Par ailleurs, il faut bien avoir en tête que la zone active ne bouge pas : si le papier, lui, bouge en cours d'écriture, la numérisation sera décalée. Il manque une paire de pinces pour utiliser des feuilles volantes. Et il est dommage qu'on ne puisse pas revenir sur une note enregistrée, autrement que dans sa version numérique.
Malgré tout, on ne peut s'empêcher d'être séduit par l'originalité de ce Bamboo Spark. Mais on se demande bien qui va débourser 160 euros dans ce bloc-notes numérique. Sachant qu'il est relativement simple (et incomparablement moins coûteux) de prendre en photo avec son smartphone, des notes écrites sur papier...