Numériser un dessin, un croquis ou une note écrite, c'est utile pour archiver, pour partager ou encore exploiter ses créations de diverses manières. Mais si la question de la numérisation se pose toujours, c'est que rien ne remplace encore parfaitement un stylo, feutre ou crayon et du papier. Ce contact analogique entre l'outil qui écrit et le support qui reçoit est en effet unique. Avec la Bambo Spark, Wacom nous proposait une solution simple et bien finie mais inadaptée au dessin. Cette Slate, elle, semble davantage s'adresser aux artistes.
Présentation de la Slate
Sur le produit en soi, il n'y a pas de quoi s'étaler des heures. C'est une tablette plus ou moins de la taille d'un iPad Air mais sans écran. On dirait plus une planche à découper qu'autre chose... Elle se compose de trois boutons et deux LED sur la tranche gauche, d'une connectique micro USB et d'un port microSD sur la tranche supérieure. La Slate est construite dans un plastique dur, sauf sur sa face avant où iskn a privilégié un matériau plus souple et surtout caoutchouteux, qui agrippe le papier. En son centre, une zone active au format A5 est délimitée par des traits blancs.Cette zone active est composée d'une matrice de 32 magnétomètres tapie sous la membrane supérieure. Il s'agit de capteurs du même type que ceux utilisés dans les smartphones comme boussole électronique, sauf qu'ici, ils sont exploités afin de déterminer la position en trois dimensions du stylo, ou plutôt de l'aimant qui l'équipe et émet un champ magnétique permanent. Ils sont aussi capables de détecter l'inclinaison et l'orientation du stylo. A la différence de Wacom qui se limite à son stylo bille, iskn commercialise en option sa bague aimantée (« the Ring » à 19,90 euros) seule, qui peut venir se greffer à plus ou moins n'importe quel stylo, feutre, crayon à papier ou encore gomme stylo. Elle tient calée par deux anneaux en caoutchouc.
La Slate de base est livrée avec un stylo bille et quatre clips en plastique servant à tenir les feuilles volantes au format A5 (non fournies). Mais on peut également utiliser un carnet (1,5 cm d'épaisseur maximum). Contrairement à la Spark, la Slate n'est pas un folio. En revanche, la boutique en ligne d'iskn vend un accessoire (pas en stock au moment où nous écrivons ces lignes) qui permet d'associer iPad et Slate dans une même pochette. Oui, pour l'heure, elle ne fonctionne qu'avec des appareils Apple. Mais le constructeur travaille sur une application Android pour la fin de l'année.
La Slate dans la pratique
La Slate se connecte en Bluetooth à l'iPad ou iPhone doté de l'application Imagink. S'il n'y a pas de tablette ou smartphone Apple à proximité, il est toujours possible d'utiliser la Slate de manière autonome en faisant glisser l'interrupteur trois positions sur le cran du milieu. Elle enregistre alors les créations sur la carte microSD (non fournie) et les rapatriera ultérieurement. La LED supérieure est verte dans ce mode autonome, bleue quand le Bluetooth est activé (interrupteur poussé à fond) et violette quand un tracé de stylo est enregistré. L'autre LED s'allume en blanc quand le stylo rentre dans le champ de détection.Tout cela est très simple dans la théorie, mais dans la pratique, nous avons rencontré des soucis de détection. Parfois, la Slate détecte le champ (LED blanche allumée) mais non le contact (pas de LED violette), parfois, la LED violette s'allume alors que le stylo ne touche pas la feuille, et d'autres fois, il ne se passe rien. L'appareil semble très sensible aux interférences. Iskn prévient bien qu'il faut se trouver à au moins de 25 cm de tout perturbateur. La liste est longue et restrictive : iPad, table ou armature en fer, bague, autre stylo iskn, haut-parleur, ordinateurs, etc.
L'interrupteur à trois positions et les LED indiquant l'état de la Slate
Généralement, il suffit d'éteindre et de rallumer la Slate, puis de créer une nouvelle page ou de plaquer le stylo pour forcer la détection. Passé cet inconvénient, on apprécie le fait de pouvoir utiliser des feuilles volantes, qui collent déjà bien sur la surface légèrement agrippante et ne bougent plus du tout une fois les quatre clips fixés. Toutefois, la surface est aussi légèrement tendre : si l'on appuie trop ou si l'on repasse plusieurs fois au même endroit, on finit par passer à travers le papier, ou presque.
La grande différence avec la Spark de Wacom, c'est qu'ici on voit la modélisation du stylo et le tracé s'afficher en temps réel sur l'écran de l'iPad. On pourrait presque dessiner en ne regardant que l'écran, même si c'est étrange comme sensation. La précision est plutôt bonne, sauf quelques ratés occasionnels. Comprenez par là que parfois, un petit décalage spatial se forme après avoir éloigné puis rapproché le stylo.
Cette manière d'aborder le problème a permis à iskn de pousser une véritable logique créative, assistée par l'application Imagink. Premier point important : on peut créer des calques à empiler les uns sur les autres. C'est utile pour tracer une esquisse qu'on pourra faire disparaître par la suite, mais aussi pour revenir sur un dessin déjà enregistré ou encore pour coloriser son œuvre sur une couche non destructive, au cas où. On peut ensuite changer l'ordre des calques, les afficher ou les masquer.
Ensuite, Imagink propose une palette variée d'outils de dessin : crayon à papier, stylo, feutre, marqueur, pinceau, gomme et même aérographe. Chaque élément est personnalisable : couleur, taille, opacité, sensibilité à la vitesse du trait, lissage, etc. La sensibilité à la vitesse est là pour combler une importante lacune du dispositif : il ne prend pas en charge la pression exercée par le stylo sur la feuille, tout comme la Spark. Ce rendu est donc simulé, sans grande réussite. Iskn exploite cependant la profondeur du champ magnétique dans le maniement de l'aérographe : plus on s'approche de la Slate, plus le tracé est dense, plus on s'en éloigne, plus la couverture se disperse.
Si le côté créatif est assurément plus présent que sur la Spark, faire toutes les modifications sur l'écran de l'iPad et dessiner sur une feuille de papier, reste déroutant. Il faut jongler entre les supports, et surtout, faire abstraction des sensations quand on choisit l'outil pinceau alors qu'on dessine au stylo bille... Mieux vaut avoir des bagues additionnelles et utiliser des outils en accord avec ceux sélectionnés dans l'application.
Les options de sauvegarde sont complètes. On a en effet le choix entre les formats PNG, JPG, MP4, PSD et SVG, dont on peut paramétrer la résolution d'export. MP4 oui, vous avez bien lu. Parce que la Slate propose une fonction très sympathique d'historique vidéo du dessin, c'est-à-dire une vidéo où l'on voit tout le dessin se former progressivement, des premiers coups de crayon jusqu'à la touche finale. Pour ce qui est du partage, pas de plate-forme dédiée ici, mais un partenariat avec le Creative Cloud d'Adobe.
Conclusion
En dépit de défauts pénalisants comme la détection hasardeuse du stylo et l'absence de prise en charge de la pression, cette Slate demeure un produit sympathique. Elle est en fin de compte assez différente de la Spark. Le modèle de Wacom est un folio connecté, orienté prise de notes sur carnet avec possibilité d'OCR et partage tous azimuts ; ici, il faut voir un accessoire pour iPad qui permet de déporter du dessin numérique. Point de stylet actif directement sur l'écran de la tablette, mais une mine ou une bille sur une feuille. Ça signifie zéro latence et surtout de vraies sensations avec le papier. La prise en charge des feuilles volantes et la possibilité d'adjoindre de simples bagues magnétiques sur plus ou moins tout type de stylo, crayon, feutre ou pinceau sont de réels atouts, qui rendent la solution cohérente.Imagink remplit bien son rôle, et même si ce n'est pas toujours ergonomique de jongler entre sa Slate et les réglages d'outils sur l'iPad, on apprécie le soutien créatif de l'application. En revanche, il est dommage que la Slate se limite à l'univers iOS. Iskn dit travailler sur des versions PC et Mac pour septembre 2016, puis plancher sur Android ensuite. Autrement dit, il ne va pas falloir trop être pressé si vous préférez l'écosystème Google.
Enfin, reste la question du prix. A 159 euros pour la tablette, les quatre clips et le stylo bille, iskn se positionne au même tarif que Wacom. C'est peut-être un peu cher en l'absence d'un vrai folio et surtout, sans fournir au moins une bague The Ring de base, tant cet accessoire fait partie de la logique du système. Ceci étant dit, les alternatives de ce type ne courent pas les rues.