Ce 19 avril, la NASA a réussi le tour de force historique de faire voler le petit hélicoptère Ingenuity depuis la surface de Mars. Une première, après un souci logiciel qui a retardé la campagne de tests… dont les objectifs à venir sont toujours ambitieux.
Une démonstration technologique pour des missions d'ici une décennie ?
Le vol du soulagement
La NASA a pris l'antenne en direct un peu trop tôt ce lundi 19 avril, en direct des salles de contrôle du JPL dès 12 h 15 (Paris). Résultat, après quelques clips montrant à quoi s'attendre, les spectateurs en étaient réduits, comme le reste de l'équipe du petit hélicoptère Ingenuity, à attendre que les données de Mars soient déchiffrées.
Soulagement palpable après quelques minutes de tension interminables : l'appareil a bel et bien décollé de la surface de la planète rouge pour un vol de pratiquement 40 secondes, s'élevant à 3 mètres au-dessus du désert orangé du cratère Jezero. Une première historique, et surtout, une extraordinaire perspective pour ce premier appareil à voler de façon contrôlée sur une autre planète.
Plusieurs spécialistes ont rappelé qu'il y a certes eu d'autres « vols » auparavant, comme les ballons envoyés dans l'atmosphère lors des missions Vega 1 et 2 soviétiques, ou bien Surveyor 6, qui a rallumé ses moteurs pour effectuer un « saut » sur la surface de la Lune. La différence est pourtant sensible, car Ingenuity, comme les rovers martiens de la NASA, répond à une séquence de vol et utilise son logiciel interne pour contrôler avec minutie son orientation et son altitude. De la même façon, la « skycrane » qui a déposé Curiosity et Perseverance sur Mars a bien volé… mais elle n'a ni décollé (c'est le lanceur terrestre Atlas V qui s'en est chargé) ni atterri (car elle s'est crashée).
Avec Ingenuity, plus question de seulement s'élancer, il s'agit bien d'un vol propulsé, contrôlé tout du long, stabilisé avec brio dans une atmosphère 100 fois moins dense que sur la surface terrestre. Cela nécessitait, pour son moteur, de propulser son double rotor contrarotatif à 2 500 tours/minute.
Un bug et un peu de retard
Avec seulement 1,8 kg sur la balance, Ingenuity est avant tout un appareil de démonstration. Il ne possède qu'un seul capteur optique et une centrale inertielle capable d'estimer son altitude et son orientation.
Ce premier vol, sur un site qui a immédiatement été rebaptisé le « Wright Brothers Field » (en l'honneur des pionniers de l'aviation), était attendu avec impatience et anxiété par les équipes. En effet, après une dépose en douceur sur la surface et des premiers tests concluants, Ingenuity avait souffert d'une erreur logicielle qui avait stoppé une séquence de test avec ses rotors à pleine vitesse le 9 avril…
Il a donc fallu prendre plusieurs jours pour identifier le problème et télécharger une version corrigée au petit hélicoptère. « Nous avons réussi à trouver la fine ligne entre folie et innovation » a confirmé T. Zurbuchen, le directeur scientifique des opérations de la NASA.
L'agenda déborde…
L'équipe d'ingénieurs et de chercheurs qui s'occupe d'Ingenuity, dirigée par MiMi Aung, est engagée dans un véritable marathon. Il n'est pas question d'immobiliser le grand rover Perseverance trop longtemps, sa mission pour explorer le cratère Jezero et surtout récolter des échantillons pour, un jour, espérer les ramener sur Terre est trop importante.
La NASA avait donc prévu un agenda « bloqué » d'un mois pour que le petit hélicoptère puisse faire ses preuves… Or, il ne reste déjà plus que deux grosses semaines pour boucler les opérations ! Selon MiMi Aung, si les conditions sont réunies dans la journée de jeudi 22 avril, Ingenuity pourrait déjà reprendre l'air.
L'équipe, dans un programme de plus en plus ambitieux (et qui n'a plus grand-chose à perdre après ce grand succès), vise en effet quatre autres vols. Le prochain devrait voir Ingenuity s'élever à 5 mètres, puis effectuer une translation à l'horizontale d'une cinquantaine de mètres avant de revenir se poser à son point de départ. Les autres tentatives seront dans le même esprit, éventuellement un peu plus longues.
Avec son panneau solaire, Ingenuity est un appareil autonome, et puisque la démonstration initiale est prometteuse, il devrait y avoir à l'avenir des propositions concrètes pour qu'une mission à la surface de Mars embarque un ou plusieurs hélicoptères de ce type.
Lors de la conférence de presse organisée ce 19 avril, l'équipe a notamment laissé entendre qu'un appareil d'une trentaine de kilogrammes pourrait reprendre le même concept, avec une durée de vol plus longue et une charge utile scientifique qui pourrait atteindre 4 kg. Cela dit, ce ne sera pas dans l'immédiat. Pour le moment, l'agence américaine est tournée vers ses projets lunaires et le retour d'échantillons martiens d'ici la fin de la décennie.
Source : The Verge