Symbole du plus grand scandale économique allemand de l'après-guerre, la société de gestion de paiements fait l'objet d'une enquête parlementaire outre-Rhin, dans l'objectif de faire tomber les masques.
Les députés allemands ont décidé de changer de braquet et de renforcer la pression autour du scandale Wirecard. Les élus de l'opposition, pas vraiment convaincus par les réponses apportées par un gouvernement qui joue gros, ont décidé de créer une commission d'enquête parlementaire, désormais soutenue par les députés écologistes Danyal Bayaz et Lisa Paus, outre les élus d'extrême gauche et les libéraux. La coalition de députés est désormais suffisamment importante pour mettre en place cette commission qui a du pain sur la planche.
Les députés allemands veulent de vraies réponses avant les élections législatives de 2021
Le 25 juin dernier, Wirecard avait annoncé demander l'ouverture d'une procédure de dépôt de bilan, consécutive à la découverte d'un trou faramineux de 1,9 milliard d'euros dans ses comptes, qui avait laissé les créanciers de l'entreprise avec une dette 3,5 milliards d'euros à régler. La BaFin, le gendarme financier allemand, avait alors été rapidement accusée de ne pas avoir suffisamment surveillé la fintech et d'avoir ignoré les alertes lancées notamment par certains médias, sur les pratiques potentielles de la société de paiements électroniques, qui pesait plus de 23 milliards d'euros au plus haut de son activité.
Alors à quoi pourra bien servir la commission d'enquête parlementaire qui sera mise en place ? D'un point de vue physique, elle permettra aux élus de mettre la main sur certains documents jusqu'ici inaccessibles et encore tenus secrets, et d'interroger certains témoins, pour recueillir le maximum d'éléments.
Sauf que la commission ne pourra s'offrir le luxe de prendre tout son temps, puisque les prochaines élections législatives allemandes auront lieu dans un an, en septembre 2021. Et le scandale Wirecard pourrait avoir une influence capitale pour le camp de la chancelière Angela Merkel et, surtout, pour le vice-chancelier et ministre des Finances Olaf Scholz, désigné le mois dernier pour être le candidat social-démocrate à la chancellerie.
Des agents de la BaFin, censés contrôler Wirecard, ont spéculé en Bourse
Les auditions préliminaires menées ont été l'occasion pour les membres des autorités de supervision et ceux du gouvernement de se renvoyer la balle au niveau de la responsabilité du scandale, ce contre quoi a pesté de façon assez virulente le député allemand Fabio De Masi. « Nous n'avons pas les réponses aux questions que nous nous posons », a-t-il regretté, en n'omettant pas de rappeler que, pour lui, Wirecard est « une fausse entreprise ».
Pendant ce temps, le président de la BaFin, Felix Hufeld, qui avait reconnu que la gestion du cas Wirecard fut « un désastre absolu », a été appelé à démissionner. Le patron de la surveillance financière allemande, qui estime qu'il aurait été plus pertinent d'ouvrir une enquête plus tôt, n'entend pas donner satisfaction à ses détracteurs, bien que le ministre des Finances a confirmé que plusieurs contrôleurs allemands ont spéculé sur Wirecard, ce qui est pourtant interdit par la BaFin depuis l'année dernière. Et pourtant, des agents ont spéculé sur une société que leur autorité est censée contrôler.
Avant de déposer le bilan, Wirecard était, en Allemagne, la société cotée en Bourse à faire l'objet du plus grand nombre de transactions privées effectuées par des employés de la BaFin, ce qui n'arrange pas les affaires de son patron ni du ministre des Finances, dont nous parlions un peu plus tôt.
Quoi qu'il en soit, et au terme de l'enquête menée par la commission, des réformes devraient être annoncées pour réglementer notamment les relations entre les autorités financières et les sociétés cotées. Pour faire du cas Wirecard une exception à la rigueur allemande.
Source : Financial Times