Bouygues et RTL Group ont annoncé, lundi soir, avoir démarré des discussions officielles visant à aboutir, d'ici la fin de l'année 2022, à la fusion de leurs filiales respectives : TF1 et M6.
Les géants de la télévision privée française, TF1 et M6, se battront-ils bientôt sous la même bannière ? C'est toute l'ambition du groupe Bouygues, qui ne cache désormais plus au public ni aux autorités - qu'il faudra convaincre - son désir d'opérer la fusion de TF1 avec M6-RTL. Ce lundi 17 fin en fin de journée, le mastodonte du BTP est entré en négociations exclusives avec le groupe allemand Berstelmann, par l'intermédiaire de sa filiale RTL Group, propriétaire du groupe M6. Une réponse à la hauteur de l'enjeu affiché par les différentes parties : sauver la télévision face aux plateformes mondiales de contenus.
Un rachat de M6 pour lutter contre les poids-lourds du streaming
Le projet de fusion entre TF1 et M6 est animé par une ambition très précise : proposer « l'offre la plus diversifiée en TV, radio, digital, production de contenus et technologies, au bénéfice de tous les publics et de la filière audiovisuelle française ». Avec, à la clé, la création d'un groupe de médias français d'envergure, qui surpasserait France Télévisions en termes de parts d'audience. La fusion de TF1 et M6 est censée permettre au futur groupe d'investir davantage et d'accélérer l'innovation, en appréhendant mieux l'évolution de la consommation des utilisateurs vers des contenus en streaming. Ensemble, TF1 et M6 espèrent créer une plateforme nationale qui combinerait « offre de rattrapage » et de streaming (en lieu et place de MYTF1 et 6play ?), ainsi qu'une offre de SVoD.
Après de premières discussions, les différentes parties, à savoir Bouygues, RTL Group, TF1 et le conseil de surveillance de M6 ont indiqué, dans un communiqué commun, avoir approuvé à l'unanimité le projet de fusion. À eux deux, TF1 et M6 pesaient pour 3,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2020.
TF1, M6, qui possède quoi ? 📺
TF1 :
Le groupe TF1 possède quatre chaînes de télévision en clair (TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI), quatre chaînes thématiques (Ushuaia TV, TV Breizh, Histoire TV et Série Club), ainsi que deux plateformes de SVoD (MYTF1, TFOU Max). Sur le web, l'entreprise est propriétaire de la marque Unify, qui regroupe notamment aufeminin, Marmiton, Doctissimo ou My Little Paris.
M6 :
Le groupe M6 possède 13 chaînes de télévision, dont quatre en clair (M6, W9, 6ter et Gulli), plusieurs antennes payantes (Paris Premières, téva, MCM, etc.), et d'importantes stations de radio (RTL, RTL2, Fun Radio). La firme a également développé les plateformes web Golden Network, Golden Moustache ou Rose Carpet et divers sites internet.
Les deux groupes ont en commun d'avoir co-fondé, avec France Télévisions, la plateforme de vidéo à la demande par abonnement Salto. Ils possèdent aussi leurs propres studios de production (Newen pour TF1 ; M6 Studio, M6 Films et SND pour M6).
Bouygues était en concurrence avec Vivendi (qui possède Canal+) ; un projet porté par Xavier Niel et Matthieu Pigasse ; un autre par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky ; ou encore un intérêt de Mediaset, qui appartient à Silvio Berlusconi. Finalement, le géant français a raflé la mise et a lancé les démarches pour s'emparer de 30 % du capital de M6 (sur les 46 % de parts initialement détenues par Bertelsmann). RTL Group conservera finalement 16 % des parts. Les 54 % autres du capital restent flottant (ils appartiennent à des actionnaires qui ne sont pas permanents), avec 29 % pour le flottant actuel de M6, et 25 % pour le flottant actuel de TF1.
Avec 30 % du capital de l'entité fusionnée, Bouygues deviendrait l'actionnaire de contrôle exclusif avec, donc, en second actionnaire, RTL Group et ses 16 %.
Une fusion qui ne sera pas effective avant la fin de l'année prochaine
Évidemment, on peut spontanément se poser la question de la faisabilité de l'opération, sur un plan juridique. Les deux groupes ont déjà prévu que la chaîne M6 continuerait d'émettre en demeurant au sein de l'entité juridique actuelle, qui serait toujours cotée en Bourse, mais qui serait renommée « M6 Édition ».
Une fois que les actionnaires de TF1 et M6 réunis en assemblées générales extraordinaires auront approuvé définitivement l'opération, Bouygues devra obtenir les autorisations de l'Autorité de la Concurrence et du Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA), qui ne manqueront sans doute pas de poser leurs conditions quant à cette fusion. Pour le bien de la concurrence, on imagine que les autorités essaieront de limiter un maximum les synergies entre les deux groupes, qui prendraient un important leadership notamment sur le petit écran, reléguant les autres groupes privés (Canal et NRJ) dans une autre galaxie, et supplantant France Télévisions. Les enjeux publicitaire (l'entité future sera là aussi ultra-majoritaire sur le marché français) et politique seront aussi scrutés de près par les régulateurs.
Une longue période de discussions réglementaires va désormais s'ouvrir entre TF1 et M6. « La réalisation définitive de l'opération serait prévue d'ici la fin de l'année 2022 », indiquent les deux groupes, qui devront trouver une nouvelle dénomination regroupant TF1 et M6.
En ce qui concerne la gouvernance, Gilles Pélisson, Président-directeur général du groupe TF1 depuis 2016, cèdera son fauteuil à Nicolas de Tavernost, son homologue au sein du groupe M6, en cas de fusion. De Tavernost présidera le nouvel ensemble fusionné. Gilles Pélisson, lui, ne partira pas à la retraite (il fêtera ses 64 ans le 26 mai prochain). Il sera nommé directeur général adjoint du groupe Bouygues en charge des médias et du développement.