On vit actuellement la même infantilisation avec les services web. Facebook qui oblige à utiliser la « Timeline », Hotmail qui devient Outlook, Messenger qui bascule sur Skype, Twitter qui change ses pages profil. Personne n'a rien demandé, on préférait l'ancienne version, mais on n'a pas le choix. « C'est pour ton bien mon enfant ».
Avec la mise à mort de Google Reader, c'est pire. Nous sommes des milliers à pleurer comme si maman avait jeté notre jouet préféré. L'outil était pourtant devenu indispensable pour beaucoup de spécialistes de la veille et de journalistes -moi le premier. Il est même le seul moyen pour les dissidents chinois et iraniens de se tenir informés en évitant le blocage national. Mais rien n'y fait. Telle est la dure loi du cloud et des services web. Il faut subir les caprices des parents. Ils paient le loyer. Donc, soit on suit leurs règles, soit on s'en va. Et tant pis si l'on se retrouve sans rien en partant.
Personne ne peut garantir que Gmail vivra éternellement
D'aucuns me conseillent aujourd'hui de sécher mes larmes et d'en profiter pour tester une des nombreuses alternatives. J'ai déjà donné ! L'année dernière, Apple décidait d'arrêter brutalement sa galerie photo MobileMe, sans offrir le moindre substitut. J'avais pourtant déboursé près de 100 € pour le service. Heureusement, un concurrent, ZangZing proposait de rapatrier tous mes albums en un clic, dans un service équivalent voire meilleur que celui d'Apple. Séduit, j'ai transféré mes photos... Mais trois mois après ZangZing a mis la clé sous le paillasson.
Personne ne peut garantir qu'un clone de Google Reader, s'il voit le jour, ne fera pas long feu. Personne ne peut d'ailleurs certifier que Gmail, Google Calendar ou Google Drive, vivront éternellement. Que le service soit payant ou gratuit, l'éditeur un géant du web ou une petite startup, cela ne fait aucune différence : vos listes de lectures, vos documents, vos recommandations, vos mails sont à la merci des forces du marché et des revirements stratégiques du fournisseur.
Pendant un temps, j'imaginais que la meilleure façon d'éviter l'infantilisation, serait de snober les services web et de préférer les bons vieux logiciels installés en local. Au moins, je garde les clés de ma chambre et reste maître de mon destin. Si l'éditeur décide de tout changer, je peux toujours utiliser l'ancienne version que je préfère. Idem s'il ferme boutique, j'ai toujours accès au logiciel.
Mais aujourd'hui, même cette stratégie ne tient plus. Exemple, avec le logiciel de retouche d'image Snapseed. Depuis qu'il a été racheté par Google, les versions Mac et Windows ne sont plus mises à jour. Pire, ce logiciel, payant, vient d'être retiré de l'App Store Mac OS. Du coup, ceux qui l'ont acheté ne peuvent même plus le re-télécharger pour l'installer sur une nouvelle machine. Seule solution, garder bien précieusement une copie de son exécutable actuel.
Au final, on n'est plus à l'abri nulle part. Qu'il s'agisse d'un service web ou d'un logiciel en local. C'est désespérant. On ne va quand même pas développer nos propres applications et héberger nos propres services. Alors on baisse la tête. Et par commodité on accepte de subir et d'être traités comme des enfants, même quand on paie pour un service.
Il serait temps que cela change non ?