Faciles à convaincre en échange de quelques billets, les influenceurs sont des relais rêvés pour les adeptes du dropshipping. L'État veut désormais réguler cette pratique qui consiste à vendre des produits, sans en avoir le stock.
De plus en plus d'internautes se saisissent de leur clavier ou de leur mobile pour crier leur colère sur les réseaux. Et de plus en plus, celle-ci se porte sur les influenceurs, dont certains comptent des centaines de milliers, voire des millions d'abonnés sur des plateformes comme Instagram, TikTok ou Snapchat. Plusieurs d'entre eux sont en effet accusés de tromper leur communauté en se livrant à des posts sponsorisés ou des partenariats agissant comme le relais de sites internet de e-commerce aux pratiques plutôt douteuses, à la frontière entre la légalité et l'illégalité, mais pas encore officiellement régulées. Bercy a décidé de taper du poing sur la table, pour réguler ce que l'on appelle le « dropshipping ».
Un gros manque à gagner pour les finances publiques des États de l'Union européenne
Outre les nombreux signalements et remontées sur les réseaux sociaux, ce qui fait aujourd'hui tiquer le fisc, c'est ce que coûte chaque année la fraude à la TVA. La Commission européenne l'estime à 7 milliards d'euros au sein de l'UE. Pourquoi vous parle-t-on de la fraude à la TVA ? Parce que l'Inspection des finances a récemment révélé, dans un rapport, que 98 % des vendeurs de dropshipping n'étaient tout simplement pas immatriculés à la TVA.
Pour lutter contre cela, le code général des impôts introduira une nouvelle norme, valide à compter du mois de juillet, qui rattachera justement la vente à distance, « même si l'intervention du vendeur dans la livraison du bien est indirecte », précisent nos confrères du Figaro.
Mais concrètement, comment fonctionne le dropshipping aujourd'hui ? En réalité, tout part de sites de e-commerce, souvent fort douteux, qui vont servir de vitrines en exhibant des produits qui, en réalité, ne sont même pas en stock. Tout n'est pas factice dans la pratique puisque le site douteux prend le soin de choisir des produits chez un fournisseur. Il complète ensuite la page avec des photos de ce dernier et une description, et en prenant en charge la livraison et le SAV.
Le dropshipper s'assure une jolie plus-value
Le site à l'origine du dropshipping vient revendre plus cher des produits qui auront été en réalité été achetés sur des marketplaces comme AliExpress ou des plateformes comme Wish. Mais pourquoi le client l'ignore, pouvez-vous demander ? Tout simplement parce que, n'ayant pas le produit en stock à la base, le dropshipper va, dès la réception d'une commande d'un client, contacter le fournisseur (par exemple, Alibaba), pour lui faire expédier la fameuse commande, sans faire mention et sans le packaging d'Alibaba.
Cette pratique, aux allures trompeuses, permet ainsi de donner du crédit au site de dropshipping et permet surtout au dropshipper de faire une jolie plus-value sur chacun des produits vendus, quand les produits sont livrés selon la description, ce qui est loin d'être toujours le cas.
Les influenceurs : un rôle mi-instrument mi-profiteur
Et les influenceurs dans tout ça ? Ils sont justement l'instrument qui donne cette espèce de crédit à la pratique du dropshipping aujourd'hui, et aux sites douteux qui ne font leur « business » que par le biais des réseaux sociaux. Mais au passage, ils sont grassement rémunérés. Le Figaro nous explique par exemple qu'un électrostimulateur abdominal, que l'on trouve à 20 euros sur Wish, est vendu 80 euros sur certains sites douteux. Mais l'influenceur vous dira toujours qu'il s'agit d'une affaire en or, à saisir au plus vite, puisque par ses bonnes grâces, vous obtenez un super code promo qui fait tomber le prix de 130 à… 80 euros.
Le hic est qu'il existe une condition à respecter par les influenceurs : celle de ne pas indiquer qu'ils font la promotion de sites de dropshipping, évidemment. Le vice est parfois poussé loin, notamment lorsque l'opération vante un produit fabriqué en France par exemple, ou doté d'un savoir-faire français. En février, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRG) a condamné la société Disinfluence à une amende de 10 000 euros, pour avoir indiqué des prix de référence qui n'étaient à aucun moment pratiqués. L'entreprise pressait même fictivement le client potentiel à transformer sa visite en achat, en se servant d'un compte à rebours suggérant que l'épuisement du stock était imminent.
Les influenceurs, eux-mêmes influencés, ne sont pas exempts de tout reproche. Souvent, ils font preuve d'une certaine naïveté, forcément motivés par l'appât du gain. « Il arrive qu'on nous envoie un produit à tester avant d'en faire la promotion, mais que les acheteurs en reçoivent un différent », affirme un influenceur. La papesse des influenceurs (notamment ceux issus de la téléréalité), Magalie Berdah, à la tête de l'agence Shauna Events, a elle-même reconnu avoir été piégée par des sites qui fermaient sans prévenir. Aujourd'hui, elle œuvre pour procéder à des vérifications juridiques plus poussées, en amont de toute collaboration éventuelle.
Alors si les sites de dropshipping sont les responsables désignés, la pratique ne serait rien aujourd'hui sans tous ces complices, conscients ou non des combines, qui leur livrent sur un plateau l'exposition nécessaire leur permettant de gagner toujours plus d'argent. Et face à l'attentisme des plateformes, dont la responsabilité des contenus n'est pas si évidente, les acteurs du dropshipping, qui voient néanmoins souvent leurs sites être mis hors ligne, continuent de profiter de l'absence de régulation. Une carence qui pourrait bientôt être comblée, si tant est que les pouvoirs publics aillent au bout de leur démarche.
Source : Le Figaro