L'association Attac dénonce les pratiques de quelques-unes des grandes places de marché, qui se livrent à une fraude à la TVA qui fait mal au commerce français et laisse un trou dans les finances publiques.
Aujourd'hui, tout réussit à Amazon. La firme de Jeff Bezos règne sur l'empire du e-commerce et séduit grâce à un catalogue gargantuesque et des services qui relèguent bon nombre de ses concurrents loin derrière, comme la livraison le dimanche ou l'offre Prime. Il se trouve que l'assise d'Amazon est aussi ce qu'elle est notamment grâce à certaines méthodes, comme l'optimisation fiscale, dont découle une fraude à la TVA que dénonce Attac. Mais l'organisation non gouvernementale le concède : le géant américain n'est pas le seul géant de la vente en ligne à échapper aux finances publiques. D'autres, comme Wish, Cdiscount ou Ebay, ne se feraient pas prier.
98% des vendeurs issus des grandes places de marché ne sont pas immatriculés à la TVA
En se basant notamment sur des éléments financiers du secteur et en utilisant une méthode dite « mixte », qui se base sur la proportion de l'activité des marketplaces dans l'activité globale des e-commerçants majeurs, Attac a fait le constat que le manque à gagner potentiel dû à la fraude à la TVA s'élèverait à 1,1 milliard d'euros, pour 2019, un montant plancher selon l'association.
Ce manque à gagner, relativement impressionnant, s'explique en partie par le fait que 98% des vendeurs étrangers actifs sur les marketplaces ne sont tout simplement pas immatriculés à la TVA en France. Au total, selon l'Inspection générale des finances (IGF), seuls 538 vendeurs sur les 24 459 connus en 2019 seraient immatriculés auprès des finances publiques.
La TVA, c'est quoi ? 💶
La TVA, la taxe sur la valeur ajoutée, est aujourd'hui l'impôt qui rapporte le plus aux finances publiques, puisqu'il constitue la moitié des recettes fiscales de l'État, et le double de l'impôt sur le revenu, pour près de 130 milliards d'euros. Au sein de l'Union européenne, chaque société doit verser sa part de TVA à l'État dans lequel un produit ou un service est vendu, et ce même si le siège de l'entreprise est basé dans un autre pays.
Pour Attac, en croisant ces données avec celles du contrôle fiscal (Direction des impôts des non résidents et Direction générale des Finances publiques), comprises dans un rapport de la Cour des comptes de décembre 2019, on prend bien conscience que la fraude de 1,1 milliard d'euros n'est que minimale.
Peu de contrôles, un manque à gagner abyssal et des commerçants désavantagés
Pour cela, l'organisation utilise une approche dite « ascendante ». En 2015-2016, la Cour des comptes a mené des contrôles sur 200 entreprises, dont 120 ont été conduites à l'imposition, en s'acquittant de 15,2 millions d'euros de pénalités, soit une moyenne de pénalités de 126 666 euros par entreprise. Souvenez-vous : tout à l'heure, nous vous parlions des 98% de vendeurs étrangers actifs en France qui ne sont pas immatriculés à la TVA. En extrapolant les données issues des 200 contrôles aux 23 927 acteurs non connus aux yeux de Bercy, on tombe sur un manque à gagner de 3,02 milliards d'euros.
Toujours sur cette même approche, une seconde vague de vérifications de la Direction générale des Finances publiques a conduit au contrôle de 46 entreprises soupçonnées de fraude. 33 d'entre elles ont fait l'objet de contrôles pour des droits et pénalités pour un montant de 3,6 millions d'euros. En extrapolant de nouveau aux 23 921 vendeurs connus, le montant grimpe à 2,6 milliards d'euros. Et ainsi de suite. Les montants calculés par Attac atteignent jusqu'à 5,98 milliards d'euros qui ne sont pas tombés dans les caisses de l'État.
Et plus que les finances publiques, ce sont surtout les commerçants qui souffrent de ces pratiques. Car les vendeurs qui ne paient pas de TVA, par exemple sur Amazon ou Cdiscount, bénéficient d'un avantage concurrentiel imparable… et déloyal.
Amazon sous-estimerait certains de ses résultats
En ce qui concerne Amazon, les derniers chiffres connus, fournis par l'institut Kantar, nous précisent que sa part de marché sur les biens vendus en ligne en France est autour de 22% (elle atteindrait même 30% en octobre 2020, toujours selon le cabinet Kantar). Une donnée erronée pour Attac, qui la pense bien plus élevée notamment au regard du nombre d'articles transitant par les entrepôts français chaque année, qui serait bien plus élevé que les 333 millions d'unités officiellement écoulées par la firme américaine l'an dernier. Sans oublier que le marché français pèse 11,5% de l'activité d'Amazon dans le monde, sur les 15 milliards de produits vendus.
Attac conclut son étude en rebondissant sur les propos du directeur général d'Amazon France, Frédéric Duval, qui a déclaré sur France Inter, le 18 novembre dernier, que l'entreprise avait payé 420 millions d'euros de taxes en France, sur un chiffre d'affaires de 5,7 milliards d'euros. « Ce chiffre représente un taux de 7,4 % du chiffre d’affaires et contient : l’impôt sur les sociétés, les impôts de production (taxe foncière, CVAE, CFE), l’ensemble des cotisations sociales, et enfin, la TVA reversée par l’entreprise », note l'organisation, qui estime qu'il n'est pas possible d'obtenir un ratio de taxe aussi bas par rapport au chiffre d'affaires généré. En France, en 2018, les impôts sur la production représentaient, à eux seuls, autour de 5,2% de la valeur ajoutée globale nationale.
Pour l'association, « à moins de se livrer massivement à l'évitement fiscal », Amazon ne ferait pas preuve d'une totale bonne foi.
Source : Attac