Cette nuit, le président des Etats-Unis a confirmé son engagement en faveur de la lutte contre les morts accidentelles ou préméditées dues aux armes à feu détenues légalement. Dans une interview accordée à CNN, Barack Obama a également ouvert d'autres voies. Outre les idées déjà présentées par le chef d'Etat de systématiser la vérification des antécédents des acheteurs ou de renforcer les interdictions d'achat pour les personnes souffrant de troubles mentaux, Obama s'appuie sur un nouveau plan d'action : le soutien aux armes connectées.
« Je ne prétends pas résoudre tous les problèmes de violence, mais si on peut passer de 30 000 d'accidents par an à 28 000, ce sera déjà ça », a-t'il lancé, seulement quelques minutes après le début de l'émission. Avant d'ajouter : « A Indianapolis, il y a des foires d'armes dans lesquelles on peut acheter des armes sans qu'aucun contrôle de vos antécédents ne soit effectué ».
Le ton est donné. Le président américain a profité du débat pour sortir son dernier atout. Il s'agit d'une partie d'un projet de loi qui n'avait encore jamais été exposé en public, même si le parti pris de Barack Obama en faveur de ce type d'innovation était connu. L'homme fort de Washington est convaincu que les armes connectées pourraient éviter de nombreux morts. Il cible par exemple l'impossibilité pour des enfants d'utiliser l'arme d'un proche ou la mise en place d'un traçage plus efficace par la police des armes volées.
Obama hier soir à l'émission "guns in America", sur CNN
Mais cette fois le Chef d'Etat a sur ce sujet une assise qu'il n'avait jamais eu au cours des années passées. Il ne s'agit plus d'un simple projet de recherche que le gouvernement financerait, mais d'« un véritable marché qui est en train de s'ouvrir ». « Une nouvelle société a récemment pris le dossier en main en me disant : "vous voulez que nous fassions de telles armes ? Eh bien c'est possible et nous allons le faire », déclare-t'il sans cacher sa joie et sa confiance en ce projet.
S'il n'a pas dévoilé le nom de cette société, quelques indices nous permettent de croire qu'il pourrait s'agir du constructeur allemand Armatix (installé en Californie). Ce fameux « nouveau marché » évoqué par Barack Obama, se ferait en l'absence des constructeurs d'armes à feu classiques, du moins au départ. Il permettrait probablement le développement de l'industrie des puces RFID (radio-identification incorporée à l'objet qui peut répondre à des requêtes émises depuis un émetteur), afin de rendre l'arme inutilisable par une autre personne que le détenteur initial. Mais d'autres secteurs pourraient aussi y trouver leur compte, comme celle des montres connectées, puisqu'un smart gun en nécessite l'usage couplé.
L'ip1 calibre 22 (Armatix), et sa montre connectée.
Certains investisseurs se tiennent déjà prêts, à l'image de Ron Conway (Investisseur en capital-risque à la Silicon Valley) qui aurait promis 1 million de dollars à quiconque trouverait une innovation qui ferait significativement progresser la technologie des armes connectées.
Les larmes de la colère
Nombre de commentateurs parlent déjà du dernier grand combat d'Obama. Si un pistolet connecté existe bel et bien aujourd'hui, c'est uniquement parce qu'il en finance le projet depuis des années. Hier soir, le Président a aussi dévoilé l'envers du décor : « Est-ce que quelqu'un dans cette assemblée peut m'expliquer pourquoi en 1997, alors que les sociétés Colt et Smith & Wesson commençaient à réfléchir à la conception de telles armes, est-ce que quelqu'un ici peut me dire pourquoi un véritable boycott de ces recherches a littéralement stoppé l'évolution de ces initiatives ? »Car les ennemis de cette innovation technologique sont nombreux, avec en première ligne le NRA (principal lobby des armes à feu aux Etats-Unis) et le Congrès, dont on s'attend à ce qu'il barre la route au projet du Président. Pour eux, de telles armes ne peuvent être fiables, pour la raison même de leur équipement électronique. Doit-on par exemple s'attendre à ce que la batterie des armes se décharge, à l'image des smartphones, rendant potentiellement les interventions policières quelque peu pittoresque ? Plus globalement, les opposants aux nouvelles mesures disent qu'il s'agit d'une première étape, et que l'objectif non-avoué du gouvernement est de retirer totalement les armes du cadre privé. A leur égard, Obama empile des termes durs pour qualifier leur attitude : « La NRA ne veut pas discuter, ils n'ont même pas voulu venir ici ce soir débattre avec moi alors qu'ils sont en ce moment même en train de protester en bas dans la rue. Et le Congrès ne souhaite pas que nous discutions d'un tel projet de loi. En réalité 90% des membres du Congrès sont d'accord avec moi sur cette réforme, mais ils tiennent un discours inverse parce-qu'ils veulent être réélus et qu'ils ont peur pour leur place. »
Les larmes d'Obama, lors de l'évocation du massacre survenu dans une école primaire
Voilà quelques jours, Barack Obama avait ému toute l'Amérique par ses silences entrecoupés de larmes, alors qu'il évoquait la tuerie dans une classe de primaire de l'école de Sandy Hook en 2013. « Nous devons tous demander au Congrès de faire preuve de courage et de se lever contre les mensonges du lobby des armes », avait-on pu l'entendre dire alors lors d'une allocution télévisuelle depuis la Maison-Blanche.
Le président américain, qui semble particulièrement tenir à ce nouveau projet de loi, avait pu déployer ce jour-là toute l'étendue de sa rhétorique : « Si nous pouvons faire en sorte qu'un téléphone soit inaccessible sans la bonne empreinte digitale, pourquoi ne pourrons-nous pas faire la même chose avec nos armes ? On peut retrouver une tablette perdue... Il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas faire de même avec une arme volée. Puisqu'un enfant ne peut pas ouvrir une boite d'aspirine, nous devrions aussi faire en sorte qu'il ne puisse pas appuyer sur la gâchette d'une arme à feu. »
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