Pokerstars : "nous partirons de France si la taxe ne baisse pas"

Alexandre Laurent
Publié le 29 juin 2011 à 20h01
Pokerstars finirait par se retirer du marché français si les conditions fiscales réservées aux opérateurs de jeux d'argent et de hasard (JAH) en ligne n'évoluent pas, a laissé entendre mercredi matin son directeur général, Alexandre Balkany à l'occasion des deuxièmes Assises organisées par le Geste à destination des acteurs du secteur. Qu'il s'agisse des paris sportifs, des courses hippiques ou du poker en ligne, les différents opérateurs présents soulignent les difficultés que leur pose la stricte régulation française.

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Dédiée aux opérateurs, la première table ronde organisée lors des deuxièmes assises des jeux d'argent en ligne organisées par le Geste aura donné lieu à quelques vifs échanges entre acteurs issus des monopoles historiques (Française des Jeux, PMU) et nouveaux venus nés en ligne. Il faut dire que si le marché des jeux d'argent et de hasard en ligne a connu un démarrage en fanfare à l'occasion de la coupe du Monde 2010, le soufflé est depuis quelque peu retombé.

Tous les indicateurs étaient pourtant au vert pour que se développe en France un marché des jeux d'argent particulièrement sain : mesures réglementaires visant à interdire l'accès aux sites étrangers aux millions de joueurs Français qui les fréquentent, nombreuses mesures visant à lutter contre la dépendance ou à protéger les mineurs, mise en place d'une autorité dédiée, etc.

Depuis la promulgation de la loi dédiée et la création officielle de l'Autorité dédiée aux jeux d'argent en ligne (Arjel), quelque 9,5 milliards d'euros ont été misés en France auprès des 35 opérateurs agréés, dont 8 milliards d'euros pour le seul poker. Bien qu'impressionnants au premier regard, les premiers chiffres se révèlent tout de même en deçà des attentes, d'autant que la forte croissance des débuts laisse aujourd'hui place à la stagnation pour ce qui est du poker, voire même à la récession du côté des paris sportifs.

« 45 minutes pour ouvrir un compte »

Mercredi, tous s'accordaient à dire que le marché est d'ores et déjà victime de son manque de variété, avec deux déclinaisons du poker tolérées et un refus total du pari handicap, pourtant à même de sérieusement dynamiser l'offre d'un bookmaker. « L'ouverture des jeux de casino en ligne aurait permis de livrer une offre plus attrayante », affirme par exemple Antonio Constanzo, de Bwin.

Si tous admettent l'intérêt des mesures visant à interdire aux joueurs dépendants ou aux mineurs l'accès au jeu en ligne, les opérateurs regrettent tout de même le décalage entre ce que prévoit la France et ce que peut trouver l'internaute à l'étranger. « Il faut quarante-cinq minutes pour ouvrir un compte chez nous », explique Alexandre Balkany, « résultat on perd 50% des joueurs à l'inscription » ! Et il n'y a pas que sur le terrain des formalités administratives que la concurrence serait déloyale.

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« Plus ils jouent, plus on perd de l'argent »

La loi française impose que soit plafonné à 85% le TRJ, ou taux de retour aux joueurs, soit la part maximale des mises pouvant être redistribuée aux parieurs, or plus le TRJ est élevé et plus les cotes ou les gains d'un tournoi peuvent être attractifs. Se pose ensuite le problème de la fiscalité, variable selon l'activité concernée (2% sur les mises du poker, 14,4% sur le pari hippique hors PMU).

« Aujourd'hui, on est sur un modèle économique qui n'est pas viable. Plus on recrute des joueurs, plus ils jouent et plus on perd de l'argent. Si la taxe ne baisse pas, on sortira du marché, je ne vois pas comment on pourrait faire autrement ! », affirme Alexandre Balkany, qui milite par ailleurs pour que la fiscalité porte sur le produit brut dégagé par l'opérateur plutôt que sur les mises proprement dites. < Dans le pari hippique, on a un TRJ plafonné à 85%. Avec 14,4% de taxes, on se retrouverait avec une marge brute de 0,6% si on appliquait le taux max », surenchérit Emmanuel de Rohan-Chabot, de ZeTurf.

La loi prévoit une clause de revoyure

La situation n'est pourtant pas figée, puisque la loi qui encadre les jeux d'argent en ligne prévoit une clause de revoyure. Présent lors de ces Assises, François Trucy, sénateur et président du tout jeune Comité consultatif des jeux, suit la question de près, tout comme les députés Aurélie Filippeti et Jean-François Lamour, auteurs d'un volumineux rapport d'information sur le sujet (PDF, 203 pages). Les politiques constatent eux aussi l'érosion du marché français, signe d'une désaffection pour le jeu en ligne ou... d'un retour des joueurs vers les sites étrangers pourtant illégaux. Certaines de leurs conclusions rejoignent d'ailleurs celles des opérateurs. Ainsi, le rapport parlementaire Filippeti - Lamour préconise-t-il une taxation sur le produit brut, ou l'augmentation du TRJ.

Pour autant, le salut législatif ne sera pas immédiat. « Remettre un nouveau projet de loi voudrait dire reprendre tout le débat politique et technique, explique le sénateur Trucy. Obtenir quelques mesures dans le domaine législatif serait possible, et le seul moment où ce serait possible, vu le calendrier chargé, serait dans le cadre de la loi de finances 2012, à l'automne ». A quelques mois de l'échéance présidentielle, le programme devrait toutefois se révéler chargé. Reste donc la possibilité de jouer sur le levier réglementaire. « Un décret peut suffire, et pour cela il peut suffire d'être convaincant », plaisante le sénateur. All in, les lobbyistes ?
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