Les plateformes de médias sociaux, visées par plusieurs plaintes liées à des actes terroristes, restent protégées par une loi datant des années 90 qui leur ôte toute responsabilité pénale vis-à-vis de ce que leurs utilisateurs publient.
C'est une grande victoire pour les géants du web, qui sont pourtant de plus en plus critiqués par la société. Alors, combien de temps cette situation pourra-t-elle durer ?
Les réseaux sociaux responsables d'attentats ?
Facebook, Twitter et Google se sont retrouvés face à la justice américaine après avoir été accusés d'avoir participé à la propagande de l'État islamique. Des victimes d'attentats terroristes ont porté plainte dans deux affaires distinctes, estimant que ces entreprises ont fait preuve de laxisme à l'égard de contenus qui auraient conduit des individus à se radicaliser.
D'une part, ce sont les parents d'une jeune Américaine tuée lors des attentats du Bataclan qui attaquent YouTube et sa maison mère. Pour eux, la plateforme aurait soutenu le développement de l'organisation terroriste en suggérant ses vidéos à certains utilisateurs. D'autre part, les proches d'un jeune homme victime d'un attentat orchestré contre une boîte de nuit à Istanbul estiment que Facebook, Google et Twitter seraient complices de l'acte. Orchestré lors des célébrations du Nouvel An, en 2017, il a été revendiqué par l'État islamique.
Dans les deux cas, c'est la Cour suprême qui a été amenée à rendre son verdict : les géants du web n'ont ici aucune responsabilité. Pour le juge Clarence Thomas, « le fait que de mauvais acteurs profitent de ces plateformes ne suffit pas à assurer que les accusés ont consciemment fourni une aide substantielle ».
L'effondrement de l'économie du numérique ?
L'institution judiciaire s'est appuyée sur une loi datant de 1996, qui accorde une immunité juridique aux entreprises du numérique par rapport aux contenus publiés par leurs utilisateurs. Les géants du web sont donc considérés comme des hébergeurs et non comme des éditeurs. Pourtant, en plus de deux décennies, la société et Internet ont changé, et les réseaux sociaux sont de plus en plus pointés du doigt pour leur responsabilité vis-à-vis de la société et leur modération parfois discutable.
Pour des élus américains, la situation doit évoluer. En effet, les membres du Parti démocrate jugent que les plateformes de médias sociaux ont tendance à laisser prospérer des messages racistes ou conspirationnistes. Ce qui est d'autant plus grave quand celles-ci commencent à tirer un bénéfice financier de ce type de contenu qui peut rapidement acquérir une certaine popularité. Mais, le consensus n'est pas tout à fait au rendez-vous au pays de l'Oncle Sam, où les Républicains avaient vivement critiqué la censure perpétrée par les géants du web lorsque Donald Trump avait été banni de plusieurs plateformes, dont Twitter.
Pour le juge John Roberts, changer la loi pourrait avoir d'autres effets négatifs, comme « faire s'effondrer l'économie numérique, avec toutes sortes de conséquences pour les travailleurs et les fonds de pension ». Entre liberté d'expression et protectionnisme à l'égard des travailleurs, la Cour suprême aurait donc de bonnes raisons pour éviter tout changement susceptible de modifier la situation actuelle.
Et, ce n'est pas le secteur de la tech qui va contester cette affirmation, puisque ses représentants se félicitent pour cette décision. D'autant plus que, selon Chris Marchese, avocat d'un collectif d'entreprises telles que Twitter, Meta et Google, « même avec les meilleurs systèmes de modération disponibles, un service comme Twitter ne peut pas filtrer chaque contenu généré par l'utilisateur avec une précision de 100 % ». Pas sûr que tout le monde soit toujours convaincu…
Source : Le Parisien, Reuters