La branche française de l'encyclopédie en ligne pense que la loi AVIA n'effacera pas les problèmes de la société, mais ne fera que les masquer. Elle serait, en gros, l'arbre qui cache la forêt de la haine sur Internet.
Le 9 juillet dernier, la loi AVIA, visant à lutter contre la haine sur Internet, fut largement adoptée par l'Assemblée nationale, avec 433 voix pour, 33 contre et 69 abstentions. Le point phare de la loi, proposée par la députée de la majorité Laetitia AVIA en mars 2019, réside dans son article 1er, qui impose une obligation de retrait des contenus haineux et illicites sous 24 heures. En cas de non-respect, la plateforme concernée est susceptible de se voir adresser - si manquements répétés il y a - une amende de 4 % sur son chiffre d'affaires annuel. La loi, qui va être examinée par la commission des lois du Sénat le 11 décembre, ne séduit pas Wikimédia, l'association qui milite pour le libre partage de la connaissance au travers des projets Wikimédia (Wikipédia, le Wikitionnaire, Wikimédia Commons, Wikidata, etc.).
Wikimédia pointe le vandalisme de la plateforme Wikipédia causé depuis les établissements scolaires
La célèbre encyclopédie en ligne, devenue l'un des piliers d'Internet, s'inquiètent des « conséquences de cette course-poursuite pour effacer au plus vite les contenus manifestement illicites », et se demande si nous allons assister à « une baisse ou une hausse de la haine en ligne ? ». La loi semble en tout cas favoriser l'immédiateté du retrait du contenu haineux, plutôt que la justice.La Russie en passe de créer un clone de Wikipedia comportant "des informations fiables"
Pour le justifier, Wikimédia livre une étude de cas de la plateforme, « très vandalisée », selon ses propres termes. L'encyclopédie universelle nous explique que dans la grande majorité, les traces de ce vandalisme sont effacées sans que le public n'y prête attention. Dans de nombreux cas, ces incursions ont lieu depuis des établissements scolaires, comme des collègues ou lycées. « Face à cela, la réaction a été d'effacer le plus vite possible ces problèmes, sans lutter contre la cause », fait remarquer Wikimédia.
La crainte d'une loi aux effets pervers
Wikipédia possède une équipe de bénévoles chargés de surveiller les modifications et créations de pages, de réparer les articles, d'alerter les rédacteurs mais aussi de bloquer et de bannir au quotidien, sans le scander en public. « Et ce, depuis des années », note-t-elle.La plateforme est devenue, malgré elle, un annuaire d'adresses IP d'établissements scolaires (13 259 adresses pour la version francophone de Wikipédia). « En analysant les 500 blocages intervenus entre le 25 et le 29 novembre, on dénombre 54 blocages d'IP scolaires », rapporte l'équipe de l'encyclopédie.
Un cofondateur de Wikipédia veut lancer un réseau social financé uniquement par des dons
Blanchiment d'article, insulte et dénigrement envers le personnel d'un établissement scolaire, règlement de comptes avec un camarade... les établissements scolaires sont essentiels à Wikipédia, qui mène avec eux de multiples expériences pédagogiques, mais ils demeurent une source réelle et sérieuse de vandalisme, méconnue du grand public.
Et ce que nous explique Wimipédia, c'est que la loi AVIA n'y changera rien et pourrait même accroître la haine en ligne, « encouragée par l'absence de poursuites de l'auteur et le masquage des messages », justifie-t-elle. Car au final, les contenus sont souvent effacés rapidement, étant invisibles pour le public. « Seuls quelques techniciens connaîtront l'envers du décor et le véritable état de notre société », indique la plateforme, presque fataliste.
Source : Wikimedia