Robots et emploi : le risque du "chômage technologique"

Alain Clapaud
Publié le 17 mai 2016 à 08h37
Les robots creusent-ils le chômage ou sont au contraire des moyens de créer des nouveaux emplois ? Pendant un mois, la rédaction de Clubic enquête sur ce mouvement de fond, et vous livre chaque semaine une partie de la réponse.

La robotique, et plus largement le numérique, vont avoir un impact très important sur l'emploi de tous les pays industrialisés. Les emplois vont changer de nature, leur répartition géographique va être bouleversée mais, plus généralement, c'est le salariat qui va être profondément remis en cause dans les prochaines années.


Les économistes ont baptisé le phénomène le « chômage technologique ». Des emplois supprimés du fait des progrès techniques. Ce fut le cas pour les canuts, les palefreniers et, plus récemment, de nombreux postes d'ouvriers non qualifiés dans les usines automobiles ont été remplacés. Seront concernés demain des postes dans le tertiaire, qu'ils soient peu qualifiés comme les caissiers de supermarchés, mais aussi dans les centres d'appel ou les conseillers bancaires.

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Des métiers jusqu'ici à l'abri de la robotisation, comme la logistique, peuvent être automatisés par des drones ou des robots comme le Dominos DRU livreur de pizza.


Pour Romain Lucazeau, Senior Project Manager chez Roland Berger Strategy Consultants le phénomène va bien au-delà de la robotique seule : « A long terme, il y a une probabilité forte d'automatisation de 42% des emplois que l'on connait aujourd'hui. Cela ne dit pas que ces emplois vont directement disparaître, ce sont des postes qui vont être fortement automatisés. La digitalisation, dont la robotique n'est qu'un aspect, mais qui englobe aussi le commerce en ligne, le self-service, etc. »

De multiples fonctions vont connaitre des gains de productivité spectaculaires, comme ce fut le cas lors des précédentes révolutions industrielles. Cette révolution du numérique va s'étendre à de très nombreux métiers industriels, d'exécution, dans l'agriculture et dans les services. Des métiers qui, jusqu'à aujourd'hui n'étaient pas automatisables, qui vont l'être de plus en plus à l'image des métiers de la livraison, de la logistique. Des robots participent à la préparation des commandes dans les entrepôts d'Amazon et de multiples projets de drones et robots de livraison sont en phase de test partout dans le monde.

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Le numérique et la robotique ne vont pas toucher uniquement que le secteur industriels ou le secteur primaire. Des métiers tels que le juridique, l'audit vont être touchés par le Big Data et des gains de productivités significatifs.


Personne ne peut dire dans quelle mesure la création de nouveaux postes pourra compenser les millions d'emplois bousculés par le numérique. « Nous allons assister à une migration de fonctions de front office vers des activités de conseil, pertinentes dans la relation avec le public », considère Romain Lucazeau. « Les bots conversationnels répondent très bien aux questions simples de premier niveau et une masse de gens qui font aujourd'hui du front office vont devoir migrer vers des activités à plus haute valeur ajoutée. »


Même des métiers très qualifiés comme le médecin généraliste va être aidé par des logiciels dans leur diagnostic avec des intelligences artificielles comme IBM Watson déjà utilisé aux Etats-Unis pour diagnostiquer des cas de cancer. « Cela ne veut pas dire qu'il y aura moins de médecins, mais ceux-ci auront le temps de parler avec leurs patients ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, faute de temps », estime l'analyste.

Les mécanismes de redistribution de la richesse ne fonctionnent plus

Si on regarde en arrière les précédentes révolutions industrielles, celles-ci ont supprimé des emplois, mais ont créé suffisamment de nouveaux emplois en parallèle. Le niveau de vie des gens s'est ainsi nettement accru dans les pays industrialisés.

« A chaque transformation économique importante, comme l'histoire en a connu quatre en moins de trois siècles, on observe que d'une part, les emplois ne sont plus les mêmes et qu'ils ne sont plus localisés aux mêmes endroits. Quand on arrête d'acheter des livres au libraire dans la Creuse, votre libraire va fermer, mais un emploi sera créé dans un centre logistique d'Amazon ». Ces changements, aujourd'hui très rapides, vont poser des problèmes d'adaptation considérables aux salariés, d'autant que les moteurs de la redistribution de la richesse semblent aujourd'hui beaucoup moins efficaces que par le passé.

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Panasonic a créé un robot spécialisé dans les shampoings


« Les nouveaux business sont peu intensifs en termes d'emploi, notamment en emplois peu qualifiés. Ainsi dans le secteur automobile, 1 million d'euros de chiffre d'affaires supplémentaire représente quatre emplois nouveaux. Dans le BTP, cela crée 15 à 16 emplois. Dans le numérique, c'est deux emplois seulement. Le modèle où l'économie crée de la valeur, puis on augmente le SMIC pour la redistribuer, ne fonctionne plus comme ce fut le cas avant ». Ainsi, les Etats-Unis connaissent un certain retour de la croissance du PIB et de la productivité, une croissance qui n'a pas d'impact direct sur le niveau de vie des Américains.

Le numérique va-t-il tuer le salariat ?

Pour Romain Lucazeau, l'impact de cette révolution numérique sur l'emploi est déjà bien réel : « Une partie de la population est en train de sortir du paradigme du salariat pour aller vers le paradigme de l'activité. Cela signifie que l'on va devoir cumuler plusieurs emplois, que l'on va mener plusieurs activités différentes au cours de sa vie. » Le modèle du salarié à vie va peu à peu s'estomper pour aller vers un modèle où le travailleur devra sans cesse trouver des employeurs, un monde beaucoup plus exigeant et dont le chauffeur Uber est l'archétype.

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« C'est un vrai défi collectif » reconnait l'analyste. « Si on regarde le marché du travail japonais et le mythe de l'emploi à vie, on se rend compte que c'est aujourd'hui un pays dual où l'on trouve effectivement des salariés à vie dans les grandes entreprises mais pas seulement. Ceux-ci représentent environ 60% des employés. Ils sont prêts à baisser leurs salaires quand l'activité est moindre afin de conserver leur emploi. Par contre, 40% de la population active n'est pas salariée mais dans ce paradigme de la multi-activité, de l'auto-entreprenariat. Cette composition d'activités changeantes sera de plus en plus la réalité du marché de l'emploi. »

Cette enquête soulève de nombreuses interrogations. La semaine prochaine, la rédaction de Clubic abordera l'impact de la robotique sur la compétitivité des secteurs et des entreprises concernées.

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