L'entrepôt américain de Staten Island a été le théâtre de 13 000 avis disciplinaires, qui témoignent de l'intense surveillance dont les salariés sont victimes.
Si aujourd'hui la syndicalisation a fait son entrée dans certains entrepôts Amazon américains, les documents consultés par Reuters et divulgués par le géant à la suite d'une affaire en justice montrent à quel point les travailleurs de l'entreprise peuvent être malmenés, soumis à une pression intense et bénéficiaires d'un droit à l'erreur finalement quasi nul, voire inexistant.
Des réprimandes adressées aux employés dès lors qu'ils sont juste en deçà de la productivité attendue
En réponse à une plainte de l'Amazon Labor Union (ALU), le syndicat professionnel indépendant créé en 2021 et dédié aux salariés de l'entreprise, Amazon a dû dévoiler des documents liés au licenciement d'un employé emblématique de l'entreprise. Il s'agit de Gerald Bryson, co-fondateur du mouvement et licencié « illégalement », selon la justice, par la firme en 2020.
Les documents internes témoignent des mesures très régulières des performances des employés faites par Amazon, qui étudiait leurs activités dans les moindres détails et pouvait même réprimander les salariés se trouvant juste un tout petit peu en deçà des attentes. Gerald Bryson a par exemple appris qu'il serait renvoyé de l'entrepôt de Staten Island (New York), l'un des plus grands d'Amazon, s'il se trompait six fois ou plus en une année dans le comptage des produits.
Entre avril 2019 et avril 2020, moment où Bryson fut licencié, les documents fournis par Amazon font état de 13 000 avis disciplinaires émis à l'encontre des employés de l'unique site de Staten Island, qui comptait à l'époque 5 300 âmes. Certains furent par exemple établis pour un salarié n'ayant atteint que « 94 % de l'objectif de productivité de l'entreprise, au lieu de 100 % », ou pour un autre ayant fait « quatre erreurs en saisissant les articles commandés par les acheteurs au cours de la même semaine », alors que ce dernier employé avait validé, avec succès, 15 800 marchandises pour les clients avant cela.
La syndicalisation progresse, Amazon fait des efforts
Ce qui ressort des dossiers et entretiens réalisés, c'est l'énorme pression exercée sur les travailleurs de la plateforme de commerce en ligne Amazon, avec des exigences particulièrement élevées de l'entreprise qui ont directement contribué à alimenter l'effort de syndicalisation partout aux États-Unis. Le 1er avril dernier, l'entrepôt de Staten Island est devenu le premier officiellement syndiqué reconnu par le National Labor Relations Board (NLRB), agence gouvernementale américaine qui est l'équivalent de l'inspection du travail. Même Joe Biden avait soutenu cette initiative.
Amazon explique, de son côté, faire plus d'éloges que de critiques de ses employés tout au long de l'année, « pour les aider à réussir et nous assurer qu'ils comprennent les attentes », indique l'entreprise. Le NLRB lui-même a reconnu que la firme a tout fait pour se mettre en conformité avec le droit du travail.
Au printemps, le juge administratif américain a affirmé que le licenciement de Gerald Bryson, qui fut filmé en train d'insulter un collègue lors d'une manifestation (un acte pris comme une tentative d'intimidation par Amazon), n'était pas légal, ordonnant ainsi à Amazon de le réintégrer. Et si le e-commerçant a fait appel, Bryson lui-même ne semble pas partant à travailler de nouveau pour le mastodonte, même s'il affirme qu'une victoire pourrait montrer aux autres salariés « qu'ils peuvent se battre ».
Source : Reuters