Accusés d'être trop puissants et monopolistiques, les patrons de Google, Apple, Facebook et Amazon ont répondu aux questions et invectives des membres du Congrès, mercredi.
Sundar Pichai (Alphabet, maison-mère de Google), Tim Cook (Apple), Mark Zuckerberg (Facebook) et Jeff Bezos (Amazon) ont pris part, à distance certes mais sous serment, à une audition historique, mercredi 29 juillet. Les dirigeants des quatre géants du numérique, pesant à eux seuls environ 5 000 milliards de dollars, ont répondu aux questions de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, au terme d'une enquête sur de potentiels abus de position dominante, qui aura duré un an.
Google, ouverte à l'idée « d'examiner certaines situations »
Durant plus de cinq heures, un peu à la façon des boxeurs, Pichai, Cook, Zuckerberg et Bezos ont encaissé les coups, certains plus durs que d'autres, et plus marqués notamment pour les patrons de Google et de Facebook. L'audition de ce mercredi, qui n'avait pas de portée juridique immédiate, était destinée à confronter les grands acteurs du numérique américain et mondiaux face aux pratiques monopolistiques et anticoncurrentielles auxquelles ils s'adonnent depuis plusieurs années. Débutons ce tour de table par Google et Facebook, qui concentrent la grande majorité des recettes publicitaires numériques.
La décla' 💪
Dès les premières minutes de l'audition, David Cicilline, Président démocrate du sous-comité sur la concurrence, s'est montré très actif et n'a pas hésité à mettre sous pression les quatre leaders.
« Les pratiques utilisées par ces entreprises […] découragent l'entrepreneuriat, détruisent des emplois, augmentent les coûts et dégradent la qualité », a-t-il déclaré en visant les GAFA. « Elles ont trop de pouvoir ».
Le représentant David Cicilline a commencé par rappeler que Google était devenu le portail d'accès à Internet, tout en précisant que l'entreprise « abuse de son pouvoir », la comparant à un « jardin clôturé ». Pour le législateur, « Google s'assure, quasiment, que toute entreprise qui veut être trouvée en ligne doive payer une taxe à Google ».
En réponse à ces propos et à d'autres questions, qui concernaient par ailleurs la liberté ou non que s'accorde Google de déclasser telle ou telle entreprise de son moteur de recherche (comme la plateforme d'avis des internautes Yelp), Sundar Pichai, le président-directeur général du géant et de sa maison-mère Alphabet, a indiqué qu'il serait ravi d'examiner diverses situations, et d'y revenir. Gêné et bousculé, Pichai a ouvert une porte.
Interrogé ensuite par le camp républicain, qui redoute que Google prenne parti pour Joe Biden pour l'aider à se faire élire face à Donald Trump, Sundar Pichai a promis une totale équité de son entreprise. « Nous soutenons les deux campagnes. Nous abordons notre travail de manière non partisane », a-t-il répondu.
Zuckerberg, gêné face à des mails prouvant sa vision d'Instagram comme une « menace » juste avant son rachat
Du côté de Facebook, le principal intérêt des membres de la commission était d'entendre Mark Zuckerberg au sujet des grosses acquisitions du roi des réseaux sociaux, Instagram en tête. Jerry Nadler, le président de la commission, estime que Facebook a vu en Instagram une menace, et que c'est pour cette raison que le réseau social de la photo a été racheté par Facebook en 2012.
Sur ce sujet, le Congrès américain a confronté Mark Zuckerberg à des mails échangés en interne, en 2012, dans lesquels il jugeait véritablement Instagram comme étant bien une « menace ». Deux mois plus tard, le rachat était effectif. Hésitant et cherchant parfois ses mots, le boss de Facebook a répondu qu'à l'époque, Instagram n'était qu'une petite et banale application de partage de photos.
Le « Zuck » a aussi admis avoir « certainement adapté des fonctionnalités que d'autres ont pu introduire », au moment de répondre à la représentante démocrate Pramila Jayapal, qui cherchait à savoir combien d'entreprises Facebook a pu plagier ces dernières années. « Je ne sais pas », lui a simplement répondu le principal intéressé, qui semblait tendu.
Bezos ne nie pas un accès aux données des vendeurs tiers d'Amazon par ses employés
Le fait que Jeff Bezos soit auditionné par les membres du Congrès était particulièrement intéressant. C'est en effet la première fois que le fondateur et patron d'Amazon prenait part à l'exercice. Et quelle première ! Pendant près d'une heure, l'entrepreneur aura brillé par… son absence. Et c'est souvent très décontracté et sûr de lui que le dirigeant a répondu aux questions de la commission.
S'il fut moins échaudé que Mark Zuckerberg et Sundar Pichai, celui qui est à la tête du géant mondial du e-commerce s'est quand même vu demander si son entreprise utilisait les données des vendeurs de sa marketplace pour prendre des décisions commerciales, se basant sur les récentes révélations du Wall Street Journal, qui avait relayé les dénonciations d'anciens employés de la firme qui affirmaient qu'Amazon se servait des données des revendeurs pour proposer ses propres produits en meilleure place et à des tarifs plus intéressants.
Étonnement, et sans sourciller, Jeff Bezos n'a pas (complètement) botté en touche, en ne niant pas les allégations. Toutefois, le milliardaire a indiqué que l'entreprise prendra des mesures contre celles et ceux qui auront violé la politique de l'entreprise.
Tim Cook, épargné mais pas oublié
S'il n'a pas eu droit à des questions aussi déstabilisantes que les trois autres dirigeants, Tim Cook, le P.-D.G. d'Apple, a tout de même dû apporter des réponses concernant l'App Store. La boutique est accusée par certains développeurs de modifier de façon arbitraire ses règles et ainsi de privilégier certains outils à d'autres. Cook a alors assuré que les règles « s'appliquent de la même manière à tout le monde ».
Sur la réduction des commissions versées par les développeurs accordée à certaines entreprises plus précisément, comme Amazon Prime ou Baidu, le président-directeur général de la firme à la pomme a réitéré sa précédente réponse. Enfin, il s'est tu sur la collecte de données de l'App Store, qui permettrait à Apple de développer des applications spécifiques, ne se sentant pas suffisamment à l'aise sur le dossier.
Les vacances seront studieuses pour les membres de la commission, qui pourraient remettre leur rapport sur les accusations de pratiques antitrust à la fin de l'été ou, au plus tard, au début de l'automne. Des propositions de réglementation de l'activité des GAFA devraient y figurer.