La firme à la pomme ferait pression pour bloquer une loi soumise par le Congrès américain, visant à faire cesser le travail forcé dont bénéficient des entreprises américaines.
C'est une question humaine de premier ordre à laquelle Apple tenterait de s'opposer. Nos confrères du Washington Post rapportent que l'entreprise qui a popularisé l'iPhone tenterait de faire capoter un projet de loi déposé par deux membres du Congrès américain, dont l'objectif serait d'empêcher le travail forcé en Chine. La firme de Cupertino serait tiraillée entre sa position sur les droits de l'homme et ses impératifs commerciaux.
82 marques mondiales bénéficieraient des efforts de travailleurs forcés ouïghours
Avant d'aller plus loin et d'évoquer ce lobbying auquel se livrerait Apple, il convient de resituer le contexte de ce qui se passe à des milliers de kilomètres de la France et des États-Unis. En février 2020, l'Australian Strategic Policy Institute (ASPI ou Institut australien de politique stratégique), un think tank indépendant, avait publié un rapport explosif affirmant que le gouvernement chinois a facilité le transfert de plusieurs dizaines de milliers de Ouïghours hors de leur région autonome du Xinjiang entre 2017 et 2019, pour les faire travailler au sein de multiples usines réparties dans l'empire du Milieu.
Selon l'ASPI, 82 marques mondiales bénéficieraient de ces travailleurs forcés, parmi lesquelles Nike, Samsung, Huawei, Sony, BMW, Gap, Volkswagen et… Apple.
Une partie de ces travailleurs (dont le nombre serait en réalité bien plus important, certaines sources évoquant un million de Ouïghours et d'autres membres de minorités turco-musulmanes disparus) ont été envoyés dans des camps de détention, de « rééducation », où les violences à l'encontre de cette minorité musulmane, de plus en plus documentées par ailleurs, seraient monnaie courante. « Dans les usines éloignées de chez eux, ils vivent généralement dans des dortoirs séparés, suivent une formation organisée en mandarin et idéologique en dehors des heures de travail, sont soumis à une surveillance constante et il leur est interdit de participer aux célébrations religieuses », dénonce l'Institut. La Chine se livrerait à cette pratique depuis des années, dans le but de lutter contre la radicalisation prétendue des membres de cette minorité, persécutée.
Apple fait partie des entreprises qui profiteraient de la situation, sans réellement s'y opposer. Mais deux membres du Congrès américain veulent faire bouger les lignes.
Apple, une opposition direction VS lobby ?
Les élus américains à l'origine du projet de loi sur la prévention du travail forcé ouïghour veulent contraindre les entreprises américaines, dont une partie de la production est soutenue par les efforts de ces travailleurs contraints du Xinjiang et emprisonnés, à garantir qu'elles ne bénéficient plus de leurs services. Plusieurs rapports sur les droits de l'homme font désormais état de cas où du travail forcé ouïghour a clairement été identifié comme maillon de la chaîne d'approvisionnement d'Apple.
Le Washington Post affirme que les lobbyistes d'Apple s'activeraient pour au mieux affaiblir et au pire écarter le projet de loi. Ces derniers considéreraient qu'il existe un conflit entre les impératifs commerciaux du géant américain et sa position sur les droits de l'homme. Apple ne serait en tout cas pas la seule entreprise américaine à être opposée à ce texte.
La dernière position officielle connue d'Apple restait celle fournie par le patron du groupe, Tim Cook, en juillet dernier lors de son audition devant le Congrès. « Le travail forcé est odieux. […] Nous ne le tolérerions pas chez Apple », avait-il déclaré, promettant ainsi de « mettre fin à une relation fournisseur » si une telle pratique rattachée à l'entreprise était découverte. Un porte-parole de la firme à la pomme, Josh Rosenstock, a précisé qu' « Apple s'engage à garantir que tous les membres de notre chaîne d'approvisionnement soient traités avec dignité et respect », affirmant aussi partager l'idée des deux membres du Congrès « d'éliminer le travail forcé et de renforcer la législation américaine ».
Sources : Washington Post, Rapport de l'ASPI