L'Autorité de la concurrence, qui a infligé à Google une amende d'un demi-milliard d'euros, reproche au géant américain d'avoir passé outre ses multiples injonctions. En réponse, la firme de Mountain View estime avoir pourtant « agi de bonne foi pendant toute la période des négociations ».
Face à Google, l'Autorité de la concurrence a décidé de taper du poing sur la table. Mardi, le régulateur a rendu publique sa décision prise à la suite de celle du 9 avril 2020, par laquelle elle avait pu prononcer une liste de sept injonctions contre Google, au motif que son comportement sur le droit d'auteur et les droits voisins constituait un abus de position dominante. Le géant américain avait en effet décidé de façon unilatérale de ne plus afficher les extraits d'articles, photographies et vidéos des éditeurs (médias) qui ne lui en livraient pas l'autorisation gratuite.
En réponse à cette décision confirmée en appel (il n'y a pas eu de pourvoi en cassation), Google et les éditeurs français étaient entrés en négociations. Ces négociations furent infructueuses aux yeux du Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM), de l'Alliance de Presse d'information Générale (APIG) et de l'Agence France-Presse (AFP), qui avaient conjointement saisi l'Autorité de la concurrence fin août/début septembre dernier. Une saisine qui a abouti à la décision dont nous parlons aujourd'hui.
Google se voit reprocher un manque de bonne foi, d'informations et de neutralité
Après avoir épluché de nombreux e-mails, comptes rendus de réunion, etc. pendant des mois, l'Autorité de la concurrence affirme que Google a méconnu quatre des sept injonctions initiales, autour de trois thématiques principales : la bonne foi, les informations et la neutralité. Détaillons un peu tout cela.
Tout d'abord, pour la première injection, l'autorité administrative indépendante s'est intéressée à l'obligation de négocier de bonne foi dans les conditions fixées par le Code de la propriété intellectuelle, selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. Elle considère qu'en voulant déplacer le débat autour de son nouveau service Showcase et en ne s'attardant que sur les revenus issus des pages de Google Search, la société américaine a réduit « de façon injustifiée le champ de la négociation », puisque d'autres services Google peuvent générer des revenus pour les éditeurs.
L'injonction 2 portait, elle, sur l'obligation de communiquer aux éditeurs et aux agences de presse les informations nécessaires « à une évaluation transparente de la rémunération due », une obligation qui découle elle aussi de la loi sur les droits voisins. L'autorité de la concurrence estime que cette communication n'a été que « partielle » (les revenus générés par la partie moteur de recherche uniquement), « tardive » et « insuffisante ». L'Express et Libération ont contribué à faire remonter cette injonction, l'un pour défaut de communication de formules et données, l'autre pour un défaut d'éléments sur la construction de la fameuse rémunération.
L'injonction 5 posait une « obligation de neutralité sur les modalités d'indexation, de classement et de présentation des différents contenus protégés des éditeurs et des agences de presse sur les services de Google ». La firme de Mountain View a lié la négociation sur la rémunération pour l'utilisation actuelle des contenus protégés par le droit voisin à d'autres partenariats ayant une potentielle influence sur l'affichage et l'indexation des contenus des acteurs de presse. À cause de cela, elle a, pour l'autorité, violé son obligation de neutralité des négociations. L'autorité lui reproche d'avoir trop fortement incité les éditeurs à accepter les conditions contractuelles du service Showcase.
L'injonction 6, enfin, imposait une « obligation de neutralité des négociations relatives aux droits voisins vis-à-vis de toute autre relation économique qu’entretiendrait Google avec les éditeurs et agences de presse ». Pour l'autorité, la sortie de l'eau de Showcase pose toujours problème. Ce nouveau service, destiné à vanter une presse de qualité, n'existait en effet pas au moment où les mesures conservatoires ont été adoptées.
Google considère que la décision « ne reflète pas ses efforts »
Bien que des négociations aient eu lieu, l'Autorité de la concurrence trouve grave que Google se borne « à éviter ou à cantonner autant que possible le versement d'une rémunération aux éditeurs », de façon à utiliser le service Showcase et à recevoir des revenus supplémentaires issus des abonnements aux titres de presse, via une souscription au service Subscribe with Google (SwG), qui lui permet de percevoir un pourcentage sur les flux financiers perçus par les éditeurs au titre de l'abonnement souscrit.
Google a ainsi été sanctionné d'une amende de 500 millions d'euros assortie d'astreintes journalières pouvant atteindre 900 000 euros quotidiens si l'entreprise ne rectifie pas le tir d'ici 2 mois. Désormais, Google a l'obligation de présenter une offre de rémunération qui se conforme aux injonctions principales (1 et 2).
L'entreprise américaine s'est tout de même dit « déçue » par la décision de l'Autorité de la concurrence. « Nous avons agi de bonne foi pendant toute la période des négociations » estime-t-elle. « Cette amende ne reflète pas les efforts mis en place, ni la réalité de l’utilisation des contenus d'actualité sur notre plateforme. À date, Google est la seule entreprise à avoir annoncé des accords couvrant les droits voisins, et nous sommes sur le point de signer un accord avec l’AFP portant sur une licence globale ainsi que la rémunération au titre du droit voisin pour leurs publications de presse. »
Un accord imminent avec l'AFP
L'Agence France-Presse et Google nous informent, ce mardi, être en passe d'aboutir à un accord sur la question des droits voisins. « Les discussions avec Google ont bien progressé et nous sommes proches d'aboutir à un accord » a expliqué le P.-D.G. de l'AFP, Fabrice Fries. « La conclusion de ce dossier donnera une portée concrète aux efforts menés en France pour l'application d'une rémunération du droit voisin et ouvrira la porte à un partenariat mondial et durable avec Google. »
Le patron de Google pour la France, Sébastien Missoffe, a de son côté expliqué que l'accord portait sur une licence globale qui permettrait à Google d'utiliser les contenus de l'AFP dans ses produits et services, en l'échange d'une rémunération au titre du droit voisin, pour les publications de presse de l'agence.
Source : Autorité de la concurrence