© Sora Shimazaki/Pexels
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Entre liberté d'expression et protection de la vie privée, la Cour de Justice de l'Union européenne a tranché.

En donnant raison à deux plaignants qui souhaitaient faire supprimer des articles à leur sujet sur le moteur de recherche, l'Union européenne a choisi comme souvent de protéger la vie privée des Européens. Mais si cette décision fait jurisprudence, son adoption à grande échelle pourrait poser de nouveaux problèmes, notamment aux journalistes d'investigation.

Le contexte du jugement

À l'origine de cette affaire, deux cadres dirigeants d'une société d'investissement, mécontents d'articles convoyant des informations manifestement fausses à leur sujet. Mais leur demande de suppression des articles concernés s'est heurtée à un refus de Google, qui explique alors qu'elle ne sait pas si les informations qu'ils contiennent sont avérées ou non.

C'est un tribunal allemand qui a porté ce procès devant la Cour de Justice de l'Union européenne, lui demandant d'émettre un avis. Un avis qui serait forcément controversé : les défenseurs de la vie privée et du droit à l'oubli soutenaient forcément la demande des deux cadres, tandis que les avocats de la liberté d'expression craignaient les conséquences qu'un tel précédent pourrait avoir. Mais la CJUE a donné raison aux premiers : « L'opérateur d'un moteur de recherche doit déréférencer des informations qu'il présente à condition que la personne qui en formule la demande prouve que cette information est manifestement fausse ».

Les juges à l'origine de cette décision ont précisé que les utilisateurs qui faisaient de telles demandes ne devaient pas attendre de décision de justice pour que Google leur donne raison, mais simplement fournir des preuves que l'on peut raisonnablement leur demander de trouver.

Quelles conséquences pour les moteurs de recherche en Europe ?

Cette décision de justice est compréhensible, et peut même être salutaire pour des personnes dont la vie privée ou professionnelle souffre des informations que l'on peut trouver à leur sujet. Ainsi, les victimes de harcèlement ou de campagnes de désinformation peuvent espérer retrouver une vie numérique normale à la lumière de ce jugement.

Cependant, les conséquences de ce dernier restent largement à définir en fonction des moyens ou du processus que choisira Google d'appliquer pour s'y adapter. Il semble envisageable par exemple de voir des campagnes d'opinion, voire carrément de désinformation contourner les règles pour profiter de ce système. Quant aux journalistes, a fortiori les journalistes d'investigation, ils pourraient bien voir leur travail être déréférencé lorsqu'ils dévoilent des affaires qui n'ont pas été jugées ou ont été classées sans suite sans procès en diffamation.

Sources : Reuters, Silicon