La nouvelle « super-autorité » française audiovisuelle et numérique, l'ARCOM, a confirmé lundi l'étendue de son scope en matière de lutte contre la haine en ligne, affirmant qu'elle imposera de plus lourdes obligations auprès de divers opérateurs, réseaux sociaux et plateformes en ligne en France, donc beaucoup sont sollicités quotidiennement.
Dans le cadre de la réglementation et des obligations des plateformes en ligne en matière de lutte contre les contenus haineux, la France est sur le point d'entrer dans une nouvelle ère. Le décret appliquant l'article 42 de la loi du 24 août 2021 (sur le respect des principes de la République) a enfin été publié au Journal Officiel, le 16 janvier 2022. Ce dernier fait peser sur les plateformes en ligne de nouvelles obligations en matière de lutte contre les contenus haineux illicites et vient aussi encadrer les activités de modération de ces contenus. Mais attention, seuls les sites, réseaux, services et plateformes les plus importants sont concernés. L'ARCOM mènera une concertation auprès des plateformes visées durant ce premier trimestre 2022, et adoptera ses lignes directrices.
Haine en ligne : ce qui va changer
Le décret du 14 janvier 2022 est utile en ce qu'il nous livre le seuil de connexions à partir duquel les opérateurs de plateformes en ligne (et nous détaillons lesquels dans la deuxième partie de notre article) doivent concourir à la lutte contre la diffusion publique de contenus haineux illicites, sous l'autorité de l'ARCOM, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, née du rapprochement du CSA et de la Hadopi. Deux niveaux sont prévus par le texte.
- Les opérateurs de plateforme en ligne dont l'audience dépasse 10 millions de visiteurs uniques mensuels
Les acteurs qui dépassent ce seuil seront soumis à diverses obligations, comme celle leur imposant de coopérer avec les services répressifs. Ils devront aussi mettre en place des dispositifs de notification des contenus illicites et de traitement de ces dernières. Une obligation de transparence sur la modération des contenus sera aussi imputée aux plateformes. Un suivi est d'ailleurs prévu en 2022 d'ores et déjà.
- Les opérateurs dont l'audience dépasse 15 millions de visiteurs uniques mensuels
Outre les précédentes obligations, les opérateurs dépassant ce second seuil seront aussi contraints d'évaluer les risques de dissémination (de diffusion) des contenus illicites sur leurs services. Ils devront prendre des mesures pour lutter contre cette dissémination, sans pour autant porter atteinte à la liberté d'expression. Voilà un joli branle-bas de combat qui se profile.
Dans le cadre de ses nouveaux pouvoirs, l'ARCOM aura la possibilité de sanctionner les acteurs qui ne respectent pas ces multiples obligations à hauteur de 6 % de leur chiffre d'affaires mondial de l'exercice précédent, ou d'une amende de 20 millions d'euros.
Les acteurs (opérateurs, plateformes, services en ligne) concernés
Le décret évoque les « opérateurs de plateforme en ligne », mais derrière cette qualification juridique, on retrouve différentes familles d'acteurs en ligne. En premier lieu, ce dont nous avons parlé précédemment s'applique aux services de communication en ligne, c'est-à-dire aux moteurs de recherche, aux agrégateurs et aux comparateurs de prix. Ensuite, on retrouve les marketplaces, les places de marché au sens large (e-commerce ou places collaboratives de covoiturage et autres). Les boutiques d'applications sont concernées, tout comme les réseaux sociaux et les sites de partage de contenus. Ça en fait du monde !
Mais rappelez-vous, seules les plateformes dont le nombre de visiteurs uniques mensuels est supérieur à 10 millions relèvent de ces obligations, et cela réduit leur nombre. On peut tout de même affirmer que les réseaux sociaux Facebook, WhatsApp, Instagram, SnapChat, TikTok, LinkedIn, Pinterest ou Twitter seront concernés, tout comme les moteurs de recherche, boutiques, marketplaces et autres plateformes Google, YouTube, Google Play Store, l'Apple Store, Bing, Amazon, Fnac, AliExpress, Leboncoin, Microsoft, Cdiscount et tous les autres sites, plateformes ou médias qui peuvent héberger du contenu interactif, des commentaires et tout outil de communication, identifiables à l'aide du baromètre Mediametrie, par exemple.
Ces nouvelles dispositions, dont l'entrée en application est imminente, ne s'appliqueront que jusqu'au 31 décembre 2023, et pas au-delà. N'oublions pas qu'à cette date-là sera entré en vigueur le futur règlement européen sur les services numériques (le Digital Services Act, ou DSA), dont l'adoption est en bonne voie. Son entrée en vigueur prévaudra alors sur le texte français.