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La loi adoptée par le Sénat, qui s'adapte en réalité au droit de l'Union européenne, prévoit notamment le retrait des contenus terroristes diffusés en ligne dans l'heure suivant une injonction.

Après l'Assemblée nationale en février dernier, le Sénat a à son tour adopté, mardi, la proposition de loi permettant d'adapter dans le droit français les dispositions du règlement européen du 29 avril 2021, relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, en vigueur dans toute l'UE depuis le mois dernier. Les sages du Palais du Luxembourg sont venus en préciser les contours.

Les fournisseurs de services d'hébergement auront 24 heures pour supprimer les contenus terroristes en ligne

Ce règlement européen s'impose à tous les fournisseurs de services d'hébergement qui exercent au sein même de l'Union européenne, et ce, peu importe où ils sont basés. L'intérêt majeur est de rendre obligatoire le retrait de contenus terroristes diffusés en ligne dans l'heure qui suit une injonction délivrée.

Cette injonction doit être délivrée selon un modèle établi, par une autorité compétente que chaque État est libre de désigner. En France, la loi habiliterait l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) pour émettre des injonctions de retrait de contenus.

L'ARCOM, qui est déjà compétente pour superviser les moyens mis en œuvre par les plateformes en ligne dans le but de protéger les citoyens contre la haine en ligne et la désinformation, est ici désignée comme la personnalité (morale) qualifiée. En d'autres termes, l'ARCOM sera compétente pour mener un examen approfondi des injonctions de retrait transfrontalières.

Des sanctions élevées, mais l'épineuse question de la procédure transfrontalière

La commission des lois du Sénat a, il y a quelques jours, modifié le texte de façon à renforcer le rôle de personnalité qualifiée de l'ARCOM. L'autorité pourrait ainsi superviser toutes les injonctions de retrait émises par l'OCLCTIC. Les procédures de recours pour les fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus ont également été améliorées. Ces derniers auraient la possibilité de saisir, sous 48 heures, le président du tribunal administratif pour demander l'annulation d'une injonction de retrait. Le juge administratif aurait alors 72 heures pour répondre. Et dans le cas où l'ARCOM se prononce sur une injonction transfrontalière, les hébergeurs pourraient mettre en œuvre la même procédure de recours.

Un mot sur la procédure « transfrontalière »

Du moment qu'un fournisseur de services d'hébergement (comme Amazon, Google ou Microsoft pour ne citer qu'eux) exerce en Europe, il peut faire l'objet d'injonctions transfrontalières, et ce, quel que soit le pays où il est établi.

Si l'un d'eux venait à faire l'objet d'une injonction, celle-ci serait transmise à l'autorité compétente du pays où il a son établissement principal, afin de procéder dans un délai restreint à un examen approfondi de l'injonction. Mais l'autorité locale compétente conserve tout de même une certaine souplesse, et peut rétablir en ligne le contenu visé si elle estime que la demande venant de l'UE ne respecte pas les réglementations.

Pour rappel, en cas de non retrait d'un contenu faisant l'objet d'une injonction dans les 24 heures, l'OCLCTIC aurait la possibilité de faire bloquer, par les FAI, les adresses électroniques qui permettent l'accès aux contenus illicites, puis de les notifier auprès des moteurs de recherche, en vue de leur déréférencement.

Le fournisseur de services d'hébergement qui ne respecterait pas l'obligation de retrait de contenus terroristes dans l'heure pourrait s'exposer à un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende, une sanction pénale donc, qui si prononcée contre une personne morale, peut être portée à 4 % du chiffre d'affaires mondial annuel pour son volet financier. Un fournisseur qui n'informerait pas les autorités de tels contenus s'exposerait, lui, à trois ans d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende. La loi doit encore être discutée entre les deux assemblées, avant son adoption définitive.