Le réseau social a mis à profit son pouvoir et son influence pour faire pression contre la législation sur la confidentialité des données avec aux manettes la numéro 2 de Facebook : Sheryl Sandberg.
Sheryl Sandberg, chef des opérations de Facebook, a voulu que George Osborne soit plus actif dans sa lutte contre la législation européenne sur la protection des données, et mène une véritable opération de lobbying visant à clairement influencer la politique de l'UE, selon The Observer et Computer Weekly. Sheryl Sandberg est la numéro 2 de Facebook. George Osborne, lui, fut chancelier britannique de 2010 à 2016, chargé des finances et du trésor du Royaume-Uni. L'un des hommes les plus influents du pays donc.
La protection des données, une « bataille difficile »
Les documents consultés par les médias britanniques et fournis par le développeur d'applications Six4Three, qui a déjà dévoilé un partage des données utilisateur entre Facebook et des entreprises comme Netflix ou Lyft, révèlent une campagne mondiale de lobbying ciblant des centaines de régulateurs et législateurs du monde entier. Le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Inde, le Brésil, la Malaisie et l'ensemble des États de l'Union européenne sont concernés. Le principal document, une note interne datant de 2013 destinée au responsable de la communication de Facebook de l'époque, Elliot Schrage, dévoile divers outils de lobbying.Personnage ô combien important de Facebook pour avoir grandement contribué à son développement économique, Sheryl Sandberg souffre d'une réputation sulfureuse, mais conserve la confiance de son boss, Mark Zuckerberg. La numéro 2 de Facebook aurait considéré la directive européenne sur la protection des données (l'ancêtre du RGPD) comme une menace critique pour la société. Dès 2013 à Davos, celle-ci jugeait déjà les nouvelles lois en matière de confidentialité des données « trop normative », parlant d'une « bataille difficile » à mener en Europe.
L'Irlande, pilier de la stratégie européenne de Facebook
Alors entre en jeu l'Irlande. Facebook entretenait de cordiales relations avec le Premier ministre de l'époque, Enda Kenny, comme l'indique la note. Et le commissaire irlandais à la protection des données agissant pour le compte des 28 États membres de l'UE... cela permet de poindre le problème. Selon le mémo, Enda Kenny était carrément considéré comme « un ami de Facebook ».Facebook aurait encouragé Kenny à user de son aura - renforcée pendant la présidence irlandaise de l'Union européenne - pour influencer la directive sur la protection des données, avec succès. Si les grandes entreprises numériques ont été généreusement accueillies en Irlande, celles-ci ont visiblement fait du pays un vassal à leur service. Plusieurs hommes politiques, parmi lesquels des sénateurs américains et des commissaires européens, auraient favorisé le lobbying de Facebook. Le président indien Pranab Mukherjee et Michel Barnier, négociateur du Brexit et ancien ministre des présidents Chirac et Sarkozy, sont aussi cités, tout comme George Osborne.
Séduire les dirigeants et promettre des investissements
En 2013, Osborne avait sollicité Sheryl Sandberg afin que Facebook investisse dans le projet gouvernemental Tech City. En échange, la numéro 2 du réseau social américain lui demandait de devenir encore plus actif dans le débat sur la directive européenne relative aux données, et de lutter contre, ce à quoi George Osborne avait répondu favorablement.Dans le même laps de temps, Sandberg publie son livre En avant toutes : les femmes, le travail et le pouvoir, qui évoque la place des femmes dans le monde du travail et leurs perspectives. À l'époque, le livre est perçu comme un moyen de gagner les faveurs des législatrices et dirigeantes. Le géant Facebook voit alors Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la justice et bâtisseuse de la directive européenne sur les données, comme une responsable « pas fan » des entreprises américaines, et décrit une relation mutuelle « difficile ». George Osborne a alors proposé à Sheryl Sandberg d'organiser le lancement du bouquin au 21 Downing Street, connue pour être la résidence du Premier ministre britannique.
Les exemples de l'influence de Facebook ne manquent pas. Au Canada et en Malaisie, Facebook promettait de créer des emplois et d'y installer un data center en l'échange de garanties législatives. La firme est parvenue à faire céder les gouvernements. La morale de l'histoire nous indique que l'on prend toujours soin de ses amis.