La CNIL a émis une mise en garde concernant un amendement au projet de loi de réforme de la justice. Présenté par le groupe LREM et adopté le 6 novembre 2018, cet amendement prévoit l'élargissement du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) se montre particulièrement préoccupée de l'amendement qui prévoit d'élargir le Fichier national automatisé des empreintes génétiques, présenté un peu plus tôt ce mois-ci par le député LREM Didier Paris. Créé en 1998 et regroupant pas moins de 3 millions de profils génétiques, le FNAEG permet pour le moment une identification à l'aide des segments non codants d'ADN. Cette mise en garde intervient au moment où l'Assemblée Nationale doit débuter l'examen en séance du projet de loi de réforme de la justice.
Élargir les possibilités d'identification grâce à l'ADN codant ?
L'amendement en question prévoit d'élargir la possibilité d'identifier une personne via le FNAEG grâce à tout segment d'ADN, qu'il soit codant ou non-codant. Pour rappel, les segments non codants sont des empreintes ADN qui ne permettent pas de déterminer certaines caractéristiques génétiques telles que l'origine ethnique d'une personne. La CNIL explique que la limitation à l'ADN non codant est « précisément regardée comme une garantie essentielle de la proportionnalité du fichier ». L'élargissement à l'ADN codant ainsi que la possibilité d'effectuer des recherches en parentèle « soulève de nouveaux enjeux », selon elle. La recherche en parentèle permet aux enquêteurs de faire correspondre des profils existant dans le FNAEG avec des profils inconnus pouvant être prélevés sur des scènes de crimes en déterminant « le degré de parenté (ou son absence) entre deux échantillons ».Youssef Badr, porte-parole du ministère de la Justice, justifie la nécessité de ce nouvel amendement : « Plus le FNAEG utilise de segments d'ADN pour établir des empreintes génétiques, plus il renforce sa fiabilité et réduit les risques de comparaison positive entre deux empreintes qui n'appartiendraient pourtant pas à la même personne ». Le ministère estime par ailleurs que les progrès de la science rendent la distinction entre ADN codant et non codant « obsolète ».
La CNIL voit cette mesure d'élargissement d'un tout autre œil, et avertit des dangers inhérents à la modification du FNAEG : « Les mesures envisagées sont dès lors susceptibles d'entraîner des risques graves pour la vie privée et la protection des personnes pouvant être ciblées sur la base de correspondances génétiques partielles ou de similarités morphologiques ». Par ailleurs, la commission estime que « toute modification substantielle de ce fichier doit faire l'objet d'une réflexion approfondie et concertée ».
Un deuxième amendement pour interdire la conservation de l'ADN codant
Néanmoins, « pour dissiper toute inquiétude », Didier Paris a déposé un second amendement en séance. L'ajustement apporté ici concerne la conservation des ces informations génétiques dans le FNAEG : « Ne peuvent être enregistrées ou conservées dans ce fichier, y compris pour l'application de l'article 706-56-1-1, des informations relatives aux caractéristiques d'une personne résultant des segments d'acide désoxyribonucléique correspondant à son empreinte génétique, à l'exception de celles relatives à son sexe. »Seulement ce deuxième amendement ne fait nullement mention de la recherche en parentèle qui pourrait, indirectement, autoriser le fichage d'une bonne partie de la population. De plus, la version en vigueur du texte autorise uniquement la production de données à partir « de segments d'acide désoxyribonucléique non codants », là où l'amendement indique seulement vouloir interdire l'enregistrement ou la conservation au sein de la base de données.
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Source : Next Inpact