Quand la "carte grise" est utilisée pour le ciblage publicitaire

Thomas Pontiroli
Publié le 30 janvier 2015 à 13h30
Cela fait cinq ans que certains automobilistes français cèdent leurs données d'immatriculation à des sociétés privées. Maintenant, des publicités ciblées pourront leur être affichées sur Internet.

Peut-être avez-vous déjà remarqué avec quelle justesse les centres de contrôle technique anticipaient la date anniversaire de votre véhicule, en vous jetant le grappin dessus par voie postale. Ils connaissent donc votre adresse, votre nom, le modèle de votre auto, sa date de mise en circulation, etc. Cette prospection est possible depuis 2009, quand l'Etat a décidé de monétiser les données de la carte grise. Et elle va s'amplifier.


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Certificat d'immatriculation - Crédit : Fotolia.


Acxiom a annoncé, jeudi 29 janvier, qu'il allait se connecter à la base de données d'AAA-Data. Le premier, américain, est spécialisé dans le marketing depuis 40 ans. Il aide les annonceurs à « tirer le meilleur parti des données clients » pour « optimiser l'efficacité de leurs campagnes ». Le second, français, récolte les données d'immatriculation en France. Comme l'y autorise l'Etat, il les revend à des fins statistiques, et commerciales.

Très bientôt, Acxiom mettra ces données touchant quelque 23 millions de foyers et 75 millions de véhicules, à disposition de constructeurs automobiles, banques, assurances et autres. Vihan Sharma, le directeur général France d'Acxiom, explique que « les marques utilisent beaucoup de données liées à Internet pour cibler leurs campagnes mais là, nous leur fournissons des informations offline, et qui touchent une cible 100% réelle ».

Le résultat pour l'internaute prendra la forme, notamment, de bannières publicitaires affichées lors de sa navigation sur des sites Web et sur les réseaux sociaux. « Dans le cadre de campagnes d'acquisition ou de fidélisation, un assureur, comme une enseigne de contrôle technique, pourra s'appuyer sur ces données pour déployer des campagnes display ou sociales pertinentes », indique Acxiom dans un communiqué commun.

Est-ce une entrave à la vie privée ?

Les données restent « anonymes », promettent les deux parties. La plateforme de marketing récolte dans un premier temps les informations du système d'immatriculation des véhicules (SIV), et place les automobilistes « dans des segments ». Par exemple : un homme de 25 ans roulant en berline compact essence de 2012. En voyant ces profils (réels), les marques pourront adresser des messages ciblés à des internautes comparables. Comment ? En exploitant les informations présentes dans les cookies, ou auprès de sites Web partenaires.



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Extrait du formulaire de demande de certificat d'immatriculation d'un véhicule - Source : Fichier PDF.



Les deux sociétés avancent travailler avec un Correspondant informatique et libertés (Cil), soit l'interlocuteur entre l'entreprise et la Commission informatique et libertés (Cnil). L'autorité rappelle que les automobilistes, conformément à l'article R. 330-11 du code de la route, « peuvent s'opposer (...) à la communication à des tiers de leurs données, en vue de leur réutilisation à des fins d'enquête et de prospection commerciale ».

Acxiom souligne que les automobilistes « ont été informés au moment où ils ont entrepris leurs démarches d'immatriculation que les données peuvent être transmises et utilisées par les partenaires d'AAA-Data. Acxiom figure aujourd'hui parmi ces partenaires ». Quant à AAA-Data, il vante avoir été choisi par son partenaire « pour sa capacité à digitaliser de façon anonyme et sécurisée la connaissance » de ses bases de données.

Pour échapper à ce ciblage, les automobilistes doivent donc cocher la case prévue à cet effet sur le formulaire de demande d'immatriculation, ou contacter la préfecture de leur département. Mais au vu des statistiques d'AAA-Data, une majorité de personnes a laissé la case - volontairement ? - vide. Une plus faible proportion, sans doute, imaginait jusqu'où iraient les usages commerciaux de cette collecte, à rebours de l'open data.





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Par Thomas Pontiroli

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