La confidentialité, un concept qui n'a pas fait long feu en Inde. Dans une série de nouvelles lois ratifiées hier, le gouvernement de Narendra Modi a désormais les prérogatives l'autorisant à demander aux grandes plates-formes du Web l'identité de leurs utilisateurs.
Dans le détail, ce sont Facebook, YouTube, Twitter et TikTok qui, sur simple demande du gouvernement indien — et sans qu'aucun mandat ni juge ne soit impliqué —, devront céder toutes les informations en leur possession sur leurs usagers. Une réglementation autoritaire, qui n'est pas sans susciter des levées de boucliers.
Une loi qui passe mal
Dans les tuyaux législatifs depuis décembre 2018, cette loi (qui doit entrer en vigueur le mois prochain) n'est certainement pas au goût de tout le monde. À commencer par les plates-formes auxquelles on demande une coopération sans borne. L'Internet and Mobile Association of India, un groupement qui compte notamment parmi ses membres Facebook, Amazon, Alphabet et Google, s'était notamment positionné en défaveur de cette réglementation, qui « serait une violation du droit à la vie privée reconnu par la Court Suprême », rapporte le site India Times.Mozilla, GitHub et Cloudflare ont également fait parvenir au ministre des Télécommunications Ravi Shankar Prasad une lettre ouverte dans laquelle ils s'inquiètent des dérives possibles vers une « censure automatisée » ou encore une « surveillance accrue ».
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Mais la voix de ces géants n'a, semble-t-il, pas trouvé oreille attentive au gouvernement Modi. D'après les informations du journal précité, la version finale du texte attendue le mois prochain ne devrait guère porter en elle de changement notable.
400 millions d'utilisateurs doivent renoncer à leur vie privée
L'Inde, pays aux 1,3 milliard d'habitants, compte à ce jour plus de 500 millions d'internautes. Parmi eux, plus de 400 millions sont inscrits sur WhatsApp, et risquent ainsi de devoir renoncer à la confidentialité de leurs données sur la messagerie appartenant à Facebook. Mais la décision du gouvernement indien de faire tomber les barrières de la confidentialité ne part pas d'une lubie : en 2017 et 2018, le pays a payé au prix fort la circulation de fausses informations sur le réseau social.Une vingtaine d'individus ont ainsi été lynchés publiquement en Inde, suite à la propagation de fake news les identifiant comme des kidnappeurs d'enfants. Une série d'événements tragiques, pour lesquels WhatsApp avait été tenu pour responsable par le gouvernement de Narendra Modi. Et les quelques mesures prises ensuite par la messagerie, notamment pour clarifier les informations sur la provenance de certains messages, n'ont rien fait pour calmer le ministère de Ravi Shankar Prasad. Ce que veut le gouvernement indien ? Remonter à la racine de ces fake news en identifiant leurs propagateurs. Une requête à laquelle WhatsApp n'a pas cédé, arguant que cela reviendrait à renoncer au principe de chiffrement de bout en bout qui régit l'intégralité des échanges sur la plate-forme.
Si des zones de flou persistent autour de cette loi, notamment au chapitre des sanctions qui pèsent sur les plates-formes peu coopératives, les attentes du gouvernement, elles, sont très claires. Les réseaux sociaux aux plus de 5 millions d'inscrits sont sommés d'aider le gouvernement indien à retracer l'origine d'une publication dans les 72h après l'émission de la requête. Un historique de 180 jours devra également être mis à disposition des enquêteurs. Des attentes qui ne sont pas sans rappeler la loi dite « anti-haine », sur laquelle s'écharpe l'Assemblée nationale dans l'Hexagone.
Source : India Times